Eglises d'Asie

IXe CONGRES DU PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN : DURCISSEMENT DU REGIME ET REPRESSION ACCRUE

Publié le 18/03/2010




A l’issue du IXe Congrès (avril 2001), suivi par l’élection de l’Assemblée nationale (mai 2002), de très importantes décisions ont été prises, provoquant la démission de nombreux membres des deux plus hautes instances du Parti communiste vietnamien (PCV).

I – Remaniement du Bureau politique et du Comité central

1.) Le Bureau politique

Le Bureau politique a connu des changements importants avec le départ de sept de ses membres, dont un partant de marque : le général Lê Kha Phiêu, 69 ans, ancien commissaire politique de l’armée populaire, secrétaire général en titre, N° 1 de la hiérarchie communiste. Le IXe Congrès a également décidé de réduire le nombre des membres du Bureau politique, ramené de dix-neuf à quinze titulaires, dont huit appartenant au précédent :

– Trois “réformateurs”, tous originaires du Sud et universitaires : le Premier ministre Phan Van Khai (69 ans, le doyen d’âge), reconduit dans ses fonctions, le Vice-Premier ministre permanent Nguyên Tân Dung (52 ans, le plus “jeune” parmi les quinze titulaires), et Truong Tân Sang, président du Comité pour les Affaires économiques du Comité central. Tous les trois sont des “protégés” de l’ancien Premier ministre Vo Van Kiêt, lui aussi un “sudiste”. Célèbre pour ses idées “rénovatrices” (dôi moi), ce dernier a été le chef de file des réformateurs. Ceux-ci sont partisans d’une large ouverture du Vietnam aux pays occidentaux (Amérique du Nord, Europe) tant économique que politique, ainsi qu’aux autres pays dits de “régime capitaliste” de la région (ASEAN, Hongkong, Taiwan, Japon, Australie, etc.).

– Les cinq autres membres, tous originaires du Nord et du Centre-Vietnam, sont des “conservateurs”, presque tous quasi-septuagénaires et peu instruits. Ils sont partisans d’un rapprochement avec la Chine.

Parmi les sept nouveaux membres faisant leur entrée au Bureau politique, on trouve :

– un seul “réformateur” relativement “jeune”, sudiste et universitaire : Nguyên Minh Triêt. Agé de 59 ans, nouvel-lement élu aux fonctions de secrétaire du Comité municipal du PCV de Hô-Chi-Minh-Ville et de membre du Bureau politique, il reste encore peu connu du public. Pourtant, il se place d’emblée au 4e rang de la hiérarchie communiste, juste derrière le Premier ministre Phan Van Khai (N° 3), mais devant le Vice-Premier ministre permanent Nguyên Tân Dung (repoussé au 5e rang). C’est une surprise !

– Les six autres sont des “apparatchiks” purs et durs, la plupart sexagénaires ; peu instruits, tous sont originaires du Nord et du Centre-Vietnam.

2.) Le Comité central

Il compte moins de membres que le précédent, passant de 170 à 150 titulaires (soit vingt de moins). Sur 150 élus, il y a quinze généraux, en légère baisse comparativement au VIIIe Congrès (dix-huit titulaires). Comme le Bureau politique, le Comité central a été “rajeuni”. Ainsi, dans le discours de clôture du IXe Congrès du 24 avril 2001, le nouveau secrétaire général Nông Duc Manh a révélé que “sur la proposition de bon nombre d’entre eux de ne plus poser leur candidature pour leur réélection au Comité central et au Bureau politique, le Parti a eu l’opportunité de rajeunir les deux instances suprêmes”.

Quelques observations s’imposent sur la nouvelle composition des instances suprêmes du PCV :

La réunion du IXe Congrès, qui avait été prévue en mars, a été repoussée en mai 2001, ce qui prouve que les divergences politiques entre les différents courants, animant le Parti, sont profondes. Leur différend est apparu au grand jour avec la démission du secrétaire général sortant Lê Kha Phiêu. Son mandat a été éphémère, à peine trois ans et trois mois.

Sa chute a entraîné le retrait de quatre autres généraux du Bureau politique. Parmi ceux-ci, le général Pham Thanh Ngân, son bras droit, accusé par l’ancien secrétaire général Dô Muoi devant la presse occidentale “d’avoir commis de graves erreurs” (sic), dénonciation renforcée par l’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt, qui enfonça le clou : “des abus concernant l’utilisation des services de renseignements à des fins personnelles”. Bien plus, la tendance au rapprochement du Vietnam avec la Chine, soutenue par le secrétaire général Lê Kha Phiêu (c’est-à-dire son intention de soumettre le pays à la tutelle de l’Empire du Milieu) a inquiété les populations, et surtout la faction des “rénovateurs” (activement appuyée par l’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt). A l’issue du IXe Congrès, le nombre de généraux titulaires au Bureau politique a été réduit des deux tiers : deux seulement (au lieu de six précédemment), à savoir Pham Van Trà et Lê Minh Huong (tous les deux reconduits dans leurs fonctions respectivement de ministre de la Défense nationale et de la Sécurité publique). Ils ont été sévèrement critiqués, voire accusés par leurs pairs, en pleine réunion du Comité central, de “corruption, de malversations, de contrebande, d’abus de fonctions, d’indisciplines, etc.”. L’épée de Damoclès est suspendue au-dessus de leur tête. Désormais, ils ont moins de prestige au sein des deux instances suprêmes du PCV. Autrement dit, la faction de l’armée populaire est en perte de vitesse.

La nouvelle “troïka” de dirigeants (le secrétaire général Nông Duc Manh, N° 1, le chef de l’Etat Trân Duc Luong, N° 2, et le Premier ministre Phan Van Khai, N° 3) n’est pas issue de l’armée populaire, ni du service de renseignements, ni du service de sécurité, mais de l’université. Bien plus, le secrétaire général appartient à une minorité ethnique du Nord-Vietnam, les Tây. A cause de son origine “Thuong” (le terme “Montagnard” évoquant des peuplades encore peu civilisées) peut-être nourrit-il un complexe d’infériorité vis-à-vis des “Kinh” (Vietnamiens). Discipliné, conciliant et faible de caractère, il a des affinités avec les Chinois. C’est un simple exécutant, un homme de circonstance, bien choisi par les “conservateurs”, face à une conjoncture complexe. Il se laisse facilement manipuler par la faction des “orthodoxes”, majoritaire au Bureau politique.

Par ailleurs, son élection semble avoir pris en compte les problèmes délicats des minorités ethniques. Celles-ci ont (en partie) échappé au contrôle gouvernemental pendant la guerre sino-vietnamienne (février-mars 1979). Dans les provinces frontalières septentrionales et les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, elles ont été noyautées par les Chinois. Les manifestations des minorités ethniques, en particulier du FULRO (acronyme du Front uni pour la libération des races opprimées) à Pleiku et Dak-Lak dans la zone des trois frontières (Laos, Cambodge et Vietnam), en févier 2001, qui se sont étendues progressivement vers les “moyennes et hautes régions” frontalières nord (avril-mai) et d’autres manifestations récentes du même genre réclamant la restitution des terres ancestrales (occupées par des émigrants vietnamiens venus essentiellement du delta surpeuplé du Fleuve rouge) ont inquiété Hanoi. En élisant Nông Duc Manh aux fonctions suprêmes du pays, on semble vouloir chercher à rassurer, à calmer les “Montagnards” et, en même temps, à donner satisfaction à la Chine, qui considère toujours l’Asie du Sud-Est comme “sa” zone d’influence naturelle et ne tolérera jamais l’existence d’un Etat ennemi voisin gênant son rêve d’expansion séculaire. Bien plus, la nouvelle “troïka”, composée de purs technocrates disciplinés, incompétents et inexpérimentés (en politique), n’ose pas prendre d’initiatives, n’a ni alliés de taille, ni soutien à la base, susceptibles de l’aider à effectuer éventuellement des réformes audacieuses, contraires à la ligne politique déjà tracée par les “apparatchiks”. Ceux-ci ont judicieusement choisi “leurs” hommes, qui ne sont que des “béni oui-oui”. Par voie de conséquence, ils sont sous leur dépendance et devront impérativement satisfaire leurs exigences et servir leurs intérêts.

La suppression pure et simple du Comité de conseillers au-près du Comité central du PCV s’est traduite apparemment par la mise sur la touche de la “vieille garde” (ex-secrétaire général Dô Muoi, ex-chef de l’Etat Lê Duc Anh et ex-Premier ministre Vo Van Kiêt). Ils ont perdu leur rôle de conseillers et ne siégeront plus dorénavant au Comité central, tout comme le général Lê Kha Phiêu. Quoique partis à la retraite depuis le VIIIe Congrès, ils ont été omniprésents (sauf l’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt) dans de nombreuses réunions officielles importantes à caractère politique, socio-économique, culturel ou religieux, comme, par exemple, les séances de débats à l’Assemblée nationale, les conciles bouddhiques, du Conseil délibératif des religions (pro-gouvernemental). Ils continuent d’exercer incontestablement une grande influence sur les affaires d’Etat. Grâce à leur accès au pouvoir depuis plusieurs décennies, ils ont réussi à consolider leur position politique, en organisant des “clans” bien structurés de la base (communes, districts, provinces) au sommet (ministères, Comité central, Bureau politique), ce qui leur a permis d’avoir la mainmise sur les deux appareils du Parti et de l’Etat.

Les numéros un, deux et trois de la “troïka” sont respectivement du Nord, du Centre et du Sud-Vietnam. La tradition politique d’“union nationale” a été respectée. De même, les membres du Bureau politique sont équitablement répartis entre les trois régions : cinq du Nord, cinq du Centre et cinq du Sud-Vietnam, ce qui n’était pas le cas des précédents Congrès, marqués par une majorité issue du Nord et du Centre-Vietnam. Cependant, derrière la façade d’union nationale, se cache en réalité la politique de “Nordisation du Sud” à outrance. Elle tend à s’amplifier et constitue la pomme de discorde qui va s’aggravant dans les instances suprêmes du PCV et de l’Etat. Elle fait l’objet de contestation des militants et des cadres “sudistes” (issus de l’ex-Front national de libération du Sud-Vietnam).

En réalisant apparemment une politique d’union nationale, Hanoi cherche à dissimuler sa politique de ségrégation régionale. Aux yeux des populations du Sud, les “Nordistes” ne sont pas leurs “libérateurs mais des “envahisseurs étrangers”. Depuis la réunification du Vietnam, Hanoi place en douceur ses hommes, en majorité originaires du Nord (à partir du 17e parallèle vers le Nord), aux postes-clés dans les grandes villes et les chefs-lieux de province et de district du Sud au détriment des cadres locaux. Rares sont les hauts fonctionnaires, les officiers supérieurs “sudistes” promus aux fonctions de hautes responsabilités du Parti et de l’Etat. Les ministères “intéressants” (susceptibles de faire des affaires) comme les ministères des Affaires étrangères, de l’Economie, des Finances, du Commerce (intérieur et extérieur), les grosses entreprises publiques, etc., sont en général dirigés par des politiques et des cadres du Nord. Des fonctions subalternes (chef d’Etat adjoint, secrétaire d’Etat, vice-ministre, PDG adjoint, directeur adjoint, etc.) sont souvent confiés aux cadres, aux politiques du Sud.

L’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt s’était montré réticent à une telle politique et, en même temps, il avait osé, contre vents et marées, s’opposer à la politique de “repli sur soi” (menée par les “apparatchiks” nord-vietnamiens). Précurseur du “doi moi” (‘renouveau’), il a préconisé l’ouverture du Vietnam aux pays non socialistes, et prôné l’adoption à l’économie de marché. Grâce à son pragmatisme et son audace, il est parvenu, en tant que Vice-Premier ministre puis Premier ministre dans les années 1980 et 1990 à sortir le pays de la crise économique sans précédent qui avait duré de 1982 à 1988 (avec un taux d’inflation record de 700 % par an, chiffre officiel). Le peuple est sorti de la misère pour vivre dans la pauvreté. Depuis lors, sa popularité n’a cessé de s’amplifier. Sa prise de position politique contraire à celle adoptée par les orthodoxes a été fermement soutenue par les populations tout entières et surtout par les cadres de l’ex-Front national de libération du Sud-Vietnam. Son prestige et sa popularité ont inquiété les “apparatchiks”. Lors du IXe Congrès, “l’affaire Nam Cam” (alias Truong Van Cam) leur a donné l’opportunité d’éliminer le chef de file des rénovateurs encombrants.

Sous la protection des hauts responsables, Nam Cam, 55 ans, a régné en maître à Hô-Chi-Minh-Ville pendant de longues années, en organisant un vaste réseau de trafic de toutes sortes (trafic de drogues, contrebande, prostitution, jeux, etc.). Il a commis beaucoup de crimes, de meurtres. “Révélé” par les médias, chose rarissime dans l’histoire du communisme vietnamien réputé pour le “culte du secret”, le scandale a fait couler beaucoup d’encre tant dans le pays qu’à l’étranger. De nombreuses personnalités (dont un général, vice-ministre de la Police) liées à cette affaire ont été limogées, et près de deux cents autres complices (officiers supérieurs, hauts fonctionnaires, cadres du Parti, etc.) incarcérés. L’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt aurait été, dit-on, “directement ou indirectement impliqué dans ce scandale ainsi que son “protégé” Nguyên Tân Dung, Vice-Premier ministre. Il s’agit, semble-t-il, d’un règlement de compte entre les différentes factions, surtout entre les “clans” nordistes et sudistes, se soldant par la mise à l’écart de Vo Van Kiêt et par la sanction à l’encontre de Nguyên Tân Dung (relégué du 4e au 5e rang de la hiérarchie communiste). En conséquence, celui-ci aurait moins de chance que son collègue Nguyên Minh Triêt (N° 4), le mieux placé pour succéder au Premier ministre Phan Van Khai. Ce dernier devrait en principe quitter ses fonctions dans un proche avenir, étant donné que les récents amendements de statuts du PCV fixent l’âge de retraite à 70 ans révolus pour les membres du Bureau politique. Apprécié par les Occidentaux, surtout par les Américains, Dung a été artisan de la réussite des négociations sur le traité des relations commerciales avec les Etats-Unis (signé en juillet 2000). Il a aussi apporté une contribution importante dans les négociations en cours avec les Américains sur l’adhésion du Vietnam à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’affaiblissement des rénovateurs pro-occidentaux semble aussi satisfaire la Chine. En définitive, le trait marquant du IXe Congrès est la grave dissension interne du PCV, résultant moins de divergences idéologiques que de rivalités de pouvoirs et d’intérêts économiques entre les deux “clans du Nord et du Sud”.

La faction de l’armée a été la grande perdante, avec la démission du secrétaire général du PCV Lê Kha Phiêu et d’autres généraux (exclus du Bureau politique, du Comité central ou lourdement sanctionnés par des mesures disciplinaires).

La faction des “rénovateurs sudistes” est sortie affaiblie. L’ex-Premier ministre Vo Van Kiêt a été réduit au silence, le Vice-Premier ministre Nguyên Tân Dung sanctionné, et sa notoriété et son prestige au sein du Parti amoindris. De sources bien informées, les autorités de Vinh Long, province natale de Vo Van Kiêt, né en décembre 1922, ont pris l’initiative de célébrer solennellement, fin décembre 2002, son 80e anniversaire. Ses anciens compagnons de lutte (militants, hauts fonctionnaires, cadres du PCV, etc.) sont venus y participer spontanément. Dans l’allocution, le responsable de la fête, au nom de tous les membres de l’ex-Front national de libération du Sud-Vietnam, a osé braver le Parti pour témoigner “de sa sympathie, de sa reconnaissance et de son estime envers le chef de file des réformateurs”. Il n’a pas tari d’éloges sur ses idées “rénovatrices” grâce auxquelles le Vietnam a pu éviter la catastrophe économique, etc. Hanoi s’est dépêché d’envoyer d’urgence une importante délégation officielle à Vinh Long (composée de 150 membres environ), pour calmer la colère du “clan des rénovateurs sudistes”, comme il l’avait fait le 1er avril 2001 lors du décès de Trinh Công Son, un grand compositeur “sudiste”, originaire de Huê (Centre-Vietnam), bien connu non seulement au Vietnam mais aussi dans le monde. Plusieurs dizaines de milliers de “Saigonnais” et de provinciaux, venus des plaines côtières du Centre-Vietnam, du delta du Mékong et des “Viêt kiêu” (Vietnamiens de l’étranger) ont assisté à ses obsèques à Hô-Chi-Minh-ville pour témoigner, de manière silencieuse et pacifique, de leur admiration pour l’artiste et aussi de leur mécontentement vis-à-vis du régime totalitaire. Pour apaiser leur colère, Hanoi s’est hâté d’organiser, après ses obsèques, des concerts dans le pays comme à l’étranger pour honorer sa mémoire !

Le grand vainqueur a été, encore une fois, la faction de la “vieille garde”. Sa position politique s’est trouvée renforcée avec le soutien de la Chine. Quoique mis à la retraite depuis le mini-Congrès de la fin décembre 1997, les deux “conservateurs” octogénaires (ex-secrétaire général Dô Muoi et ex-chef de l’Etat Lê Duc Anh) continuent d’influer sur les deux appareils du Parti et de l’Etat par l’intermédiaire de leurs hommes au sein du Bureau politique et du Comité central.

Malgré un renouvellement assez large et un changement de personnel relativement jeune et plus compétent mais inexpérimenté (ingénieurs, économistes, intellectuels, technocrates, etc.), le IXe Congrès ne parait pas encore susceptible de changer la structure politique (qui devrait aller de pair avec le changement de structure économique) pour s’adapter à l’économie de marché et ouvrir la voie vers une accélération des réformes expressément recom-mandées par le FMI, la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement.

II – Durcissement du régime

1.) Pas de changement de la structure politique

Sortis vainqueurs de la lutte pour le pouvoir, les “apparatchiks” ne semblent pas pressés de changer ou d’assouplir leur ligne politique. Bien au contraire ! Ils tendent à la durcir. Aucune concession n’a été faite face aux revendications des paysans (demandant le retour du droit de propriété privée et du faire-valoir direct des terres), des minorités ethniques (demandant la restitution de leurs terres ancestrales) et des autres catégories socioprofessionnelles (universitaires, intellectuels, scientifiques, écrivains, artistes, leaders spirituels, officiers et fonctionnaires, retraités, etc.), qui n’ont cessé d’exiger plus de démocratie, plus de libertés de parole, de croyances, etc. Le secrétaire général a fait la sourde oreille affirmant, dans le rapport politique du Comité central, que “le Parti et le peuple sont déterminés à édifier le socialisme fondé sur la plate-forme du marxisme-léninisme et de la pensée de Hô-Chi-Minh” (sic). Prétextant la menace de “quatre dangers” (arriération économique, déviationnisme, corruption et bureaucratie, et surtout évolution pacifique), il a réaffirmé sans ambiguïté que “le PCV est l’unique force dirigeante de l’Etat et de la société ce qui implique la nécessité impérative de renforcer la Défense pour maintenir la sécurité et l’intégrité du territoire. C’est dans cet objectif que “le Parti et le peuple devraient trouver un appui sur deux forces : l’armée populaire et la police”. En un mot, face aux vagues revendicatives et protestataires sans cesse croissantes, Hanoi tend à renforcer le régime militaro-policier. Il se cramponne coûte que coûte au pouvoir. Il est déterminé à réduire la société civile à néant, rejetant catégoriquement toute idée de libéralisation politique. Ni pluralisme, ni multipartisme, ni “démocratie bourgeoise” (sic).

2.) Répression accrue à l’encontre des opposants au régime

Si le pouvoir vietnamien refuse catégoriquement de changer sa structure politique socialiste, il continue en revanche de poursuivre les réformes économiques, entamées depuis le VIe Congrès (mi-décembre 1986). Avant de lancer la politique de “renouveau le Vietnam était encore frappé par la famine. Mais, depuis son ouverture aux pays dits de “régime capitaliste le taux de croissance du PIB a progressé régulièrement, en moyenne de 8,2 % par an (1991-1995), chiffre officiel. Cependant, comme les autres pays de la région, il n’a pu échapper à la crise financière asiatique de juillet 1997, qui s’est traduite par la dévaluation du dông de plus de 22 % en deux ans (1998-1999) et par la récession économique. De 9,5 % en 1995, le taux de croissance a été ramené à 4,7 % en 1999. Toujours selon les statistiques officielles, une certaine “reprise en hausse” a été observée au cours de ces trois dernières années : 5,5 % en 2000, 6,8 % en 2001, et 7,4 % en 2002 (7,5 % prévu pour 2003), chiffres, paraît-il, gonflés. D’après le FMI et la Banque mondiale, la croissance aurait été beaucoup plus faible, oscillant autour de 4,7 à 4,8 % dans les années 2001-2002, à peu près au niveau de 1999. Autrement dit, la récession économique a persisté. Cependant, le Vietnam a été le deuxième pays asiatique, doté d’un taux de croissance appréciable, après la Chine (7,1 % en 2002), dépassant les autres Etats de l’ASEAN.

Malgré une quinzaine d’années de “renouveau” et des avancées incontestables, le Vietnam fait toujours partie des pays arriérés. Il est parmi les dix pays les plus pauvres du monde, avec un revenu annuel per capita estimé à 350 dollars US en 2002, c’est-à-dire équivalent au niveau de vie des populations du Sud-Vietnam avant 1975. Les réformes économiques ont eu aussi des répercussions fâcheuses. Elles ont creusé un fossé de plus en plus profond entre les villes relativement prospères et la campagne encore très pauvre, où vivent près de 80 % des populations vietnamiennes. D’après , dans les régions éloignées, les paysans disposent de moins de dix dollars par mois.

Les membres de la nomenklatura, les cadres, les officiers de l’armée populaire, de la police de sécurité, etc., gardent en général un bas niveau d’instruction. La plupart d’entre eux sont venus du Nord. Pauvres à leur arrivée dans le Sud, ils sont devenus, au bout de quelques années, des nouveaux riches que les citadins du Sud traitent, avec un certain mépris, de “capitalistes rouges”. Le phénomène a entraîné une perte de prestige du PCV, qui s’est montré inefficace, voire impuissant, face à la montée inquiétante des abus de pouvoir, des brimades, des malversations, de la corruption, de la contrebande, etc. Appartenant à la nomenklatura du régime, les politiques mènent une vie bourgeoise (mais peu connue du public), sont comblés de privilèges et jouissent de tout le confort moderne. Habitant des villas de fonction cossues et somptueuses (confisquées aux “bourgeois” du Sud, expulsés sans ménagement vers les “zones d’économie nouvelle dans le cadre de représailles à l’encontre des “capitalistes exploiteurs du peuple” (sic), ou en raison de leur fuite à l’étranger dans les années 1975-1985), gardées par les “bô dôi” (soldats nord-vietnamiens) armés jusqu’aux dents, ils se déplacent en voiture luxueuse, avec chauffeur et gardes du corps. Quant aux cadres de base, ils ont la portion congrue et, parfois, ils ont faim. Le “dân” (‘peuple’) vit au jour le jour dans l’inquiétude du lendemain. Durant la guerre d’Indépendance (1945-1954) et la guerre de libération du Sud-Vietnam (1960-1975), les dirigeants nord-vietnamiens ont été considérés comme les “libérateurs les “défenseurs des opprimés”. Leurs sacrifices sans bornes ont suscité une grande admiration. Mais, depuis la réunification du pays, la population a été profondément déçue du socialisme. La nouvelle société, que Hanoi lui avait promise, ne correspond pas à ce qu’elle avait cru et imaginé :

Les inégalités et les injustices sociales sont choquantes et tendent à s’accentuer. La société est “pourrie et corrompue de la base au sommet” (sic), pire que du temps de l’ex-République du Vietnam. Tout peut se vendre ou s’acheter.

Les libertés sont bafouées. Le PCV monopolise pouvoirs et privilèges. Face à une réalité écourante dépassant leur imagination, toutes les couches sociales du Sud-Vietnam (comme celles du Nord d’ailleurs) manifestent leur mécontentement profond et s’opposent au régime totalitaire sous différentes formes.

3.) Revendication des paysans concernant le droit de propriété privée et le faire-valoir direct des terres

Spoliés de leurs terres et forcés d’entrer dans le cadre des coopératives, ils ont été appauvris et se trouvent désemparés. Ils ne sont plus motivés pour travailler et accroître leur productivité. Ecrasés d’impôts (redevance des terres et autres impôts dits “supplémentaires” perçus par les “potentats locaux”) oscillant autour de 65 % à 85 % de la récolte (soit le triple ou le quadruple des taxes perçues du temps de l’ex-République du Vietnam), ils travaillent plus durement mais gagnent moins. Devenus en quelque sorte des “fermiers d’Etat”, ils sont réduits à l’état d’esclaves au service du PCV. La Révolution, au lieu d’améliorer leurs conditions de vie, les a appauvris.

Pourtant, ces mêmes paysans étaient des alliés fidèles de Hanoi durant trente ans de guerre de “libération” (1945-1975). Ils n’hésitaient pas à cacher les guérilleros “viêt công” (Vietnamiens communistes) chez eux au risque de leur vie. Beaucoup de paysans sont aujourd’hui reconnus à juste titre comme appartenant à une famille “liêt si” (dont le père ou la mère a sacrifié sa vie pour la “cause de la Révolution C’était dans le monde rural que l’ex-Front national de libération du Sud-Vietnam trouvait des ressources humaines et financières inépuisables. Grâce à leur ferme soutien, Hanoi a réussi à mener une lutte acharnée contre le régime de Saigon jusqu’à la victoire finale. Après tant d’années de sacrifices et d’application au travail, ils estimaient qu’ils méritaient enfin des récompenses, en jouissant de plein droit d’une parcelle de rizières (de un à cinq hectares ou plus) acquises grâce aux deux réformes agraires de l’ex-président Ngô Dinh Diêm et de l’ex-président Nguyên Van Thiêu. Devenus naguère propriétaires terriens (près de 1 200 000 fermiers, sans prendre en compte plusieurs dizaines de milliers d’autres propriétaires du temps de la colonisation française), les paysans ont eu du mal à renoncer “volontairement” à ce droit “sacré comme le veut le marxisme-léninisme.

Bien plus, exaspérés par la lourde taxation agricole et les exactions des “potentats locaux” corrompus, ils ont fini par se révolter contre les dirigeants de Hanoi. Des agitations populaires (avec la participation active des cadres et des officiers retraités, des mutilés de guerre, des familles “liêt si ont eu lieu à travers tout le pays. Elles ont été parfois violentes et la répression a été sanglante comme ce fut le cas des manifestations à Bên Tre, foyer de résistance célèbre pendant la guerre du Vietnam, situé à 100 km. au sud-est de Hô-Chi-Minh-Ville. Ces troubles se sont étendus vers les autres provinces occidentales du delta du Mékong, vers les plaines côtières du Centre-Vietnam et à Hô-Chi-Minh-Ville en 1987-1988. D’autres manifestations plus importantes ont éclaté dans le Nord-Vietnam (de juin à septembre 1997), où de graves incidents se sont produits à Thai Binh, à 80 km. au sud-est de Hanoi, à Thanh Hoa, à Nghê Tinh, etc. (incendies, destruction des résidences, des édifices publics, séquestration des “potentats locaux” corrompus, etc.). Des revendications pacifiques se sont exprimées devant le siège du Comité central du PCV et de l’Assemblée nationale (place Ba Dinh à Hanoi) ou à Hô-Chi-Minh-Ville (novembre 2000) devant le Jardin botanique. Depuis cinq ans (1997-2003), les mouvements revendicatifs des paysans s’intensifient et font tache d’huile. Ils se sont progressivement étendus sur les Hauts Plateaux et sur les “moyennes et hautes régions” du Nord-Vietnam. De sources occidentales (AFP et Reuters en février 2001), des milliers de paysans des minorités ethniques (Rhadé, Banhar, Jaraï, Kaho, etc.) ont manifesté dans les chefs-lieux de province de Pleiku, Dak-Lak, etc. Ils exigeaient la restitution de leurs terres ancestrales. Plus de cinq millions de Vietnamiens (chiffre officiel), originaires essentiellement du delta surpeuplé du Fleuve rouge, sont venus depuis la réunification du Vietnam s’installer dans la zone des trois frontières, riche en terres rouges très fertiles et propices aux cultures de plantation (café, thé, poivre, hévéas, etc.) aux dépens des minorités ethniques. Dépossé-dées de leurs terres, celles-ci ont été refoulées vers des régions pauvres et peu accessibles.

Derrière cette façade de protestation contre les abus d’autorité, les brimades et la corruption, se cache en réalité un malaise profond de la société vietnamienne. Les paysans souhaitent la disparition des coopératives et réclament le droit de propriété privée et du faire-valoir direct des terres. Vo Van Kiêt, alors Premier ministre, a dû reconnaître devant la presse vietnamienne, le 3 novembre 1996, que “le dân (‘peuple’) ne se sent pas être le maître de la parcelle de terres [qu’il cultiveet en conséquence, il est déçu, ce qui ne constitue pas un moteur stimulant les paysans à exploiter avec une grande efficacité”. Malgré cela, Hanoi persiste et signe. Fidèle au marxisme-léninisme intransigeant, il affiche la ferme volonté de ne faire aucune concession sur ce point, conformément à la Constitution de 1992 (chapitre II, articles 17 et 18). Comme leur revendication vitale n’a pas été satisfaite jusqu’à présent, les paysans poursuivent la lutte de plus belle. Ils n’ont rien à perdre et d’ailleurs, ils n’ont plus peur du régime corrompu, même si les autorités ont toujours le pouvoir de prendre des mesures arbitraires à leur encontre : convocation de la Sécurité locale pour des “séances de travail” (interrogatoires), détentions provisoires “légales” par exemple. Ces vexations peuvent se prolonger indéfiniment pour quiconque est soupçonné de menacer la “sécurité nationale”. Autres mesures répressives draconiennes : la directive N°07/CT-VCT (cf. Viêt-Nam Info, n° 13, Paris, juillet. 2002) permet aux autorités d’incarcérer dans les “camps de rééducation” toute personne susceptible de porter atteinte à “la sécurité de l’Etat” et ce pour une durée indéfinie.

4.) Répression des opposants réclamant démocratie, pluralisme, multipartisme et autres libertés (de parole, de croyances, etc.)

Force est de constater que la répression accrue, au lieu d’étouffer tous les foyers d’opposition au régime, qualifiés de “réactionnaires” ou d’“antisocialistes a eu des effets contraires et inattendus. En effet, pour tuer dans l’ouf les mouvements revendicatifs, Hanoi a décidé de frapper fort à la tête, au cours de ces dernières années. Ainsi, en vertu du fameux décret gouvernemental N°31-CP signé par le Premier ministre Vo Van Kiêt (le 17 avril 1997), la police peut incarcérer ou garder en résidence surveillée pendant deux ans toute personne jugée dangereuse pour “la sécurité de l’Etat sans justification, ni jugement. Cette mesure est reconductible, si cela est nécessaire et ainsi de suite. L’Etat vietnamien a aussi recouru, selon l’expression employée par un haut fonctionnaire de Hanoi en mission à Paris, à “d’autres mesures subtiles et efficaces pour éliminer en douceur les dissidents, les membres contestataires du PCV, à savoir la promotion-sanction ou l’exclusion du Parti. Malgré ces représailles, les mouvements d’opposition tendent à se développer. Parmi les victimes des vagues répressives, on peut citer quelques cas emblématiques :

– Le vénérable Thich Huyên Quang, patriarche du bouddhisme unifié, était assigné à résidence à Quang Ngai (Centre-Vietnam) depuis 1982. A vrai dire, il est incarcéré sans être jugé depuis plus de vingt ans. Il a été récemment libéré après une spectaculaire rencontre avec le Premier ministre, le 2 avril dernier.

– Le vénérable Thich Quang Dô (prix des Droits de l’homme Hellman/Hammett, décerné par l’organisation Human Rights Watch en juillet 2002), recteur de l’Institut pour la propagation du Dharma, le plus haut responsable du bouddhisme unifié à Hô-Chi-Minh-Ville, a écrit au secrétaire général du PCV et au chef de l’Etat en mars 2001 pour les informer de l’état de santé inquiétant du patriarche, âgé de plus de 80 ans, et “les a prévenus que les bouddhistes prendraient eux-mêmes une initiative dans le cas où le pouvoir tarderait encore à autoriser son retour à Saigon”. A la suite de cette lettre et d’autres démarches (en particulier, son appel pour la démocratie au Vietnam), il a été assigné dans sa pagode à Hô-Chi-Minh-Ville, sans accusation, ni procès. Lui aussi vient d’être rendu à la liberté le 27 juin dernier, sans que cela implique un changement de politique du pouvoir à l’égard du bouddhisme unifié. De même, Lê Quang Liêm, responsable suprême de la secte Hoa Hao, est gardé en résidence surveillée en raison de “ses délits d’opinions”.

– Le P. Nguyên Van Ly, contestataire du régime totalitaire, a été assigné à résidence et, en vertu de la décision N° 196 signée du Comité populaire provincial, interdit d’exercer des fonctions religieuses dans sa paroisse et sur le territoire Thua Thiên – Huê, “durant son assignation à résidence administrative”. Puis, vers la fin du mois de mai 2001, il a été incarcéré dans une prison de Huê, où il a entamé une grève de la faim. Traduit devant un tribunal populaire de l’ancienne capitale impériale, il a été condamné, en octobre 2001, à une peine de quinze ans de prison pour “atteinte à l’unité nationale” (suivies d’une assignation à résidence surveillée de cinq ans). Ses deux neveux, accusés “d’espionnage”, sont également sous les verrous depuis juin 2001.

– Le docteur Nguyên Dan Quê, dissident, a sévèrement critiqué le régime et réclamé le pluralisme, le multipartisme, le respect des droits de l’homme, la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), etc. A maintes reprises, il a été incarcéré, de 1978 à 1988, puis de 1990 à 1998, à cause de “ses délits d’opinion”. Sous la pression internationale, il a été “amnistié” par Hanoi, et remis en liberté en septembre 1999. Refusant de s’exiler à l’étranger comme le lui demandaient les autorités vietnamiennes, il a décidé de rester au Vietnam pour poursuivre avec détermination la lutte pacifique contre le régime totalitaire. Assigné à résidence, il n’a plus de contact avec le monde extérieur.

– Le général de l’armée populaire Trân Dô (membre du PCV pendant cinquante-huit ans), un dissident renommé, est décédé en août dernier à l’âge de 78 ans. Il fut l’un des hauts responsables du Département de l’Idéologie et de la Culture du PCV. “Bardé de décorations” (avec la médaille de “héros de la guerre il avait adressé plusieurs lettres au Bureau politique et au gouvernement, pour dénoncer ou critiquer sévèrement la mauvaise gestion économique, la corruption des cadres, ainsi que le parti unique, le marxisme-léninisme périmé, etc. Il avait préconisé une libéralisation politique totale (démocratie, pluralisme, multipartisme, transparence, élections libres) et réclamé “un code légal” autorisant la liberté d’opinion et d’expression. Mais l’Etat vietnamien n’a pas osé le jeter en prison, en raison de son prestige et de ses médailles. Bien plus, il avait été compagnon de lutte d'”Oncle Hô”. Cependant, ses critiques acerbes ont fini par exaspérer le régime. Il a été exclu du PCV en 1999 et placé sous la surveillance attentive d’agents de la Sécurité. Au cours des trois années qui ont précédé sa mort subite dans un hôpital de Hanoi, il a été malmené et souvent sujet à des tracasseries policières (interrogatoires, interpellations, perquisitions à domicile et confiscations de ses manuscrits, téléphone coupé, etc.).

D’autres dissidents et opposants (appartenant à toutes les catégories socio-professionnelles) ont subi le même sort :

– Des universitaires comme le mathématicien Phan Dinh Diêu, le philosophe Hoàng Minh Chinh, ancien directeur de l’Institut de philosophie, le docteur en géophysique Nguyên Thanh Giang et d’autres protestataires bien connus au Vietnam comme le journaliste Bùi Minh Quôc, le biologiste Hà Si Phu, etc. ont été assignés à résidence et ont connus “des ennuis policiers” (interrogatoires, perquisitions à domicile, coupure de téléphone, etc.). Hanoi a utilisé à l’excès le décret N°31-CP. Le domicile des dissidents a été transformé en “prison d’Etat et leurs proches sont devenus des “otages”. Le blocage des ressources financières est souvent l’arme efficace pour les faire taire. Ils risquent d’être relevés de leurs fonctions, s’ils sont fonctionnaires ou salariés d’une entreprise publique par exemple. D’autres sanctions les menacent : expulsions de leurs enfants de l’école ou de l’université d’Etat. Cependant, ces mesures répressives ont été loin de les intimider, de les décourager ou de leur faire peur. Bien au contraire, elles ont soulevé un tollé populaire, comme les mouvements revendicatifs récents des années 2001-2002 par exemple. Les opposants sont souvent des moins de 35 ans, qui n’ont pratiquement pas connu les deux guerres du Vietnam. Déçus du régime totalitaire et corrompu, et face à un avenir sombre et sans issue, ils ont critiqué sans concession les dirigeants des deux plus hautes instances du PCV (leur incompétence, leur corruption, leur trahison envers le peuple) et réclamé démocratie, transparence et libertés.

– Le juriste Lê Chi Quang (33 ans) a été arrêté “en flagrant délit” le 21 février 2002 par la police locale (distribution de “documents de contenu antisocialiste portant atteinte à l’unité et à la sécurité nationales Il a non seulement dénoncé la corruption des politiques, des hauts fonctionnaires, des cadres du PCV, mais aussi la haute trahison et la complicité des dirigeants de Hanoi avec la Chine “à laquelle ils ont concédé secrètement 720 km du territoire et 10 % de la superficie du Golfe du Tonkin riches en ressources naturelles (poissons, gaz, pétrole, etc.) afin d’obtenir son soutien politique, pour rester au pouvoir 

– En septembre 2001, Nguyên Vu Binh (34 ans), journaliste et ancien rédacteur à la rubrique ‘Economie’ de la Revue du communisme, une revue officielle du PCV, s’est associé aux dissidents et d’autres protestataires comme le sociologue Trân Khuê par exemple, pour faire une demande officielle de fonder une “Association populaire de soutien à l’Etat pour combattre la corruption En septembre 2002, il est allé encore plus loin dans sa lutte contre le régime totalitaire, en déposant une demande officielle pour fonder un parti, baptisé le “Parti Liberté – Démocratie et en même temps, il a envoyé un texte d’intervention à la Commission des droits de l’homme du Congrès américain. A la suite de ces agissements, Nguyên Vu Binh a été arrêté et incarcéré, ainsi que le sociologue Trân Khuê. En agissant de la sorte, ces jeunes protestataires savaient pertinemment qu’ils commettaient de “graves crimes politiques” et risquaient d’encourir des sanctions pénales très lourdes, pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison ferme, assortis d’une assignation à résidence de trois à cinq ans. Ils exposaient leurs proches à d’énormes risques de sanctions. Malgré ces conséquences incalculables, ils n’ont pas eu peur et ont été prêts à accepter tous ces dangers.

En bref, le IXe Congrès du PCV marque un changement dans la continuité des réformes entreprises par les trois précédents. Il réaffirme la poursuite du “renouveau processus de libéralisation économique engagé depuis 1986. Quoique entré dans cette voie, Hanoi continue de préserver l’essentiel des dogmes marxistes-léninistes. Le pouvoir met toujours l’accent sur la prédominance et le rôle dirigeant du secteur étatique dans l’économie nationale. Il campe sur sa position concernant l’étatisation des terres. Ces “demi-mesures” découragent les investisseurs étrangers et locaux. Hanoi ne peut convaincre les organismes financiers internationaux, étant donné que sa stratégie de développement économique est tout à fait contraire aux réformes préconisées par les grands bailleurs de fonds. Par voie de conséquence, il ne pourra compter sur eux pour que le Vietnam puisse obtenir une aide financière substantielle, nécessaire pour la relance de l’économie nationale. De même, en matière politique, aucune concession n’a été faite pour ouvrir la voie vers la démocratie, le pluralisme, le multipartisme, conditions préalables exigées par les Occidentaux pour bénéficier pleinement de leur aide technique et économique. Avec une nouvelle troïka de dirigeants technocrates incompétents (en politique) et un nouveau Bureau politique composé en majorité d'”apparatchiks”, on ne peut pas s’attendre à des réformes spectaculaires ou à un assouplissement du régime. Bien au contraire ! Face à l’agitation populaire sans cesse grandissante, le régime se durcit. En raison des énormes dépenses consacrées à la Défense (600 000 soldats) et à la Sécurité (800 000 agents), chiffres cités par l’ex-colonel Bùi Tin, ancien rédacteur en chef adjoint du Nhân Dân et réfugié politique en France, sans compter plus de sept millions de fonctionnaires (soit 25 % du total des actifs) grevant le budget national (40 %), le Vietnam n’a pas suffisamment de moyens financiers pour la relance de l’économie nationale. Les perspectives de l’économie vietnamienne restent donc assez sombres.