Eglises d'Asie

La question brûlante de l’utilisation des terres fait l’objet d’une nouvelle loi, soumise à une consultation populaire

Publié le 18/03/2010




Le 1er août dernier, la presse officielle du Vietnam annonçait qu’une très large consultation populaire allait avoir lieu concernant deux projets de loi légiférant dans des domaines aussi sensibles et controversés que le statut des terrains et la nature des procédures pénales en vigueur. Ces lois, qui existent chacune d’entre elles depuis une dizaine d’années, n’ont cessé d’être critiquées et remaniées à chaque nouvelle législature de l’Assemblée nationale. Les nouveaux projets de loi ont été portés à la connaissance du public par la presse écrite et, pour la première fois, diffusées sur le réseau Internet à l’intention de l’étranger. Trân Quôc Thuân, vice-président du Bureau permanent de l’Assemblée nationale, a même précisé que l’Etat souhaitait que les Vietnamiens de la diaspora participent, eux aussi, à cette consultation.

Il est prévu d’amender un certain nombre d’articles du Code pénal, en particulier ceux qui comportent la peine de mort. Mais c’est surtout la loi sur l’utilisation des terrains qui intéresse le public ; elle constitue en effet la question brûlante entre toutes. En apparence, la propriété légale des terrains est régie par des principes simples, d’ailleurs souvent énoncés. Il n’existe pas de propriété privée de la terre. Celle-ci est la propriété commune du peuple tout entier. Elle est administrée par l’Etat qui donne aux organismes et aux personnes privées le droit de l’utiliser, lequel peut être cédé, légué, vendu. Mais cette simplicité n’est qu’apparente. En réalité, le problème de l’utilisation de la terre est d’une extrême complexité et donne lieu à de constants conflits entre les particuliers et les divers pouvoirs publics vietnamiens. Comme l’affirmait le bâtonnier de Hanoi, Maître Nguyên Trong Ty, l’actuelle répartition des terres issue de diverses mesures contradictoires successives irrite la population qui ne cesse de déposer des plaintes à propos des terrains auprès des instances qui veulent bien les accepter.

L’arrivée du nouveau pouvoir communiste en 1975 avait en effet passablement bouleversé la répartition des terres telle qu’elle avait été prévue par la réforme agraire appelée “La terre à ceux qui la labourent” et menée par le président Diêm dans les années 1960. Les diverses réformes, confiscations et collectivisations effectuées par la suite ont provoqué d’innombrables mécontentements qui, aujourd’hui, s’expriment ouvertement sur la place publique. C’est ainsi que la plupart des diocèses du Vietnam et de nombreuses congrégations religieuses réclament chacun à l’Etat plusieurs terrains et propriétés qui, dans la fin des années 1970, avaient été confisqués ou empruntés par le gouvernement, ou encore offerts sous la pression par les autorités ecclésiastiques. Depuis plusieurs années, il n’est pas rare de voir et d’entendre contester par les autorités religieuses l’usage actuel de propriétés autrefois empruntées ou confisquées par les pouvoirs publics pour de toutes autres fins (1).

Les contestations à propos de terres se sont multipliées dans les campagnes depuis le retour partiel à l’exploitation privée des terres. On a pu voir des petits groupes de paysans venir manifester à Hanoi ou à Hô Chi Minh-Ville auprès des résidences de personnalités publiques ou devant l’Assemblée nationale pour réclamer des terres empruntées ou accaparées. Pour ne citer que les faits les plus récents, on peut signaler le heurt entre un groupe de plusieurs centaines de paysans réclamant des indemnisations plus élevées pour leurs terres confisquées et des policiers à la mi-octobre 2002 à Hai Duong à une soixantaine de kilomètres de Hanoi. Le mois suivant, le 8 novembre 2002, des milliers de paysans en sont venus aux prises avec la police dans le district de Hoai Duc de la province de Ha Tay, à propos de 3 400 m de terre expropriés pour la construction d’une zone industrielle. Plus tôt, le 23 mai 2001, des dizaines de paysans venus des provinces méridionales de Hô Chi Minh-Ville de Huê ou encore de Vinh Phuc au Nord-Vietnam ont tenté de remettre des pétitions aux députés de l’Assemblée nationale, accusant les cadres locaux de vendre des terrains communaux.

Selon le bâtonnier Ty, la nouvelle loi sur les terres soumise à la consultation populaire obligerait l’Etat à considérer séparément chacune des plaintes concernant la terre, à examiner objectivement les possibilités de retour à leur ancien propriétaire de terrains utilisés par d’autres. Le bâtonnier interrogé pour savoir si les propriétés confisquées au changement de régime de 1975, lors, par exemple, de la campagne contre les capitalistes chinois, seraient rendues à leurs anciens propriétaires, il a répondu que ce pourrait être le cas si les confiscations avaient été réalisées en contradiction avec la politique de l’époque.

Après cette consultation populaire, les nouvelles lois devraient être adoptées par l’Assemblée nationale, au cours de la législature de novembre 2003. On pense que la loi sur les terres rendra possible à certains Vietnamiens de la diaspora la récupération de propriétés confisquées ou l’achat de nouveaux terrains.