Eglises d'Asie

Bali : selon un universitaire hindou, les catholiques ont un rôle à jouer dans la préservation de la culture balinaise

Publié le 18/03/2010




Lors d’un séminaire organisé le 20 juillet dernier et consacré à l’étude de la culture balinaise, I Gusti Ngurah Gorda, recteur de l’Université hindoue d’Indonésie de Denpasar, a demandé aux catholiques d’étudier la culture balinaise et de dialoguer avec les hindous pour mieux comprendre quels éléments de cette culture l’Eglise pouvait adopter sans difficulté et en toute sérénité. “Les catholiques et les Balinais hindous doivent prendre au sérieux cette étude a-t-il déclaré devant les personnalités invitées par la Commission pour le dialogue interreligieux du diocèse de Denpasar (1). Organisé à Tuka, non loin de Denpasar, chef-lieu de la province majoritairement peuplée d’hindous de Bali (2), le séminaire avait pour thème “Religion et culture 

Pour cet intellectuel hindou, ce séminaire marque une étape importante sur la route du dialogue “parce que beaucoup de problèmes avaient bloqué les relations entre hindous et chrétiens alors que nous pouvions trouver des solutions en en parlant ensemble ». “En tant qu’hindou, a-t-il dit, je remercie Dieu de m’avoir donné l’opportunité de m’adresser à une assemblée catholique.” Pour beaucoup des catholiques présents au séminaire, laïcs, prêtres ou religieuses, l’inculturation de l’Eglise à Bali est une expérience qui ne va pas de soi (3). Par le passé, les hindous ont signifié leur opposition à l’adoption par les édifices chrétiens d’éléments de l’architecture et de la symbolique hindoues. En 1999, les hindous ont demandé aux chrétiens de changer le nom des institutions chrétiennes qui utilisaient des termes religieux hindous. La Fondation catholique de Swastiastu, par exemple, a été rebaptisée Insan Mandiri (‘L’Entraide humanitaire’) car les hindous invoquent Dieu par les mots : “Om Swastiastu”. De même, selon le professeur Gorda, les catholiques ne doivent pas utiliser certains éléments sacrés de la culture balinaise “parce que seuls les hindous peuvent le faire ou les montrer dans certains endroits ou cérémonies religieuses”. Il a clairement conseillé aux paroisses d’adopter seulement la musique balinaise traditionnelle à percussions connue sous le nom de “sekeha gong”, les décorations tribales et les objets “penjor” fabriqués en bambou, tous ces éléments de la culture balinaise n’étant pas directement religieux. “J’ai essayé de faire comprendre et de souligner les limites qui existent entre religion et culture balinaise afin, dans l’avenir, d’éviter des faux pas aux catholiques a-t-il précisé. Il avait aussi demandé que les “penjor” ne soient utilisés à l’église que “comme motifs de décoration” pour éviter d’empiéter sur les rites et traditions religieuses hindous. “A Bali, beaucoup d’ethnies s’en servent, elles aussi, comme décorations.”

Commentant l’utilisation de costumes indigènes à l’église, Gorda s’est interrogé : “Quelle différence y a-t-il entres les touristes et les catholiques balinais ? Comme pourrions-nous les permettre aux touristes et les interdire aux catholiques ?” A propos des églises surmontées de trois clochers, une pratique que des hindous balinais n’apprécient pas, estimant qu’elle est trop similaire à leur architecture religieuse, Gorda a souligné la similarité des concepts et des traditions des deux religions en disant : “Les chrétiens ont la Trinité et les hindous le Trimurti (les trois principaux dieux : Brahma, Vishnu et Shiva).”

Pour le P. Paskalis Widastra, Balinais et directeur de la Commission pour le dialogue interreligieux, les appréhensions des hindous de l’île sont compréhensibles et respectables et c’est pour cela que l’Eglise a créé un Centre culturel de recherche afin d’étudier la culture locale et voir comment en adopter les aspects les plus compatibles avec la foi chrétienne tout en évitant soigneusement de scandaliser les hindous qui considèrent la culture comme partie prenante de leur religion. L’Eglise veut se montrer ouverte au dialogue et à la compréhension des autres religions et cultures, a-t-il rappelé, tout en ajoutant que “la liturgie ne peut pas laisser de côté certains éléments purement culturels comme la langue ou certains rites traditionnels. En s’en saisissant pour les étudier, le diocèse veut entrer en dialogue pour trouver le vrai en chacun d’eux”.

Au cours de sa conférence, Gorda a également abordé la question des relations de Bali avec le tourisme. “Tous ceux qui vivent à Bali sont tous plus ou moins liés au tourisme. L’île de Bali est connue pour sa culture traditionnelle bien préservée. Tout le monde à Bali est responsables de cette culture a-t-il dit, recommandant à tous de joindre leurs efforts pour retrouver la sérénité dans l’île après l’attentat du 12 octobre 2002, qui a fait 202 morts. Tous les résidants de Bali, a-t-il encore souligné, travaillent ensemble, sans distinction, et donnent ainsi un bel exemple de coopération (4).