Eglises d'Asie

Des universitaires catholiques et musulmans dénoncent l’ampleur de la corruption dans le pays, un phénomène qui n’épargne pas les religions

Publié le 18/03/2010




A Yogyakarta, au mois d’août dernier, un colloque a réuni environ 150 participants, des universitaires pour une grande part, sur le thème : « Edifier un mouvement anti-corruption dans une perspective éducative ». Selon plusieurs intervenants, catholiques et musulmans, la corruption est une réalité tellement enracinée dans la vie de la société indonésienne contemporaine que les religions elles-mêmes ne sont pas épargnées. Pour le catholique George Junus Aditjondro, ancien journaliste au Tempo, aujourd’hui professeur dans une université australienne, « certains vont jusqu’à pratiquer la corruption au nom de la religion sous le prétexte de poursuivre des devoirs religieux ».

Aditjondro a donné comme exemple les abus qui sont commis sous couvert de pèlerinage à La Mecque, une des obligations s’imposant aux musulmans. « Chaque année, plusieurs centaines de fonctionnaires, parfois accompagnés de membres de leur famille, vont en pèlerinage à La Mecque aux frais du gouvernement a-t-il affirmé, mettant en avant le fait que de l’argent public est détourné à cette fin, que des non-musulmans sont donc amenés indirectement à financer des pèlerinages à La Mecque et que tout ceci constitue une violation des principes même de l’islam. « N’est-ce pas là une forme de corruption ? s’est-il interrogé, ajoutant que ce phénomène de corruption ne concerne pas que les musulmans. Chaque année, a-t-il en effet poursuivi, des petits paysans sont incités à vendre leurs terres à des prix inférieurs au marché par des citadins, musulmans ou non, peu scrupuleux tablant sur l’attrait exercé par un pèlerinage à La Mecque sur nombre de musulmans pieux. A leur retour du « Hajj ces paysans se retrouvent dans l’impossibilité de racheter leurs terres qui ont été vendues entre temps à de nouveaux propriétaires. « Je suis certain que ces façons de faire ne sont pas conformes aux principes islamiques de base a conclu Aditjondro.

Organisé par la Coalition interreligieuse contre la corruption, l’Observatoire de la corruption de Yogyakarta et l’Institut pour le développement et la recherche éducative de l’université Muhammadiyah de Yogyakarta, le colloque a été l’occasion de rechercher des solutions au problème de la corruption. Selon Abdullah Hehamahua, ancien président de l’Association des étudiants musulmans, la charia est une réponse, des jugements condamnant à l’amputation de la main ou d’un certain nombre de doigts en fonction de l’importance des sommes volées pouvant être prononcés. « L’exécution en public de telles sentences servirait en quelque sorte d’éducation populaire a-t-il affirmé. Pour Andreas Joko Wicoyo, lecteur à l’université jésuite Sanatha Dharma de Yogyakarta, « la corruption persiste du fait de la nature féodale de notre culture, qui entrave le contrôle social. Aujourd’hui, en dépit du climat de réformes, c’est la faiblesse de l’Etat de droit qui permet le développement de la corruption ». Ce sont les responsables religieux, les responsables de la société et les responsables de la fonction publique qui devraient donner l’exemple en menant une vie simple, a-t-il ajouté.