Eglises d'Asie

“DECLARATION SUR L’HARMONIE RELIGIEUSE” – Une interview du ministre des Sports et du Développement communautaire

Publié le 18/03/2010




Ucanews : Vos critiques disent que la récitation annuelle d’une déclaration ne suffit pas à garantir l’harmonie religieuse.

Chan Soo Sen : Personne ne s’attend à ce que parce que vous récitez une telle déclaration quelques fois dans l’année, vous parviendrez à maintenir ou développer l’harmonie religieuse. La déclaration [sur l’harmonie religieuse] est une sorte de rappel. Mais le processus par lequel nous sommes arrivés à cette déclaration montre que les choses se passent très bien dans ce domaine à Singapour. Il ne sont pas si nombreux les pays où différents groupes religieux peuvent s’asseoir ensemble et se mettre d’accord sur un certain nombre de points. Nous y sommes parvenus par le consensus. Nous devons poursuivre nos efforts afin d’obtenir des résultats encore plus probants. Et, dans ce contexte, la récitation de la déclaration de temps en temps aide les gens à se souvenir que nous ne devons pas prendre l’harmonie religieuse pour acquise – nous avons à y travailler.

Quel rôle est désormais assigné au IRHC ?

A la base, l’IRHC est un groupe de liaison entre nous et les principaux groupes religieux. Ce à quoi nous voulons parvenir avec l’IRHC, premièrement, c’est la diffusion de la déclaration. A travers l’IRHC, nous touchons tous les groupes religieux et nous leur rappelons la nécessité de réciter la déclaration. Deuxièmement, l’IRHC peut agir comme un canal de communication, de liaison entre les différents groupes religieux eux-mêmes. De temps à autre, telle ou telle organisation religieuse peut se sentir mal à l’aise du fait du comportement de certains membres d’autres groupes religieux. Troisièmement, l’IRHC peut jouer le rôle d’un organe consultatif dans certains cas lorsque les procédures gouvernementales appellent un éclairage religieux. Un bon exemple de cela a été la crise provoquée par l’épidémie de SRAS (pneumopathie atypique). Certaines précautions devaient être prises lorsqu’une personne décédait du SRAS ou si on soupçonnait qu’une personne décédée était morte du SRAS. Comme vous le savez, le soin des personnes décédées peut être une question impliquant des aspects religieux. Dans ce cas, l’IRHC a été consulté utilement et a fourni des informations pertinentes aux administrations gérant l’épidémie de pneumopathie atypique.

Qu’est-ce qui peut être amélioré en ce qui concerne l’harmonie religieuse ?

Eh bien, je pense que nous pouvons essayer de voir ce qui unit plutôt que ce qui distingue. Si vous considérez les principales religions à Singapour, vous pouvez les diviser en deux grands groupes. Un groupe vient du Moyen-Orient : christianisme, judaïsme et islam. Ils croient très clairement en un Dieu unique et ont des Ecritures bien définies. Puis, il y a bien entendu les religions qui viennent d’autres parties de l’Asie : bouddhisme, taoïsme et hindouisme. Ultimement, ils croient en un Dieu unique mais parce qu’ils croient que Dieu est très lointain, apprendre les voies de Dieu passe par l’apprentissage de l’enseignement et des actes de grands personnages. Et d’une certaine façon ils n’ont pas d’Ecritures formellement définies, comme les religions moyen-orientales. A des degrés divers, ils croient en la réincarnation et, par conséquent, certains de ces grands personnages atteignent un statut divin et, en tant que divinités, sont adorés. Ceci étant dit, pour les religions de type moyen-oriental, comprendre les religions de type asiatique peut se révéler difficile – le contraire est vrai également. Si il existait un lieu où l’on puisse tenter de comprendre l’autre sans avoir à se dire : “Je dois me convertir à votre religion cela serait un grand pas en avant. Et s’il peut y avoir un pas supplémentaire dans cette démarche pour au moins comprendre les traditions religieuses de l’autre et ce que les autres croient vraiment, si l’on peut entendre un ou deux de leurs récits, alors pourquoi pas ? Cela contribuera à développer une meilleure compréhension.

Y a-t-il des manières concrètes de bâtir cette compréhension ?

Nous pouvons penser à des visites mutuelles des lieux de culte. Ce serait l’occasion de présentations et d’introductions à l’histoire respective des uns et des autres, à des partages sans souci de convertir l’autre car nous respecterions les différences religieuses de chacun. Ainsi, parce que nous nous parlerions, nous deviendrions des amis. Tous, qui que nous soyons, nous croyons en des valeurs communes : la famille, la piété filiale, la loyauté à notre pays. Ce sont des éléments que nous partageons. Prenez une des ces valeurs, la piété filiale, et laissez les différents groupes religieux partager leur propre vision, leur propre histoire de la piété filiale. Un chrétien peut-il me donner quelques histoires ayant trait à la piété filiale qui viennent de la tradition [chrétienne] ? Un bouddhiste, un taoïste, un hindou peuvent-ils aussi partager certaines histoires ? Si nous pouvons faire cela, alors nous pouvons apprendre les uns des autres. Pour être plus concret, je suggère deux choses. Premièrement, que chacun rendre visite à l’autre, écoute la tradition de l’autre, son histoire et ses récits. Deuxièmement, identifier certaines valeurs communes et nous partagerons nos récits respectifs sur ces valeurs communes.

Comment l’IRHC a-t-il facilité le règlement de désaccords interreligieux ?

Nous avons eu un groupe de Chinois qui ont découvert que certains de leurs enfants étaient devenus chrétiens et étaient si fervents dans leur croyance que, lorsque leurs parents, bouddhistes ou taoïstes, sont morts, certains d’entre eux ont refusé de prendre part aux rites funéraires. Dans le système de valeurs chinoises, refuser de participer aux rites funéraires célébrés pour ses parents est absolument inacceptable. Et, généralement, un seul des deux parents décède et le parent survivant est là pour constater que ses enfants refusent de participer aux rites. Le parent veuf est déjà suffisamment triste pour ne pas vivre un nouveau traumatisme. C’est pourquoi nous avons eu les responsables religieux des deux parties à une table de discussion et les chrétiens et les catholiques (sic) ont déclaré qu’il était possible de participer aux rites. De tout cela, il ne faut pas conclure qu’il y avait un important problème entre les taoïstes et les bouddhistes d’une part et les chrétiens et les catholiques d’autre part. C’est tout simplement que, dans une situation comme celle-ci, il faut se poser la question suivante : quelle est la bonne manière correcte d’agir ? Ils ont dit aux catholiques et aux chrétiens : “Regardez, vos jeunes ont besoin de conseils.” Les responsables religieux ont témoigné d’un très fort respect mutuel et ont été très sincères dans leur dialogue. Il n’y a pas eu de tentative de couper la parole à l’autre. Ils se sont écoutés mutuellement, ils se sont parlé les yeux dans les yeux et ont échangé. Dans certains pays, un tel échange est impossible. Je ne m’attendais pas à ce que des incidents se produisent, et ils ne s’attendaient pas non plus à ce qu’un incident survienne.

Des attentats comme celui commis le 5 août dernier à l’hôtel Marriott de Djakarta peuvent-ils saper la déclaration sur l’harmonie religieuse ?

Non. Lorsque le premier groupe de terroristes de la Jemaah Islamiyah a été arrêté après le 11 septembre, la communauté musulmane a eu le sentiment que les musulmans étaient montrés du doigt. Et on a pu constater que d’autres communautés ont éprouvé un sentiment de sympathie envers eux. La communauté chinoise s’est souvenue des années 1960 et a pensé : “Simplement du fait que je suis chinois et que je parle chinois, les gens pensent que je suis communiste.” Comment est-il possible de dire que parce que certains musulmans ont commis des crimes, tous les musulmans sont des terroristes ? Ce n’est pas juste. Plus tard, un second groupe de terroristes a été arrêté et la communauté musulmane a pris la parole et condamné le terrorisme en termes dénués de toute ambiguïté. Aujourd’hui, nous avons l’attentat de Djakarta et nous nous souvenons que nos frères et sours musulmans se sont prononcés contre le terrorisme ; ainsi, aux yeux de tous, ce qui a pu se passer à Djakarta n’a rien à voir avec eux. Mais, pourtant, y a-t-il toujours un problème ? Que se passerait-il si une bombe explosait à Singapour et que des Singapouriens en étaient victimes ? Nous, en Asie, sommes très émotifs. Lorsque nous réagissons sous le coup de l’émotion, sommes-nous toujours rationnels ? Je ne sais pas. Je l’espère mais, tant que nous ne l’avons pas vécu, nous ne pouvons pas l’affirmer. C’est la raison pour laquelle renforcer l’harmonie raciale, renforcer l’harmonie religieuse, c’est toujours très important. Dans l’hypothèse qu’une situation telle que celle que je viens d’évoquer se produisait à Singapour, nous voulons être tout à fait sûrs que nous dirons toujours la même chose : que quelques individus issus d’une communauté fassent quelque chose de mauvais ne signifie pas que la communauté dans sa totalité est fautive. Si nous pouvons affirmer ceci en des cas comme cela, même si incident malheureux se produisait ici, nous aurons encore plus confiance.