Eglises d'Asie

Dans des régions du pays où la présence chrétienne est importante, des responsables civils et reli-gieux chrétiens ont déclaré ne pas vouloir appliquer la loi sur l’éducation, récemment adoptée

Publié le 18/03/2010




Dans certaines parties du pays, des responsables civils et religieux chrétiens ont vivement réagi à l’adoption le 11 juin dernier par la Chambre des représentants d’une loi sur l’éducation (1). Votée après un certain nombre de péripéties, la loi, entre autres choses, organise l’enseignement de la religion dans les écoles, publiques et privées. Avant même son vote, nombre de chrétiens avaient fait connaître leur opposition à l’article 13 de la loi, article qui oblige les écoles à offrir à leurs élèves une éducation religieuse conforme à l’appartenance confessionnelle de ces derniers, dispensée par un professeur de la religion en question. Les chrétiens craignent que cette disposition atténue fortement le caractère chrétien des écoles chrétiennes tandis que des groupes musulmans, favorables à la disposition contestée, affirment que de nombreux enfants musulmans scolarisés dans des écoles chrétiennes sont chaque année convertis au christianisme.

Dans la province de Célèbes-Nord, majoritairement chrétienne, le maire de Bitung, une localité côtière, a déclaré qu’il avait donné instruction à ses subordonnés de ne pas appliquer la nouvelle loi. Selon lui, “parce que la Chambre des représentants a voté la loi sans écouter les voix chrétiennes (opposées au texte législatif) la désobéissance civile va de soi et est nécessaire pour faire entendre au gouvernement à Djakarta qu’il faut écouter les Indonésiens chrétiens. Le gouverneur de la province, un protestant, a déclaré le 12 juin qu’il porterait la loi devant les tribunaux, sous-entendant que la loi est inconstitutionnelle. Deux des députés de la province, le protestant Jemmy Lelet, et le musulman Benny Rhamdhani, se sont déclarés d’accord pour dire que la loi ne sera jamais appliquée dans leur province.

Le 16 juin, dans la province de Kalimantan-Ouest, sur l’île de Bornéo, le Conseil tribal dayak a été reçu par le gouverneur à Pontianak qui s’est vu demander de ne pas appliquer la loi. Le gouverneur de cette province où les Dayaks sont en majorité chrétiens a répondu qu’il allait considérer la demande. L’archevêque catholique de Pontianak, Mgr Hieronymus Bumbun, a estimé que “la loi devait être rejetée parce qu’elle est en contradiction avec la Constitution”.

A Florès, île majoritairement catholique et située dans la province de Nusa Tenggara Est, des directeurs d’école se sont dits déçus par l’adoption de la loi, estimant que cela pourrait déboucher sur des actes de désobéissance civile. A Kupang, chef-lieu de la province, des chrétiens mais aussi des musulmans ont estimé que la loi était inutile. Le P. Stefanus Mau, directeur d’une école, s’est dit résolu à ne pas embaucher de professeurs de religions non catholiques. Au sujet des protestants, des musulmans et des hindous scolarisés dans son établissement, il a ajouté : “Ils n’ont pas obligation d’assister aux classes de religion catholique. Ils s’y rendent de leur plein gré et participent même à d’autres activités catholiques, y compris la messe, mais ils ne reçoivent pas la communion.” Le directeur d’une école chrétienne voisine précise que certaines écoles ont des professeurs de religion catholiques et musulmans pour que les écoliers reçoivent une éducation religieuse conforme à leur appartenance confessionnelle : “Nous apprécions le dévouement de ces enseignants mais nous ne les rémunérons pas car, pour des raisons financières, nous ne pouvons pas nous le permettre.” Selon lui, la loi est malgré tout mauvaise car “elle permet au gouvernement d’interférer dans les affaires privées de la société”.

Pour Abba Abdul Makarim, président du Conseil des oulémas dans la province de Nusa Tenggara Est, la loi n’était pas nécessaire et il ne voit aucune difficulté à ce que des musulmans soient scolarisés dans des écoles chrétiennes. “Je soupçonne que tout ceci est un jeu politique mené par un certain groupe musulman qui prétend représenter tous les musulmans du pays pour réprimer les non-musulmans dit-il.