Eglises d'Asie

Les trois neveux du prêtre dissident, le P. Nguyên Van Ly, ont été condamnés pour “avoir abusé de la liberté démocratique”

Publié le 18/03/2010




Après avoir été remis plusieurs fois à une date ultérieure, le procès d’une nièce et de deux neveux du célèbre prêtre dissident, le P. Nguyên Van Ly, a enfin eu lieu le 10 septembre dernier à Hô Chi Minh-Ville. Après des débats de courte durée, le tribunal a fait connaître son verdict : les accusés étaient tous condamnés à des peines de prison ferme pour “avoir abusé de la liberté démocratique et porté tort aux intérêt légaux du pays”. Mme Nguyên Thi Hoa a écopé de trois ans, Nguyên Truc Cuong de quatre ans et Nguyên Vu Viêt de cinq ans.

Commencé à 8 h. 30, le procès s’est terminé à 11 h. 30. Comme on a pu le savoir grâce à des témoins et à un reportage photographique envoyé par Internet depuis Saigon, le tribunal avait d’abord informé le public que la séance du procès serait publique et qu’elle aurait lieu dans une certaine salle dont l’emplacement était précisé. Or, au dernier moment, la salle prévue pour abriter les débats a été changée pour une autre, ce qui a dérouté la famille des accusés et son assistant juridique bénévole, le pasteur et avocat Nguyên Hong Quang. Ceux-ci durent perdre beaucoup de temps, se quereller avec les employés du tribunal avant de trouver le lieu du procès où ils ne purent s’introduire que bien après le début du procès. Lorsqu’ils y arrivèrent, la salle d’audience était partiellement vide. En dehors des trois accusés, seuls étaient présents le président du tribunal, deux assesseurs, un secrétaire, un contrôleur populaire et, sur deux rangées de chaises, des journalistes de la presse officielle nationale. Ni la presse internationale, ni les représentants du monde diplomatique intéressés par le procès, y compris les agents du consulat américain à Hô Chi Minh-Ville, n’ont pu avoir accès à la salle de jugement. Il a fallu tout le talent du pasteur Nguyên Hông Quang pour que lui-même, son assistant, quatre membres de la famille du P. Ly puissent pénétrer dans la salle d’audience. Dix autres membres de la famille furent obligés de se tenir à l’extérieur.

Le pasteur Nguyên Hông Quang qui a ainsi assisté à une partie du procès a relaté ses impressions dans un texte diffusé sur Internet. Il a été frappé du caractère mesquin, voire de l’absurdité, des griefs concrets censés illustrer l’accusation plus générale d’abus de la liberté démocratique, un crime qui est défini à l’article 258 du Code pénal et puni de peines allant de six mois à sept ans de prison pour les cas les plus graves. On a reproché aux accusés une série de menues affaires qui avaient été déjà consignées dans le texte d’un acte d’accusation (1) porté à la connaissance du public au début du mois de novembre 2002, et détaillant les activités prétendues subversives de trois neveux du P. Tadeus Nguyên Van Ly. On leur a ainsi reproché d’avoir échangé des numéros de téléphone portable, d’avoir reçu des aides financières de faible importance, d’avoir reçu et donné des informations au sujet de leur oncle, d’avoir été trouvés en possession de documents émanant de forces réactionnaires s’opposant au gouvernement. Parmi ces derniers, était cité le texte de la Déclaration universelle sur les droits de l’homme des Nations Unies.

Les témoins du procès ont remarqué que le juge et ses assesseurs ont manifesté un certain embarras, ne pouvant prouver que les activités reprochées aux accusés avaient de quelque manière porté tort aux autorités gouvernementales. Les accusés se sont montrés discrets et, la plupart du temps, n’ont pas répondu aux questions du tribunal. Seule Mme Nguyên Thi Hoa s’est opposée aux allégations du tribunal et a affirmé que l’enregistrement de sa déposition par la police ne correspondait pas à ses déclarations et qu’on l’avait obligée à signer.

Dès que le verdict a été connu, les réactions des organisations humanitaires et des puissances étrangères n’ont pas manqué. Le jour même, Amnesty International réclamait la liberté immédiate et inconditionnelle des trois neveux du P. Ly, qualifiés de prisonniers de conscience et défenseurs des droits de l’homme. Le consulat des Etats-Unis à Hô Chi Minh-Ville a exprimé son indignation devant des condamnations touchant des personnes exerçant seulement leur droit d’expression. Le lendemain 11 septembre, René Boucher, porte-parole du Département d’Etat, déclarait : “Les Etats-Unis rappellent au Vietnam ses obligations à respecter totalement les normes internationales des droits de l’homme auxquelles il a librement adhéré.” Il a fait aussi remarquer que des diplomates américains s’étaient vu interdire l’entrée du tribunal, en dépit de plusieurs demandes.

Cependant, d’autres observateurs font aussi remarquer que la pression internationale qui s’est exercée à propos de cette affaire a porté un certain nombre de fruits. L’acte d’accusation publié en novembre 2002 avait conclu que les trois inculpés étaient coupables du crime d’espionnage, tel qu’il est défini à l’article 80, section 1, du Code pénal, ainsi libellé : “Est passible de douze à trente ans de prison, d’emprisonnement à vie ou de la peine capitale, quiconque a commis un des crimes suivants : (…), fournir des secrets d’Etat à une nation étrangère ou les recueillir dans l’intention de les lui livrer.” L’accusation était extrêmement grave et pouvait entraîner, comme on s’en doute, une très sévère sentence. Or les multiples critiques provenant de toutes les parties du monde ont amené les autorités judiciaires à rebrousser chemin. On apprenait le 1er juillet que la Commission de sécurité et d’enquête du ministère de la Sécurité publique avait totalement changé d’avis sur la nature des crimes des trois inculpés. Elle avait en effet proposé au parquet populaire que les trois neveux du P. Ly soient poursuivis pour avoir abusé de la liberté démocratique (2), accusation qui a été maintenue lors du procès.