Eglises d'Asie

Luzon : soutenus par leur évêque, des paysans luttent contre une compagnie internationale d’exploitation minière pour sauver leurs terres

Publié le 18/03/2010




Le 6 mai dernier, les paysans du village de Didipio, situé à Kasibu, Nueva Vizcaya, à 200 kilomètres au nord-est de la capitale, accompagnés de Mgr Ramon Villena, évêque du diocèse catholique de Bayombong, et d’une cinquantaine de sympathisants, se sont rendus à Manille pour adresser une pétition à la Cour suprême et demander l’annulation d’un contrat d’exploitation minière accordé à une entreprise australienne (1). Des défenseurs des droits des aborigènes s’étaient joints à eux pour, en leur nom, demander à la cour de déclarer “nul et non avenu” le contrat d’assistance financière et technique de la Compagnie minière Climax-Arimco signé le 20 juin 1994. Pour eux, ce contrat de cinquante ans qui donne à la compagnie le droit d’exploration et d’exploitation du site de Didipio est “illégal et anticonstitutionnel” puisqu’il donne le contrôle d’une terre à des étrangers, un droit constitutionnel réservé aux Philippins, la Climax-Arimco étant sous contrôle étranger à 99 %. L’exploitation minière devrait s’étendre sur une superficie de 37 000 hectares dans les montagnes de la Sierra Madre, au centre de l’île de Luzon, où se trouvent les dernières forêts tropicales du pays.

Jugeant ce projet socialement inacceptable, le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles avait donné l’ordre de suspendre toute activité en octobre 2001, ce qui n’a pas empêché la compagnie de maintenir sa présence en vue de reprendre rapidement ses opérations. Selon sour Orlino, directrice de l’Action sociale du diocèse de Bayombong, les pétitionnaires luttent également pour faire annuler la loi de 1995 concernant l’exploitation minière qui, selon eux, ne tient pas compte des droits constitutionnels des Philippins et, sous prétexte de libéralisation de l’industrie minière, donne aux compagnies étrangères l’opportunité de contrôler les richesses naturelles des Philippines.

Dans un communiqué à la presse, le groupe des protestataires affirme que Climax- Arimco veut exploiter les mines à ciel ouvert, ce qui, prévient-il, inonderait la vallée voisine de Dinauyan, lieu prévu pour la retenue des déchets. A Didipio, la compagnie aurait localisé dix-sept sites de prospection pour l’extraction de l’or et du cuivre. La plupart des 1 400 foyers de Didipio appartiennent à l’ethnie des Ifugao, venus des montagnes de la Cordillera dans les années 1960. Ils cultivent là le riz, les bananes, le maïs, le café et les patates douces.

Mgr Villena a déclaré pour sa part qu’à cause des dégâts constatés partout “la réputation des grandes exploitations minières aux Philippines était désastreuse Il a cité le déversement des déchets de la société minière Marcopper, dans la province de Marinduque, au sud-est de Manille. L’industrie minière sur une vaste étendue “détruit les terres agricoles et les moyens d’existence des plus défavorisés”. Certes, a-t-il reconnu, le gouvernement « veut revigorer l’économie” mais cela ne doit “certainement pas se faire aux dépens des droits et de la dignité humaine des pauvres ». Mgr Villena, évêque de Bayombong depuis dix-sept ans, a assuré que, si le gouvernement voulait bien les aider, les paysans de Didipio, avec leurs terres, rapporteraient bien davantage qu’une mine d’or.

Un résident de Didipio a révélé que, lorsque Climax-Arimco avait commencé ses prospections, des représentants de la compagnie “avaient essayé d’acheter toutes les terres et [son] silence en échange d’une voiture neuve et d’une maison”. “Quand j’ai refusé cette offre, certains de mes voisins m’ont traité de fou. Mais maintenant, je suis triste de voir que ceux qui ont vendu leurs terres ancestrales vivent dans la misère, victimes des spéculateurs a-t-il ajouté.

La pétition auprès de la Cour suprême sera une longue bataille, prévoit sour Orlino. En 1994, un fermier aurait tiré sur un hélicoptère de la compagnie qui inspectait le site, tuant un géologue canadien. A la suite de cette attaque, l’armée avait déployé des troupes dans la région.