Eglises d'Asie

Consultés par le président de la République, trois des principaux responsables religieux du pays déclarent ne pas s’opposer à l’envoi de troupes non combattantes en Irak

Publié le 18/03/2010




Le 19 septembre dernier, le président Roh Moo-hyun a reçu à déjeuner trois des principaux responsables religieux du pays pour leur faire part de sa décision d’envoyer des troupes sud-coréennes en Irak. En avril dernier, la Corée du Sud avait envoyé près de 450 soldats – des troupes du génie ainsi que du personnel médical -, une décision qui avait soulevé quelques remous dans le pays (1). Depuis, les pressions des Etats-Unis se sont faites plus précises et, au début du mois de septembre, le gouvernement a dû reconnaître que Washington lui avait demandé d’envoyer des “troupes de combat” en Irak, les médias spéculant immédiatement sur le nombre de soldats demandés et citant une fourchette allant de 3 000 à 15 000 hommes. Selon un porte-parole de la présidence, Roh Moo-hyun a invité les responsables religieux du pays non parce que la question du déploiement de troupes sud-coréennes en Irak est urgente, mais parce que le président souhaitait entendre l’opinion des responsables religieux sur différentes questions d’actualité. Il semble toutefois que les débats ont bien porté sur l’opportunité ou non d’envoyer des troupes en Irak et quel type de troupes.

A Cheongwadae, le palais présidentiel, avaient été conviés le cardinal Stephen Kim Sou-hwan, ancien archevêque de Séoul, le pasteur Kang Won-yong, président honoraire de la Conférence mondiale sur la paix et la religion, ainsi que le vénérable Song Wol-ju, ancien responsable de l’ordre Chogye, la principale branche du bouddhisme en Corée du Sud. En mars dernier, le cardinal Kim avait déclaré publiquement être d’accord avec l’envoi de troupes non combattantes en Irak dans la mesure où l’aide que Séoul pouvait apporter à Washington en Irak contribuerait à ce que la voix de la Corée du Sud soit écoutée plus attentivement par les Etats-Unis dans la gestion par ces derniers de l’épineux dossier nord-coréen (1). Le 19 septembre, selon un porte-parole de la présidence, le cardinal Kim a de nouveau suggéré à Roh Moo-hyun que la Corée du Sud envoie en Irak des troupes non combattantes placées sous le drapeau des Nations Unies. Toujours selon ce porte-parole, le vénérable Song a acquiescé à cette opinion.

Pour le pasteur Kang, l’envoi de troupes en Irak n’est pas justifié moralement. Selon le porte-parole de la présidence, le pasteur protestant a dit au président Roh qu’il n’y avait pas à ce jour de preuve de l’existence en Irak d’armes de destruction massive ou de lien entre Saddam Hussein et le réseau terroriste Al-Qaeda. Malgré tout, a ajouté le pasteur, il est difficilement possible à la Corée du Sud de ne pas envoyer aujourd’hui de personnels militaires en Irak. Selon le porte-parole, le président Roh s’est contenté de déclarer que son gouvernement n’avait pas encore établi de plans relatifs à l’envoi de troupes mais qu’il devait prendre une décision à ce sujet.

Dans les cercles religieux coréens, la question de la participation de la Corée du Sud aux opérations américaines en Irak fait débat. Selon le P. Casimir Song Yol-sop, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques du pays, “l’essence du problème est la question de l’envoi de troupes combattantes ou non combattantes”. Si le gouvernement déploie des soldats non combattants sous la bannière de l’ONU, la majorité des Coréens ne verra rien à redire, estime le P. Song. Mais s’il s’agit pour les soldats coréens de se joindre à une force multinationale ayant pour mission de combattre les Irakiens, la participation du pays est inacceptable, précise-t-il, ajoutant : “De toute façon, rien ne presse et il est nécessaire de prendre du temps pour discuter de ce problème”.

Pour le P. Paul Moon Kyu-hyon, co-président de l’Association des prêtres catholiques pour la Justice, une organisation connue pour son combat en faveur de la réunification de la péninsule coréenne, la guerre menée par les Etats-Unis en Irak est “une guerre impérialiste et une invasion illégale”. Par conséquent, déclare-t-il, “nous ne devrions jamais autoriser l’envoi de personnels militaires, même non combattants, en Irak. En envoyer n’aiderait ni l’Irak ni notre pays”. Le Conseil national des Eglises de Corée, organisation rassemblant différentes dénominations protestantes, estime pour sa part que les Etats-Unis tentent, en demandant à la Corée d’envoyer des soldats, de justifier leur “guerre injuste” en la replaçant sous le drapeau des Nations Unies. Le secrétaire général du Conseil, le pasteur Paik Do-woong, déclare : “Pour la Corée du Sud, il est temps de retirer les forces non combattantes déjà déployées en Irak.”

Le quotidien national Hankyoreh a commandé un sondage effectué les 19 et 20 septembre. 57 % des personnes interrogées se sont déclarées opposées à l’envoi de troupes de combat et 38 % favorables. A la question : “Etes-vous favorable ou non à l’augmentation du contingent de troupes non combattantes déjà envoyé en Irak ? 64 % des réponses sont positives et 30 % négatives. Toujours selon ce sondage, quatre cinquièmes des Sud-Coréens déclarent être opposés à la guerre livrée par les Etats-Unis en Irak.