Eglises d'Asie

Des groupes fondamentalistes hindous critiquent le jugement défavorable prononcé par le pape à propos des récentes lois sur les conversions

Publié le 18/03/2010




Le Rasthriya Swayamsevak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), groupe extrémiste hindouiste, n’a pas tardé à réagir aux derniers propos du pape Jean-Paul II mettant en cause les récentes lois contre les conversions (1) adoptées en plusieurs Etats de l’Inde. Lors d’une conférence de presse le 6 juin dernier, son porte-parole, Ram Madhav, a demandé au gouvernement indien d’élever une protestation publique contre cette intervention du pape. Il a en particulier déclaré que “les remarques du pape étaient une sorte de défi à l’Inde et à sa tradition pluraliste” (2).

Au cours d’une audience accordée en mai et juin derniers à deux groupes d’évêques de rite romain venus à Rome en visite ad limina, le pape Jean-Paul II avait très clairement évoqué et critiqué de récentes lois anti-conversions adoptées par deux Etats de l’Inde. Lors du deuxième entretien avec les évêques de l’Inde, le pape avait très directement mis en question les lois destinées à restreindre les conversions religieuses en Inde. Le pape en attribuait l’initiative aux groupes fondamentalistes hindous : “En quelques régions, avait-il dit, les autorités se sont rendus à la pression de ces extrémistes et adopté d’injustes lois sur les conversions propos qui ont été largement rapportés et commentés par les médias. Le pape avait ajouté que la multiplication des activités des fondamentalistes avaient fait naître des soupçons au sujet de l’Eglise et par suite augmenté les difficultés auxquelles elle doit faire face. La pape avait encouragé les catholiques indiens à ne pas abandonner leur tâche évangélisatrice, quels que soient les obstacles qu’ils rencontreraient.

Le porte-parole du RSS a qualifié d’inopportunes les remarques du pape, des remarques marquées, selon lui, par une totale ignorance de la pluralité culturelle indienne. Accusation paradoxale dans la bouche du dirigeant d’un mouvement qui s’efforce de transformer l’Inde en nation hindoue. Ram Madhav a aussi entrepris de justifier les récentes lois contre les conversions. Selon lui, elles se sont avérées nécessaires à cause de l’agressivité des missionnaires qui tentent de séduire les pauvres pour les attirer au christianisme. Le prosélytisme chrétien causerait des tensions et menacerait sérieusement la paix et l’harmonie en Inde. De plus, ces lois seraient en accord avec une décision de la Cour suprême de l’Inde, datant de 1977, selon laquelle les citoyens “ont la liberté de professer de pratiquer et de propager” leur religion mais n’ont pas le droit de convertir les autres.

Une autre association de l’extrême droite hindoue, familière des attaques anti-chrétiennes et anti-musulmanes, le Vishwa Hindu Parishad (VHP, le Conseil mondial hindou), a fait écho à la précédente critique. Son président international, Vishnu Hari Dalmia, a fait remarquer, le 7 juin dernier, que ce n’est pas la première fois que le pape “heurte les sentiments des hindous Lors de la visite en Inde en 1999, dans son discours de clôture au synode des évêques pour l’Asie, il avait appelé à une moisson de la foi en Asie pour le XXIe siècle.

Les réactions chrétiennes n’ont pas manqué. Dans un communiqué de presse, le coordinateur du Conseil global des chrétiens indiens a fait part de son inquiétude devant cette intervention du RSS dans les affaires intérieures de l’Eglise. Il s’agit là, a-t-il dit, d’une tentative détournée de manouvre politique faisant semblant de croire que les paroles du pape seraient une sorte de feu vert préludant au développement d’un mouvement de conversions forcées.

Le gouvernement indien, auprès duquel les divers groupes hindouistes ne sont pas sans influence, a observé une grande discrétion dans cette affaire. Le 7 juin, un haut fonctionnaire du ministère fédéral des Affaires étrangères a déclaré qu’il n’était pas au courant d’une quelconque initiative du gouvernement en ce domaine. Selon lui, il était très peu vraisemblable que le gouvernement émette une protestation contre les propos du pape.