Eglises d'Asie

Après le dénouement pacifique d’une mutinerie de jeunes officiers de l’armée, le cardinal Sin appelle à des réformes

Publié le 18/03/2010




Après le dénouement pacifique d’une mutinerie de jeunes officiers de l’armée qui a vu, le 27 juillet dernier, trois cents soldats prendre le contrôle durant une vingtaine d’heures d’un centre commercial et d’un immeuble d’appartements de luxe de Makati City, centre financier de la capitale philippine, le cardinal Sin a présidé une messe d’action de grâce. Le mardi 29 juillet, au sanctuaire de Marie Reine de la paix à Quezon City, lieu où le politique et le religieux se sont souvent mêlés dans l’histoire récente du pays (1), le cardinal-archevêque de Manille a mis en garde les Philippins en ces termes : “Si nous ne tirons pas la leçon [des événements passésnotre action de grâce d’aujourd’hui n’a pas grande signification. Nous pourrions favoriser l’émergence d’une nouvelle mutinerie.” Outre la cinquantaine de prêtres concélébrant la messe, l’assistance, d’environ cinq cents personnes, comptait de nombreux responsables politiques et religieux. Parmi eux se trouvaient la présidente Gloria Macapagal-Arroyo, le ministre de la Défense Angelo Reyes ainsi que le chef d’état-major des armées et le responsable national de la police.

Les mutins, qui se sont rendus sans effusion de sang ni violence, dénonçaient, entre autres choses, la corruption présente au cour de l’armée. Ils ont accusé Angelo Reyes, le chef des services de renseignement de l’armée ainsi que d’autres gradés et responsables de la Défense de vendre des armes et des munitions à la rébellion musulmane de Mindanao ainsi qu’aux rebelles communistes. Ils ont dénoncé les ordres reçus en mars dernier à Davao, à Mindanao, de mitrailler et de lancer des grenades contre des mosquées de la ville, manouvres manigancées, selon eux, par la hiérarchie militaire afin d’accroître le sentiment général d’insécurité et finalement d’obtenir une aide militaire accrue des Etats-Unis (2). Leur porte-parole a affirmé que leur action ne visait pas à se saisir du pouvoir mais avait pour objectif de mettre en branle des réformes au sein de l’appareil militaire et gouvernemental.

La voix affaiblie, soutenu par deux prêtres lors de ses déplacements – le cardinal a fêté son 75ème anniversaire ce 31 août -, l’archevêque de Manille a affirmé qu’il n’y a pas de “vainqueur” à l’issue d’une mutinerie, même si l’issue pacifique de celle-ci est “une victoire pour la paix”. Il a ajouté : “Bien que leur mode d’action a été immoral et illégal, nous remercions néanmoins les soldats [ayant pris part à] la mutinerie d’avoir attiré l’attention de la nation sur les maux causés par la corruption appelant le gouvernement à mettre “immédiatement” en ouvre “des réformes véritables” fondées sur “la justice, la bonté et la paix”. Les réformes, a-t-il poursuivi, doivent se concentrer “sur les problèmes et pas sur les personnes, en mettant de côté les ambitions et les intérêts personnels pour le salut du bien commun”.

Quelques heures plus tard, la présidente Arroyo annonçait la création d’une commission indépendante “pour enquêter sur les racines de la mutinerie et les provocations qui l’ont inspirée”. Des universitaires, des juges et un militaire à la retraite ont été nommés pour y siéger, dont un prêtre catholique, le P. Joaquin Bernas, jésuite et doyen de la faculté de droit de l’université Ateneo de Manille.