Eglises d'Asie

Ayodhya : après trois semaines de fouilles, rien ne permet d’affirmer l’existence d’un ancien temple hindou sous la mosquée détruite en 1992

Publié le 18/03/2010




La commission d’enquête du Service archéologique de l’Inde, dépendant du gouvernement fédéral, vient de lancer un énorme pavé dans la mare. En effet, dans un rapport rendu public le 11 juin dernier, elle annonce qu’après trois mois de fouilles entreprises sur le site de l’ancienne mosquée Babri, à Ayodhya, aucun indice n’avait été trouvé indiquant l’existence d’une ancienne structure ressemblant de près ou de loin à un temple hindou. Il faut noter cependant que cette conclusion ne concerne que trente des soixante tranchées où les travaux de fouille sont en train de s’accomplir.

Les fouilles qui, pour le moment, ne sont pas encore achevées avaient été entamées le 10 mars à la suite d’un jugement prononcé le 5 mars dernier par la Haute Cour de l’Etat d’Uttar Pradesh, ordonnant de procéder à des recherches sur les lieux de l’ancienne mosquée détruite pour vérifier si cette dernière avait effectivement été construite sur les ruines d’un temple hindou (1). Ces allégations sont très anciennes et sont soutenues, depuis plus d’un siècle, par certains groupes hindouistes d’extrême droite. Elles avaient conduit ces derniers, en 1992, au sac de la mosquée d’Ayodhya, une démolition qui avait été suivie par des troubles opposant les hindous aux musulmans sur tout le territoire du pays et causant des milliers de morts (2). Selon ces groupes, les musulmans qui, en 1528, avaient construit la mosquée sur le site d’Ayodhya pour honorer Baber (Zahir ud din Baber, 1483-1530), le fondateur de la dynastie des Moghols en Inde, avaient au préalable rasé un temple élevé sur les lieux mêmes de la naissance de la divinité Rama, un avatar de Vishnu.

Cependant, dès le lendemain de la publication des résultats des fouilles du service archéologique fédéral, le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien) dont la progression fulgurante au cours des années passées, tient, en partie, à la savante exploitation des émotions et des passions déclenchées par la controverse du temple d’Ayodhya et par les événements qui lui sont liés, niait la portée du dernier rapport du Service archéologique de l’Inde. Le porte-parole du parti, Mukhtar Abbas Naqvi, affirmait à New Delhi, le 12 juin, qu’aucune conclusion définitive ne pouvait en être tirée : “Il existe d’autres rapports, a-t-il affirmé, et, en particulier, personne ne peut ignorer le rapport de Tojo Vikas international.” Cette entreprise géologique indo-canadienne, avant les fouilles du Service archéologique, avait réalisé une étude au radar et au scanner qui aurait apporté la preuve d’une structure sous-jacente à la mosquée détruite (3). Le récent rapport affirme que les plus récentes fouilles n’ont pas trouvé trace des anomalies de structures décelées auparavant.

Les observateurs politiques s’accordent pour penser que même s’il constitue une cruelle déception pour les nationalistes hindous, le rapport du Service archéologique en aucune façon ne mettra fin à leurs croyances. Ainsi, Kuldip Nayar, un député indépendant, qui est aussi un analyste politique, a déclaré que, bien que le rapport prouve que la campagne des nationalistes hindous à propos d’Ayodhya est sans fondement, il sera vraisemblablement rejeté par tous ceux qui le trouvent gênant. C’est ce que vient de faire un conseiller du groupe hindou d’extrême droite, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), en affirmant : “Ce rapport n’a pas de signification pour nous. Il n’est qu’un rapport provisoire. Nous attendons le rapport final.”