Eglises d'Asie

Les relations entre le gouvernement et le bouddhisme unifié se détériorent à nouveau

Publié le 18/03/2010




De gros nuages d’orage sont venus assombrir, ces temps derniers, le ciel serein et la lune de miel qui avaient marqué le climat des relations entre le bouddhisme unifié et l’Etat vietnamien au cours de ces derniers mois, climat qui s’était traduit par l’entrevue historique du 2 avril dernier (1) entre le patriarche du bouddhisme unifié, Thich Huyên Quang, et le Premier ministre du Vietnam, le recouvrement de sa liberté de déplacement par le premier (2) et enfin la libération de résidence surveillée de l’assistant du patriarche, le vénérable Thich Quand Dô, le 27 juin dernier (3). Les autorités civiles vietnamiennes semblent s’inquiéter d’une tentative de réorganisation du bouddhisme unifiée entreprise par les deux plus hauts dirigeants du bouddhisme unifié depuis les mesures de libéralisation dont ils ont bénéficiés. En particulier, le patriarche avait convoqué, du 17 au 19 septembre dernier, à une réunion dans une pagode du Binh Dinh les membres des deux instances suprêmes du bouddhisme à savoir du clergé et de la propagation du Dharma.

Dès avant que la police ne fasse obstacle à ce projet, on avait noté, il y a quelques mois, la diffusion, par la poste et sur Internet à destination de pagodes et d’établissements bouddhistes dans le pays et à l’étranger, d’un certain nombre d’articles qualifiés par le Bureau international d’information bouddhiste de mensongers et calomnieux (4). La même source reconnaissait derrière ces textes des positions et une argumentation bien connues des fidèles bouddhistes, même si l’auteur se présentait comme un bouddhiste. Ce furent ensuite les interrogatoires que durent subir un certain nombre de religieux dans l’ensemble du Sud-Vietnam. C’est ainsi que des religieux comme Thich Phuoc Viên, Thich Thai Hoa à Huê, Thich Hai Tang, dans le Quang Tri, Thich Thanh Huyên et Thich Nguyên Ly, à Hô Chi Minh-Ville, furent convoqués à des séances de travail où ils furent surtout interrogés sur leurs rapports avec les deux hauts dirigeants du bouddhisme unifié et les missions que ceux-ci leur avaient confiées. Ils furent incités à ne pas participer à la réunion de la mi-septembre et à ne pas accepter les fonctions qui leur seraient confiées par le bouddhisme unifié, ce à quoi ils se refusèrent tous.

Dans le Binh Dinh où devait avoir lieu la réunion, un grand nombre de délégations officielles de toutes sortes se sont succédées depuis deux mois auprès du patriarche Thich Huyên Quang. C’est ainsi que le patriarche a reçu une délégation du secrétariat d’Etat à la Sécurité et un groupe du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses. L’un et l’autre groupe ont demandé que le patriarche vienne participer à Hanoi à la direction de l’Eglise bouddhiste du Vietnam, parrainée par le Front patriotique, un organe de mobilisation du Parti communiste. Le patriarche a répondu qu’en premier lieu s’imposait la restauration des activités du bouddhisme unifié et que l’on discuterait plus tard de ce genre de questions. Une même tentative officielle a eu lieu le 12 septembre suivant auprès de la seconde personnalité du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Quang Dô. Un groupe de douze cadres appartenant aux Affaires religieuses et à la municipalité ont demandé au religieux de ne pas procéder au renforcement du personnel du bouddhisme unifié, branche du bouddhisme non reconnu par l’Etat, et de ne pas participer à la réunion du Binh Dinh. Le religieux a lui aussi opposé un refus catégorique à ces demandes.

Les diverses délégations convoquées à la réunion du Binh Dinh ont connu des sorts différents. Celle de Saigon avec Thich Quang Dô et quelques autres religieux est arrivée au Binh Dinh sans encombre. Les religieux du groupe de Huê partis le 17 septembre se sont vus abandonner par leur chauffeur et sa voiture au pied du col de Hai Van qu’ils ont monté à pied. Grâce à un taxi rencontré au sommet, ils ont pu arriver au lieu de la réunion au début de l’après-midi du 18 septembre. Par contre, les membres de la délégation du Quang Tri, plusieurs fois arrêtés au cours de leur voyage, ont finalement été obligés de retourner à leur point de départ.

Dans une lettre adressée au Premier ministre le 30 septembre dernier, le vénérable Thich Quang Dô évoquait les espoirs qu’avait fait naître la rencontre du patriarche du bouddhisme unifié avec le Premier ministre tout en récapitulant les obstacles semés par la police sur la route menant les religieux bouddhistes au congrès organisé dans le Binh Dinh (5). Il a souligné que le gouvernement n’avait interdit cette rencontre à aucun moment, ni par oral ni par écrit.