Eglises d'Asie

Une petite Pakistanaise opérée avec succès dans un hôpital indien devient le symbole d’une coexistence pacifique possible entre l’Inde et le Pakistan

Publié le 18/03/2010




Le 11 juillet dernier à 3 heures du matin, dans l’obscurité de la nuit, un jeune couple pakistanais, accompagné d’une petite fille, Noor Fatima, âgée de deux ans, quittait discrètement sa maison de Lahore dans le Pakistan oriental. Quelque temps plus tard, les trois personnes s’embarquaient dans un autobus, qui pour la première fois depuis 18 mois, accomplissait le trajet reliant les deux pays ennemis, le Pakistan et l’Inde. Les parents de la petite Fatima étaient remplis d’inquiétude. Que feraient les Indiens une fois qu’ils les auraient reconnus comme des Pakistanais : “Les laisserait-on seulement marcher dans les rues sans les agresser ?” Malgré leur crainte, le père et la mère de Fatima s’étaient résolus à ce voyage plein de risque parce que, pour leur fille souffrant d’une très grave malformation du cour, la seule chance de survie était d’être opérée dans un hôpital indien où une greffe du cour serait pratiquée sur elle (1).

Un mois plus tard, ce jeune couple et leur fille étaient devenus le symbole du rétablissement réussi, bien que tout à fait surprenant, des rapports entre les Indiens et Pakistanais appartenant aux couches moyennes. Aussitôt que cette famille fut découverte par les journalistes de l’Inde, chacune des étapes de la greffe cardiaque dans un hôpital de Bangalore, depuis sa difficile et délicate préparation jusqu’au succès final, s’est étalée en première page des principaux journaux de l’Inde. Radios et télévisions ont suivi l’opération de la jeune musulmane jusqu’à la guérison définitive. Plus de 18 kilos de lettres, de cartes ou de cadeaux envoyés par des Indiens touchés par cet événement sont parvenus aux parents de Fatima. Les médias ont également abondamment rapporté les déclarations du père de Fatima, affirmant que les populations des deux pays étaient profondément opposées aux lignes dures des fondamentalistes, ou encore qu’il n’y avait absolument aucune différence entre les Indiens et les Pakistanais. Selon les commentateurs aussi bien indiens que pakistanais, la réouverture partielle des frontières (2) a provoqué une vague inattendue de soutien populaire à la paix chez les anciens antagonistes. Un éditorialiste a même appelé ce phénomène “l’effet Noor”. A la suite de Fatima, d’autres enfants nécessitant des soins médicaux spéciaux ont franchi la frontière. Le 24 juillet, le gouvernement indien s’est déclaré prêt à payer les frais d’hôpitaux à vingt jeunes enfants pakistanais malades. Des hommes d’affaires, des étudiants, des membres du Parlement ont suivi les enfants. Cependant, la majorité des personnes qui se sont rendues ainsi en Inde appartiennent à des familles divisées depuis l’époque de l’indépendance où l’Inde et le Pakistan ont été séparés.

Cette actuelle évolution populaire a commencé à se développer à la fin du mois d’avril dernier (3), date à laquelle le Premier ministre indien a annoncé que l’Inde tendait une main amicale au Pakistan et a offert de rétablir les relations routières, ferroviaires et aériennes entre les deux pays. L’offre a aussitôt été acceptée par le Pakistan et quatre services d’autobus ont été mis en place chaque semaine. De telles initiatives ont été rares au cours de la longue histoire conflictuelle vécue par les deux pays depuis 1947. C’est en particulier la question du Cachemire qui a empoisonné les relations entre les deux nations. L’Inde accuse le Pakistan de financer, d’armer et d’entraîner des militants islamistes en rébellion contre l’Inde dans la partie du Cachemire contrôlée par celle-ci. Pour sa part, le Pakistan affirme n’offrir qu’un soutien moral à la guérilla, et accuse l’Inde de refuser le référendum sur l’indépendance du Cachemire demandé par les Nations Unies.

Malgré ce mouvement populaire spontané et l’intensification des négociations de paix entre les deux pays, certains observateurs manifestent leur inquiétude de voir gâcher les actuelles chances de paix. Aucune des deux parties n’a encore fait preuve de souplesse en ce qui concerne la question clé, le territoire disputé du Cachemire. Le moindre incident, une attaque terroriste en Inde, par exemple, pourrait mettre un terme aux envies de concorde qui, semble-t-il, prédominent au sein des deux populations. D’autant plus que des situations de ce type se sont déjà présentées dans le passé. En 1999, les contacts entre les deux pays en conflit se multipliaient, lorsque l’Inde a accusé le Pakistan de s’emparer d’une portion du Cachemire contrôlée par l’Inde, près de la ville de Kargil. Une courte guerre s’en suivit, à l’issue de laquelle l’Inde récupéra le territoire contesté.