Eglises d'Asie

Hô Chi Minh-Ville : une communauté protestante refuse d’abandonner la construction d’une église et entre en conflit public avec les autorités civiles

Publié le 18/03/2010




Actuellement au Vietnam, les conflits les plus brûlants entre les diverses Eglises et le pouvoir sont provoqués par des questions concernant la propriété de terrains et les constructions de lieux de culte. La confrontation qui, depuis le début du mois de juin dernier, oppose une communauté protestante aux pouvoirs publics de Hô Chi Minh-Ville illustre parfaitement ce fait. L’affaire est loin d’être isolée. Un peu partout au Vietnam, chez les protestants comme chez les catholiques, des affaires de ce type ont déjà éclaté ou sont sur le point d’éclater.

Un pasteur de l’Eglise des alliances missionnaires, le révérend Truong Van Nganh, avait, il y a quelques années, acheté un terrain de 700 m , rue Trân Nao, dans le second arrondissement de Hô Chi Minh-Ville. La parcelle était classée parmi les terrains constructibles et le pasteur comptait y édifier un temple. Cependant, sa demande de construction de lieu de culte se heurta à un premier refus du pouvoir local. Après négociations, le pasteur accepta d’échanger son terrain avec un autre de surface équivalente que lui fourniraient les autorités locales. Le temps passant et ne voyant rien venir, le pasteur commença la construction de son église. Mais à peine avait-il fait élever une charpente métallique couverte d’un toit de tôle que, le 1er juillet 2000, les autorités régionales envoyaient une équipe d’ouvriers détruire tout le travail accompli.

Le pasteur Nganh se décida alors à confier les démarches administratives préalables à la construction de son église au pasteur avocat Nguyên Hông Quang (1) et au révérend Truong Tri Hiên, de l’Eglise protestante mennonite. En novembre 2001, les deux intermédiaires avaient déjà obtenu du Comité populaire municipal un permis de construire pour l’église. Il ne manquait plus que le permis que le chef du service urbain d’architecture aurait dû délivrer. Mais ce permis devait se faire attendre encore longtemps. Au mois de mai 2003, il n’était pas encore parvenu à son destinataire. Le pasteur Nganh fit alors une demande de construction provisoire. Selon la loi, si un particulier ayant fait une telle demande ne reçoit pas de réponse avant vingt jours, il peut alors entamer la construction projetée, mais d’une façon provisoire et en matériaux légers. C’est ce que fit le pasteur. Le 9 juin 2003, pasteurs et fidèles étaient déjà au travail et avait entamé la construction d’une église provisoire.

Le soir même, à 19 heures, les représentants du pouvoir se rendaient sur le chantier, intimant l’ordre de cesser immédiatement les travaux. N’ayant pu convaincre les pasteurs, ils envoyaient dans la soirée une troupe composée de deux cents éléments appartenant à diverses unités de la police qui entreprirent de faire le siège des lieux. Les camions transportant des matériaux pour le chantier de l’église étaient déviés de leur route, les matériaux déjà achetés et payés par les fidèles étaient confisqués. Sur le chantier encerclé par la police régnait le plus grand calme, une partie des fidèles priant debout, tandis que le second groupe continuait les travaux de construction. Les deux pasteurs, eux, essayaient de négocier avec les porte-parole de l’autorité civile. Cette première intimidation n’ayant pas réussi, c’est un groupe de repris de justice et de marginaux recrutés par la police elle-même qui vint essayer de semer le trouble sur le chantier. Cette nouvelle tentative fut repoussée, elle aussi, dans le calme et en appelant la police. L’alimentation électrique du chantier fut alors coupée ; elle fut aussitôt remplacée par un groupe électrogène. Pour renforcer leur esprit de résistance, les constructeurs d’église étaient maintenant coiffés d’un foulard blanc de deuil et affichaient une croix rouge sur la poitrine. Le pasteur avocat équipé d’un haut parleur exhortait les cadres de la police à ne pas porter tort à une entreprise du peuple. Un certain nombre d’entre eux, en apparence persuadés, quittèrent le terrain. A ce moment, seuls quelques agents de la police routière restaient sur place, interdisant l’accès aux camions et confisquant les matériaux.

Depuis le début des travaux et de la confrontation avec les forces de l’ordre, les jours avaient passé. Aux environs du 10 juin, la foule se pressait nombreuse autour du chantier de construction. Des organisations de défense des droits de l’homme présentes au Vietnam, l’ambassade des Etats-Unis avaient envoyé sur place des représentants chargés de suivre la suite des événements. Le 11 juin, sans doute embarrassés par la publicité donnée à cette affaire, les représentants des autorités locales ont quitté le terrain.

Cependant, malgré leur retrait apparent, les autorités ne semblent pas vouloir lâcher pied. Le 18 juin, la police a mené une perquisition chez le pasteur Nguyên Hông Quang et dans les locaux de la troupe de scouts dont il est responsable. Le 19, le Bureau des Affaires religieuses de Hô Chi Minh-Ville a rencontré les représentants de l’Eglise évangélique du Vietnam et le pasteur Nganh pour les mettre en demeure de faire disparaître les constructions entamées sur le chantier de la rue Trân Nao. Ils ont également demandé au pasteur de signer une reconnaissance de culpabilité pour avoir voulu construire une église malgré l’opposition des autorités. Le pasteur Nganh a refusé d’apposer sa signature sur la pièce en question.