Eglises d'Asie

Une condamnation à mort et douze peines de prison à vie pour les meurtriers d’un pasteur australien et de ses enfants

Publié le 18/03/2010




Le 22 septembre dernier, le tribunal de Bhabaneswar, dans l’Etat d’Orissa, a prononcé la sentence finale contre treize inculpés dans l’affaire du meurtre du pasteur australien Graham Stuart Staines et de ses deux enfants. Les trois avaient trouvé la mort dans leur voiture, incendiée en janvier 1999 par un groupe de militants hindouistes, alors qu’ils y passaient la nuit, à Manoharpur, un village isolé du district de Keonjhar, dans l’Etat d’Orissa (1). L’instigateur du massacre, bien connu par ailleurs pour ses activités et opinions extrémistes, Ravindra Kumar Pal, surnommé Dara Singh, a été condamné à mort. On a rapporté qu’en entendant la sentence, il s’est écrié : “Tout dépend de la volonté de Dieu ! Attendons ce qui arrivera ensuite !” Les douze autres ont écopé de la prison à vie. Ces condamnations constituent le deuxième temps d’une décision judiciaire dont les premières conclusions avaient été exprimées la semaine précédente. En effet, après avoir retardé la sentence d’une semaine (2), le même tribunal avait, le 15 septembre dernier, déclaré coupables treize des quatorze inculpés. L’un d’entre eux avait été relaxé pour manque de preuves. Lors de la déclaration de culpabilité par le juge, des mesures de sécurité renforcées avaient été prises par peur de réactions violentes des partisans de Dara Singh. Treize unités de police protégeaient les bâtiments du tribunal, autour desquels une foule de 3 000 civils s’était assemblée pour attendre la proclamation officielle du verdict.

Dès le 22 septembre et dans les jours qui ont suivi, les autorités de l’Etat ont étendu les mesures de sécurité à de nombreux établissements chrétiens. C’est ainsi que des policiers en arme sont venus monter la garde devant la cathédrale catholique de Cuttack-Bhubaneswar et devant l’archevêché, sans que les autorités religieuses n’en aient fait la demande. Interrogé à ce sujet, l’archevêque du lieu, Mgr Raphaël Cheenath, a fait remarquer que c’était là un signe clair que l’administration locale tenait à éviter les troubles. Une autorité policière a fait savoir que les mesures prises seraient maintenues pendant une longue période de temps.

Cette décision du tribunal en deux temps a été généralement bien accueillie par une grande partie de l’opinion publique indienne. D’une façon générale, elle a été considérée comme une victoire de la justice sur l’esprit partisan. C’est du moins ainsi que l’épiscopat indien, qui pourtant n’approuve pas dans son principe la peine de mort, l’a présentée aussitôt après l’annonce de la déclaration de culpabilité à la télévision : “Le verdict, a dit le P. Babu Joseph, porte-parole des évêques, reflète la vitalité du système de la justice. […] C’est encore le sens de la justice et l’honnêteté qui prévalent dans notre pays.” Il a, le 23 septembre, exprimé de nouveau son sentiment que la justice pouvait être rendue dans le pays, quelles que soient les pressions exercées. Ce sentiment était largement partagé par les chrétiens de l’Etat d’Orissa dont certains s’étaient mis en prière depuis le 20 août, date à laquelle avait été annoncé l’imminence du jugement.

La presse indienne a généralement exprimé des opinions analogues sur le sujet. Un éditorial du The Hindu intitulé “Justice rendue paru le 17 septembre, après la déclaration de culpabilité, rappelle la menace à laquelle l’Inde a échappé grâce à ce verdict courageux. Selon l’auteur, ce crime effroyable constituait un défi lancé aussi bien à l’administration du pays qu’à la société civile. Les premières réactions officielles avaient pu donner à penser que les responsables ne menaient l’enquête qu’avec une certaine timidité. Une équipe du gouvernement central ayant visité Manoharpur, tout de suite après le meurtre, avait conclu à l’existence d’un complot international, conclusion interprétée comme une tentative visant à saborder l’enquête. En outre le principal coupable, connu de tous pour ses relations avec l’extrémisme hindou, n’avait été arrêté qu’en février 2000, plus d’un an après les faits. Que le Bureau central d’investigation, à qui l’affaire a été confiée après les premières hésitations, ait pu rassembler des preuves contre treize accusés et finalement permettre leur condamnation a été ressentie comme une délivrance par ceux qui avaient perdu confiance dans la justice de leur pays.