Eglises d'Asie

Goa : les responsables catholiques élèvent la voix après un accident de chemin de fer sur une ligne dont ils avaient critiqué la construction

Publié le 18/03/2010




Cinquante-deux personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants, ont péri, le 22 juin dernier, dans un accident de chemin de fer survenu dans le Maharashtra, près de Tatnagiri, à mi-chemin entre Karwar et Mumbai. Le train a heurté des pierres tombées sur la voie par suite d’un éboulement de terrain provoqué par 36 heures de pluie consécutives et quatre voitures se sont renversées.

A ce propos, un certain nombre de responsables du diocèse de Goa ont rappelé la position de l’Eglise catholique locale au moment où le projet excessivement controversé du chemin de fer avait été réalisé entre 1990 et 1998 (1). En 1991, les chrétiens de Goa s’étaient opposés au passage, à travers leur ville, d’une voie de chemin de fer qui devait relier les Etats du Maharashtra, du Karnataka et du Kerala. Il s’agissait d’un projet du gouvernement central. La population de Goa comptant 30 % de catholiques, fiers du passé prestigieux de leur communauté, craignait que l’intrusion des trains sur le territoire ne lui soit “dommageable au triple point de vue de la culture, de l’environnement et de l’archéologie Dans la très vigoureuse campagne menée par les catholiques goanais pour faire détourner la voie ferrée sur un autre parcours, les chrétiens de Goa, entre autres arguments, mirent en avant que la construction de la voie ferrée sur du terrain friable menaçait d’être catastrophique pour les passagers, d’occasionner des dépenses excessives pour l’entretien de la voie et de causer de considérables dommages aussi bien à l’écologie qu’à certaines ouvres d’art datant du XVIIe siècle.

Le P. Olavo Velho Pereira, du diocèse de Goa, a déclaré à l’agence Ucanews que le récent accident montre bien que les protestations de l’Eglise demandant de retracer la voie ferrée étaient raisonnables et justifiées. “Notre mise en garde s’est avérée justifiée a-t-il souligné. Les responsables du diocèse de Goa affirment aujourd’hui que la voie ferrée qui démarre dans l’extrême sud du pays a été construite sans études de terrain préalables. Ils dénoncent également la fraude et la corruption qui expliquent le pauvre équipement de la voie ferrée qui relie quatre Etats de l’Inde orientale. Il y a quelques années, l’archevêque de Goa, Raul Gonsalves, et quelques autres responsables de l’archidiocèse avaient rencontré une série de hautes autorités fédérales, parmi lesquelles le Premier ministre de l’époque, pour leur demander de détourner la voie ferrée. Il n’avait été tenu aucun compte de leurs avertissements et le tracé de la voie n’avait pas été changé. Les mêmes responsables avaient, en outre, mis en cause le coût des travaux et les délais demandés pour la construction de la ligne de chemin de fer. Les travaux commencés en 1990 auraient dû être achevés en 1994. En réalité, la ligne n’avait été ouverte qu’en mai 1998. En fin de compte, les dépenses s’étaient élevées à 36 milliards de roupies (900 millions d’euros), soit quatre fois le coût prévu au début. “Pour nos convictions de l’époque, affirme aujourd’hui le P. Pereira, nous avions été accusés de faire preuve d’esprit anti-national et de communautarisme. Il est regrettable que nos craintes se soient révélées fondées.”

Pour certains prêtres de paroisses traversées par la ligne de chemin de fer, l’accident du 22 juin dernier ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Le pire serait à venir. Selon ceux-ci, le dessin de la voie ferrée aurait été modifié sans aucune étude scientifique à l’insistance d’hommes politiques de la région poursuivant des objectifs particuliers. Le député Matanhy Saldanha, de la circonscription de Cortalin, l’un des plus anciens opposants du projet de chemin de fer, considère, lui aussi, que “cet accident n’est que le commencement La construction de cette voie ferrée, fait-il remarquer, a été le fruit d’une décision politique prise sans aucune enquête scientifique préalable. Il était inévitable que ce train à grande vitesse traversant des régions populeuses provoque des éboulements de terrains.