Eglises d'Asie

Célèbes : un soudain accès de violences meurtrières dans la région de Poso, visant la communauté chrétienne, est imputé à des éléments extérieurs à la province

Publié le 18/03/2010




La région de Poso, sur l’île de Célèbes, a été le théâtre les 10 et 12 octobre dernier, de violences meurtrières qui ont fait au moins douze morts, principalement des chrétiens, une quinzaine de blessés et d’importants dégâts matériels, une trentaine de maisons et une église ayant été incendiés. Selon la police locale, les attaques ont été menées par des hommes armés et masqués. La première attaque, le 10 octobre, a eu lieu dans le district de Morowali, situé sur la côte orientale de la province de Célèbes-Centre, et a visé un village chrétien, faisant trois morts. Le 12 octobre à l’aube, ce fut au tour de trois villages chrétiens, situés dans le district de Poso, d’être attaqués ; les attaques, menées simultanément, ont causé la mort de neuf personnes. Enfin, le 14 octobre au soir, une bombe a explosé dans le village de Betania, également situé à proximité de Poso, mais n’a pas fait de victimes. Très rapidement, les autorités gouvernementales ont annoncé que des troupes allaient être envoyées sur place pour renforcer la sécurité. Susilo Bambang Yudhoyono, ministre de la Sécurité, s’est rendu le 14 octobre dans la soirée à Palu, chef-lieu de la province, où il a eu des entretiens avec le gouverneur et les responsables religieux locaux. Avant son arrivée à Palu, il avait déclaré que, selon les informations en sa possession, les responsables de cet accès de violence meurtrière n’étaient pas originaires de la province. “Selon notre analyse, à part quelques locaux, des éléments extérieurs [à la province] sont derrière ces attaques. Il se peut qu’ils vivaient là depuis un certain temps a-t-il déclaré. Le ministre comme la plupart des responsables religieux et des analystes indonésiens ont été unanimes pour dire que ces attaques ne signifiaient pas une résurgence des conflits intercommunautaires qui ont dressé chrétiens et musulmans les uns contre les autres de fin 1999 à décembre 2001 et ont causé la mort de 2 000 personnes (1).

Pour un certain nombre de responsables chrétiens, ces attaques ont eu pour conséquence immédiate de faire renaître la peur au sein des communautés chrétiennes. “Il y a eu de nombreuses victimes de notre côté a déclaré Ferry Naray, du Centre de crise des Eglises protestantes de Célèbes-Centre, ajoutant que le retour à la paix, réel depuis la mise en place des accords de Malino (2), en était fragilisé. Cependant, pour Faisal Mahmud, de la branche locale du MUI (Conseil des oulémas indonésiens), les attaques ont été le fait d’“irresponsables dont l’objectif est de créer à nouveau de l’instabilité à Poso”. Selon lui, une escalade de la violence dans les semaines à venir est improbable.

Nombreux dans la presse indonésienne et jusqu’au sein du gouvernement ont été ceux qui ont noté que la date de ces attaques coïncidait avec le premier anniversaire de l’attentat de Bali. Jusuf Kalla, ministre des Affaires sociales dans l’actuel gouvernement et un des principaux négociateurs des accords de Malino, a estimé que les attaques, soigneusement préparées, avaient été menées par des personnes étrangères au conflit des années 2000 et 2001 à Poso. Selon lui, elles pourraient avoir été commanditées par des sympathisants des islamistes responsables des attentats de Bali (3) et de la bombe placée dans un restaurant McDonald’s à Macassar, dans la province de Célèbes-Sud, en décembre 2002 (4).

Tout aussi nombreux ont été ceux qui ont émis l’hypothèse que ce n’était pas du côté d’extrémistes religieux qu’il fallait chercher des responsables mais du côté de l’armée. A Poso, Sulaiman Mamar, notable musulman partie prenante des accords de Malino, les habitants de la province ont indiqué à de nombreuses occasions qu’ils étaient fatigués par les violences passées et qu’ils ne voulaient plus les voir ressurgir. “Nous suspectons que ce sont des rivalités et des jalousies entre forces de sécurité qui sont la cause de ces récentes violences a-t-il déclaré, précisant qu’il est de notoriété quasi publique que les militaires postés dans la province sont jaloux du fait que la plus grande part des moyens déployés par l’administration locale pour assurer la sécurité va aux forces de police. “La police vient de recevoir 120 motos et sept voitures tandis que les militaires n’ont rien eu a-t-il ajouté, tout en confiant qu’“il s’agit d’informations non confirmées.”

Hasyim Muzadi, président de la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, a appelé le 14 octobre les responsables religieux de Poso à prévenir tout regain de violence afin de désarmer à la base toute tentative visant à replonger la région dans le chaos. Commentant l’usage des forces de l’ordre dans le maintien de la paix, il a ajouté : “Parfois, nous ne parvenons pas à voir la racine du problème. Une forte coordination entre les organes de sécurité dans ce pays est plus que nécessaire.”