Eglises d'Asie

Les assassinats de journalistes provoquent de vives protestations

Publié le 18/03/2010




A Davao, sur la grande île méridionale de Mindanao, un tireur embusqué a tué un journaliste de radio, Juan “Jun” Pala, le 6 septembre dernier, alors que ce dernier sortait de la maison d’un ami. Trois semaines plus tôt, c’était un reporter d’Agusan del Sur, au nord de Davao, qui était tué, le lendemain même de l’assassinat d’un troisième journaliste de radio, abattu à Laguna, au sud-est de Manille. Selon l’Union nationale des journalistes aux Philippines (NUJP), Juan Pala était le sixième journaliste abattu depuis le mois de janvier de cette année. Pour Mgr Fernando Capalla, évêque du diocèse catholique de Davao, il est temps de rappeler l’existence du cinquième commandement : “Tu ne tueras pas.” Ces meurtres récents inquiètent parce qu’« ils montrent que des gens qui devraient être responsables de leurs actes n’ont plus conscience de ce qu’ils font”, a ajouté Mgr Capalla. Ils en sont arrivés à croire que tuer n’est pas grave, explique-t-il, citant le meurtre de Davao comme un exemple « de ces exécutions sommaires », condamnées depuis longtemps par l’Eglise (1). L’archevêque a déclaré également vouloir encourager “tous les laïcs et toutes les organisations chrétiennes” à parler en tant qu'”Eglise”, sans laisser cette tâche aux seuls prêtres et évêques.

La NUJP, de son côté, a lancé un appel pour “une série de mobilisations nationales pour protester contre ces meurtres de journalistes et les harcèlements dont sont victimes les médias”. Le 10 septembre dernier, une soixantaine de journalistes ont organisé des veillées de prière dans six grandes villes du pays. La vice-présidente de la NUJP, Inday Espina-Varona, a demandé à ses collègues de « s’unir devant l’escalade de la violence et de laisser de côté les rivalités politiques et professionnelles pour défendre la liberté de la presse”. La NUJP rapporte que quarante-deux journalistes ont été tués depuis 1986 dont neuf ces deux dernières années. Elle fait remarquer qu’avec la mort de Juan Pala, les Philippines rivalisent avec la Colombie pour le titre du « lieu le plus dangereux au monde pour des journalistes » (2

Juan Pala, 48 ans, était connu pour ses commentaires sans concession sur l’action des politiciens locaux, y compris le maire de Davao lui-même. Il avait survécu à un attentat en 2001 puis à un second, commis cette année même. Dans les années 1980, il avait écrit des articles contre la guérilla communiste et ses sympathisants. Deux jours avant la mort de Pala, la Fédération internationale des journalistes avait adressé une lettre à la présidente Gloria Macapagal-Arroyo au sujet des “attaques continuelles contre les journalistes aux Philippines”. La fédération mentionnait dans cette lettre datée du 4 septembre le meurtre de Rico Ramirez, un journaliste de radio de la station DXSF à Agusan del Sur, qui s’était vu reprocher par « des membres du milieu de la drogue de les avoir critiqués”. Rico Ramirez a été tué le 20 août. Le 19, c’était au tour de Noël Villarante, journaliste de radio à Santa Cruz. “D’après nos informations, écrit la fédération à la présidente Arroyo, aucun de ces meurtres n’a été élucidé et cela depuis 1986, ce qui illustre une vacance inquiétante dans l’action du gouvernement philippin.”