Eglises d'Asie

Après un revirement spectaculaire, le gouvernement s’acharne sur les autorités religieuses du bouddhisme unifié

Publié le 18/03/2010




Le revirement des autorités civiles vietnamiennes à l’égard du bouddhisme unifié se poursuit et s’accentue. Après s’être opposées par divers moyens – mais sans résultats – à la tenue d’une assemblée extraordinaire de divers membres responsables du bouddhisme unifié dans la pagode Nguyên Thiêu au Binh Dinh (1), elles semblent aujourd’hui vouloir s’acharner contre les principaux responsables de cette Eglise réfractaire à la collaboration sans condition avec les instances du Parti et du gouvernement.

Quelques jours après la fin de cette réunion, dans la matinée du 8 octobre, alors que les vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Dô, les deux têtes de file du bouddhisme unifié, ainsi que huit autres religieux, depuis le monastère Nguyên Thiêu, se disposaient à regagner Hô Chi Minh-Ville en minicar, les événements se sont précipités. A quelque deux cents mètres de leur lieu de départ, ils ont été arrêtés par une voiture de police bloquant la route et par un groupe de vingt personnes se réclamant des “masses populaires Des pierres furent lancées sur la voiture et les pneus furent crevés par les civils dont le nombre s’était élevé à quarante aux environs de dix heures. Les religieux, eux, ont refusé obstinément d’abandonner leur voiture pour revenir au monastère. En début de l’après-midi, quelque deux cents religieux et plus de mille fidèles bouddhistes de la région sont venus se rassembler autour de la voiture pour protéger les deux religieux les plus élevés de la hiérarchie du bouddhisme unifié. Pendant ce temps, la police coupait les lignes téléphoniques du monastère Nguyên Thiêu. On apprenait également que, dans la région voisine de Huê, la surveillance policière des monastères était renforcée.

Un moment, on a pu penser que l’affaire serait réglée pacifiquement. Dans l’après-midi du 8 octobre, la permission était donnée aux religieux de continuer leur route. Mais ce n’était que partie remise. Le lendemain, 9 octobre, la voiture était parvenue dans la province de Khanh Hoa lorsqu’elle fut arrêtée à nouveau par des agents de la Sécurité. Les religieux étaient séparés les uns des autres. Thich Quang Dô était interrogé pendant quatre heures puis ramenés dans son monastère de Hô Chi Minh-Ville, Than Minh Thiên. Très fatigué, il a été conduit aussitôt à l’hôpital. Quant au patriarche Thich Huyên Quang, la police l’a reconduit au monastère de Ngyên Thiêu, dans le Binh Dinh, où s’était tenue l’assemblée extraordinaire. Trois des autres religieux, Thich Tuê Sy, Thich Thanh Huyên, Thich Nguyên Ly, subissaient eux aussi des interrogatoires mais étaient gardés en détention. C’était également le cas d’un autre religieux, Thich Viên Dinh, qui après avoir regagné sa pagode, était immédiatement arrêté et conduit en prison.

Dans un communiqué de deux pages publié le 10 octobre, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lê Dung, a accusé les religieux d’avoir transporté avec eux des documents “classé secrets d’Etat démontrant le caractère subversif de leurs activités. Selon le Bureau d’information bouddhiste international, qui rapporte les faits (2), les documents en question étaient d’ordre purement religieux et n’avaient rien à voir avec des secrets d’Etat.

La campagne de répression est sans doute arrivée à sa conclusion avec les condamnations qui ont ensuite frappé les principaux participants du voyage censé conduire les religieux du Binh Dinh à Saigon. Les deux chefs religieux du bouddhisme unifié, Thich Huyên Quang et Thich Quang Dô, étaient placés en résidence surveillée dans leur pagode respective, à Hô Chi Minh Ville et au Binh Dinh, dépouillés de leurs téléphones portables et soumis à une surveillance policière 24 heures sur 24. Trois autres religieux qui s’étaient embarqués avec eux dans le même minicar, Thich Tuê Sy, Thich Thanh Huyên et Thich Nguyên Ly, ont été condamnés à deux ans de surveillance administrative.

Thich Tuê Sy, religieux intellectuel bien connu, qui avait été condamné à mort lors d’un procès devant le tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville en septembre 1988, une peine qui fut ensuite commuée en vingt ans de prison, avait été arrêté dès le 9 octobre lors de la deuxième intervention policière dans la province de Khanh Hoa. Après interrogatoire, il avait été ramené à Saigon et conduit devant une assemblée dite populaire (les religieux et fidèles bouddhistes avaient refusé de venir) réunie pour le dénoncer. C’est là que, par “consentement populaire il avait été condamné. Les deux autres religieux ont appris la nouvelle de leur condamnation à la “surveillance administrative” à l’issue d’interrogatoires intensifs.

Alors que se déroulaient ces événements au Vietnam, une assemblée extraordinaire du bouddhisme unifié se déroulait à Melbourne, en Australie, du 10 au 12 octobre 2003 ; elle a constitué un prolongement à l’étranger de la réunion extraordinaire ayant eu lieu précédemment au monastère Nguyên Thiêu du Binh Dinh. L’assemblée a procédé à des élections et proclamé le vénérable Thich Huyên Quang quatrième patriarche du bouddhisme unifié. Une lettre de celui-ci a été lue au début de la réunion (3).