Eglises d'Asie

Après son voyage dans la province de Dak Lak, une délégation de l’Union européenne exprime sa déception et son scepticisme sur ce qui lui a été donné à voir et à entendre

Publié le 18/03/2010




Récemment, l’agence AFP a rapporté les réactions d’une délégation européenne ayant effectué au début du mois de juin une visite de trois jours dans la province de Dak Lak sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam (1). Le groupe composé de diplomates italiens, hollandais et de membres de la Commission européenne se proposait de faire le point sur la situation des droits de l’homme dans les ethnies minoritaires habitant la région. A l’issue de leur voyage, les membres du groupe, qui avaient déjà effectué une visite au Vietnam en novembre 2002, se sont déclarés sceptiques sur l’intérêt que pouvait revêtir ce genre de visites organisées : “Nous avons déjà fait trois visites au Vietnam et nous ne savons pas si nous recommencerons ! ont-ils déclaré. Ce qui a irrité particulièrement la délégation, c’est un article paru dans le journal francophone officiel dans lequel il était dit que les membres de la délégation européenne “avaient félicité les autorités locales pour la stabilité de la situation régnant dans la province et pour l’amélioration du niveau de vie de la population de Dak Lak”. Le porte-parole du groupe a réagi en disant : “Très certainement, nous ne les avons jamais félicités.” Il a conclu au contraire en disant que les dispositions légales en usage au Vietnam n’étaient pas en accord avec la Convention internationale sur les droits de l’homme, pourtant signée par le Vietnam.

La visite de la délégation européenne sur les Hauts Plateaux faisait suite à un voyage sous haut contrôle gouvernemental offert aux journalistes étrangers au milieu du mois de mai (les 15 et 16 mai 2003) dans cette même région où, en février 2001, plus de 20 000 membres des minorités ethniques avaient manifesté pour protester contre le gouvernement. Les manifestations des Montagnards avaient, semble-t-il, pour mobile la confiscation de leurs terres par les Vietnamiens et la répression exercée par les autorités sur la foi protestante à laquelle beaucoup d’habitants de la région ont adhéré ces temps derniers. Il faut ajouter à cela les revendications d’indépendance de certains militants politiques, beaucoup de Montagnards politisés au Vietnam et de réfugiés aux Etats-Unis désignant à la fois leur idéologie politique indépendantiste et leur foi protestante, sous le terme dega, qui a plus ou moins pris la place de l’ancien FULRO (Front uni de libération des races opprimées). La répression du pouvoir central et le contrôle intensif de la société civile qui a suivi les manifestations de février 2001 ont provoqué l’exode des militants et des familles les plus compromises au Cambodge. Un millier d’entre elles ont pu s’établir aux Etats-Unis. L’exode n’est pas encore terminé et les polices vietnamiennes et cambodgiennes conjuguées, malgré tous leurs efforts, n’ont pas encore réussi à y mettre fin (2).

Le sujet le plus important abordé dans les entretiens entre la délégation de l’Union européenne et les autorités locales de la province de Dak Lak a été sans conteste les accusations portées contre le régime communiste par diverses organisations des droits de l’homme qui ont dénoncé une répression systématique des minorités locales qui a créé dans la région un véritable climat d’effroi. Le 21 avril dernier, Human Rights Watch faisait état de “l’escalade de la répression” et attirait l’attention sur la rééducation morale et idéologique ainsi que le très sévère contrôle policier auxquels sont soumises aujourd’hui les populations des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Le dossier diffusé par l’association humanitaire américaine comprenait un recueil de faits et un certain nombre de textes, à savoir de nouvelles directives gouvernementales et des plaintes envoyées par les victimes elles-mêmes. Le gouvernement vietnamien a catégoriquement réfuté ces accusations. Comme cela avait déjà été le cas lors de la tournée des journalistes sur les Hauts Plateaux, les uns après les autres, les officiers gouvernementaux ont répété à la délégation européenne que les Montagnards bénéficiaient de la garantie de la liberté de religion et de non-religion. Ils ont aussi souligné que les Eglises et les organisations religieuses devaient être approuvées par le parti au pouvoir. Ils les ont également informé que toute tentative de sabotage de la grande union nationale serait sévèrement punie.

Un certain nombre de documents accablants ont été rapportés par les journalistes étrangers de leur voyage de trois jours parrainé par les autorités. Ainsi, le représentant de a obtenu plusieurs invitations adressées aux dirigeants religieux par les autorités de Dak Lak pour participer à des réunions au cours desquelles serait développée leur compréhension de la question religieuse. Certains étaient priés d’apporter avec eux une copie de leur autocritique. Il y était spécifié qu’aucune raison d’absence ne serait admise. Les journalistes ont également appris par la suite que trois jours avant leur visite sur les Hauts Plateaux des agents de police avaient averti les habitants des maisons situées sur le trajet du voyage qu’ils auraient des ennuis s’ils s’éloignaient de la ligne gouvernementale lors des entretiens qui auraient lieu.