Eglises d'Asie

Gujarat : une première plainte des chrétiens et des bouddhistes contre la loi sur les conversions a été rejetée par la Haute Cour de l’Etat

Publié le 18/03/2010




Le 30 juin dernier, un jugement de la Haute Cour du Gujarat a qualifié de “prématurée” et a rejeté une plainte attaquant la légalité de la loi sur les conversions, récemment promulguée dans l’Etat. La plainte déposée par le Conseil chrétien panindien et le monastère bouddhiste de l’illumination du Bouddha demandait au tribunal de déclarer que cette loi était anticonstitutionnelle et violait les droits fondamentaux de l’homme.

Cette loi (1), soumise à la discussion des parlementaires du Gujarat le 22 mars 2003, avait été conçue et rédigée sur le modèle de la loi très controversée adoptée par l’Assemblée législative du Tamil Nadu, le 30 octobre 2002 et promulguée le 3 décembre suivant (2). La loi du Gujarat, intitulée “Loi 2003 sur la liberté religieuse avait été adoptée par le parlement de l’Etat le 26 mars suivant et, quelques jours plus tard, promulguée par le gouverneur de l’Etat (3). Cette loi punit de peines de trois ans de prison et d’une amende de 50 000 roupies (900 euros) les personnes ayant utilisé la force ou la séduction pour effectuer une conversion. Si la personne convertie est une femme ou un enfant ou encore membre d’une basse caste ou d’une minorité ethnique, cette peine peut être portée à quatre ans de prison. En application de cette loi, le converti comme le convertisseur sont dans l’obligation de demander l’autorisation au magistrat du district pour toute conversion. Même si, par ailleurs, toutes les choses se sont passées normalement, cette permission est nécessaire. Quiconque ne la sollicite pas est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 roupies.

La plainte déposée par les chrétiens et les bouddhistes auprès de la Haute Cour du Gujarat mettait spécialement en cause l’article 5A de la loi stipulant qu’avant toute conversion une autorisation préalable devait être demandée auprès d’un magistrat du district aussi bien par le futur converti que par le personnel du culte officialisant cette conversion. Cette disposition n’est pas contenue dans les autres lois sur les conversions en vigueur dans quelques autres Etats de l’Inde, l’Arunachal Pradesh, le Madhya Pradesh, l’Orissa et le Tamil Nadu. L’initiative chrétienne a été soutenue par Ramesh Manwar le secrétaire du groupe bouddhiste, qui a dénoncé dans la loi des dispositions anticonstitutionnelles. En rejetant la plainte, la Haute Cour du Gujarat s’est rendue à l’argument présenté par le gouvernement de l’Etat selon lequel la justice ne pouvait statuer sur cette loi qu’après la publication d’une notification à son sujet sur le journal officiel. Seule cette notification, en effet, permet à la loi d’entrer en vigueur.

Le secrétaire du Conseil chrétien panindien, Samson Christian, qui a déposé la plainte, a aussitôt fait remarquer qu’il s’agissait là d’un jugement sur la forme et non sur le fond et a fait appel du rejet, en s’appuyant sur des cas de jurisprudence où des personnes avaient été arrêtées au nom d’une loi n’étant pas entrée en vigueur au moment des faits. Selon certains juristes, si la plainte chrétienne et bouddhiste a été rejetée à la hâte sur des motifs techniques, c’est que jusque là aucun décret d’application n’avait été publié et aucune forme n’avait été élaborée concernant l’autorisation de conversion.

Selon Mgr Thomas Macwan, évêque de Ahmedabad, l’Eglise catholique ne manquera pas d’intenter un procès au gouvernement du Gujarat dès que la loi anti-conversion sera entrée en vigueur. “Avant tout, a-t-il déclaré, elle est inconstitutionnelle : d’un côté, la Constitution indienne proclame la liberté religieuse ; de l’autre, l’Etat du Gujarat essaie de l’étouffer.” Il a ajouté : “Nous ne tarderons pas à attaquer cette loi devant la Cour suprême.”