Eglises d'Asie

Une plainte pour harcèlement sexuel déposée contre un évêque catholique en vue provoque la stupeur des Philippins

Publié le 18/03/2010




Les Philippins ont été profondément stupéfaits d’apprendre par la presse qu’un des évêques les plus en vue du pays faisait l’objet d’une plainte pour harcèlement sexuel. Les 7 et 8 juin derniers, les grands titres de la presse nationale ont fait leurs titres sur la plainte déposée auprès du nonce apostolique aux Philippines par la secrétaire de Mgr Teodoro Bacani, évêque de Novaliches, diocèse situé au nord de la capitale du pays et créé il y a quelques mois à partir d’une partition du vaste archidiocèse de Manille.

Les faits remontent au 26 mars dernier, à un moment où Mgr Bacani et sa secrétaire se trouvaient seuls dans son bureau. Selon la presse, l’évêque aurait enlacé sa secrétaire et tenté de l’embrasser. Mgr Bacani, dans une lettre datée du 7 juin et lue en chaire le lendemain dans un certain nombre de paroisses de Novaliches, a déclaré être “profondément désolé pour les conséquences de toute expression inappropriée d’affection à [sa] secrétaire” et s’est dit “prêt à quitter le diocèse si nécessaire”. Demandant à prendre du temps pour prier dans la solitude et se reposer, il a aussi “demandé pardon à l’Eglise et à vous tous et à ma secrétaire qui se sentent blessés”. Le 9 juin, Mgr Bacani s’est envolé pour les Etats-Unis, où vit sa mère, pour une durée de deux mois afin, selon lui, “de permettre aux autorités civiles et ecclésiastiques d’enquêter” sur la plainte déposée par sa secrétaire.

La nouvelle a fait grand bruit dans le pays où Mgr Bacani est loin d’être un inconnu. La présidente Gloria Arroyo, catholique pratiquante, a appelé dès le 8 juin à la retenue sur cette affaire, déclarant que son gouvernement n’interviendrait pas dans cette affaire, “sauf si le droit a été enfreint”. Elle a ajouté “être attristée par la tournure des événements” mais qu’elle savait que “l’Eglise avait le leadership, le courage et la force de surmonter ces épreuves”. Le 9 juin, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Orlando Quevedo, a publié un texte intitulé : “Réflexions sur le cas de Mgr Ted Bacani”. On pouvait y lire un rappel aux catholiques que leur amour et leur foi en l’Eglise n’étaient pas fondés sur une personnalité en particulier. Le 10 juin, 250 prêtres de Manille se sont rassemblés à la résidence du cardinal Sin, archevêque de Manille, pour réfléchir au cas de Mgr Bacani et au pouvoir de la presse en pareille circonstance. Enfin, le fondateur du très populaire mouvement charismatique catholique El-Shaddai, Mariano Velarde, a annoncé que l’assemblée du 14 juin du mouvement serait consacrée à exprimer “notre soutien inconditionnel à Mgr Ted Bacani en particulier et au clergé catholique en général”.

Agé de 63 ans, Mgr Bacani a été durant dix-huit ans évêque auxiliaire de Manille avant de prendre la tête, le 16 janvier dernier, du tout nouveau diocèse de Novaliches. Ancien conseiller spirituel de l’ex-président Joseph Estrada, directeur spirituel du mouvement El-Shaddai et de son fondateur, Mgr Bacani a été impliqué au cours de sa carrière dans nombre de débats sociaux. Ces derniers jours, il avait pris la tête d’une campagne contre la hausse des tarifs de l’électricité, décrétée par le gouvernement pour contribuer au remboursement de la dette publique.

L’“affaire Bacani” intervient moins d’un an après que les évêques philippins eurent abordé de front la question des écarts de conduite en matière sexuelle d’une partie du clergé catholique (1). Un projet de charte, détaillant la conduite à tenir face aux prêtres coupables de tels abus, est à l’étude.