Eglises d'Asie

Mindanao : un attentat meurtrier contre une mosquée a été fermement condamné par les responsables catholiques de la région

Publié le 18/03/2010




L’attentat à la grenade commis le 3 octobre dernier à Mindanao, dans la ville de Midsayap, et qui a causé la mort de trois personnes – un prédicateur et deux musulmans – et fait une trentaine de blessés, a été condamné dans les termes les plus fermes par les responsables catholiques de l’île. Dès le lendemain, de Rome où il était en visite ad limina, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato, diocèse où se trouve la ville de Midsayap, a envoyé aux médias un “communiqué pastoral” intitulé : “Un crime qui crie vers les cieux” par lequel il a condamné “dans les termes les plus forts possible” un crime qualifié de “haineux”. Selon l’évêque, celui qui a perpétré un tel “acte diabolique” ne fait preuve d'”aucun respect pour la religion, pour les hommes et pour Dieu”. Mgr Quevedo a appelé les habitants de Mindanao à ne pas réagir à un tel attentat sous le coup de l’émotion et à s’interdire toute parole ou tout acte pouvant “inciter d’autres personnes à recourir à la violence”.

L’attentat s’est produit dans une ville de 80 000 habitants, catholiques à 80 % environ, les 20 % restant étant surtout formés de musulmans. Le ou les responsables de l’attentat ont choisi une mosquée située dans l’enceinte d’un ensemble de bâtiments appartenant à l’administration publique. Commis peu après midi, à une heure où des fonctionnaires musulmans priaient à la mosquée, l’attentat n’a pas été revendiqué. Selon le P. Eduardo Santoyo, curé de la paroisse Santo Nino à Midsayap, la ville avait été jusqu’à cette action terroriste “très tranquille”. Selon la police et l’armée, l’enquête a orienté ses premières investigations en direction d’“un problème interne à l’administration nationale de l’irrigation”. Les premiers éléments recueillis indiqueraient que ceux qui ont lancé les grenades se trouvaient parmi les fidèles rassemblés à la mosquée. La presse locale rapporte les propos de responsables de l’administration de la province de Nord-Cotabato selon lesquels l’affaire serait liée au licenciement récent de nombreuses personnes jusqu’ici employées par l’administration et à des luttes internes à l’administration de l’irrigation dans la région.

Pour le président de la Commission épiscopale pour le dialogue interreligieux, Mgr Antonio Ledesma, évêque d’Ipil, à Mindanao, il faut se garder de chercher des motifs religieux derrière l’attentat. Les raisons en sont politiques et l’on devra être très attentif à déjouer le danger de l’exploitation d’un tel acte, pour que la violence ne s’étende pas aux communautés religieuses. Interrogé à Rome par l’agence Fides, Mgr Ledesma s’est dit convaincu qu’il n’y avait pas de groupe chrétien derrière l’attentat. Selon lui, la reprise des négociations entre le gouvernement et la rébellion musulmane de Mindanao se précisant, certains éléments peuvent chercher à bloquer le processus de paix mais “je crois que, tous, nous feront de notre mieux pour que [l’attentat du 3 octobre] ne compromette pas les efforts de réconciliation en cours”. Les religions ne sont pas des causes de violence à Mindanao, a-t-il déclaré, ajoutant que la Semaine de la paix à Mindanao, organisée par la Conférence des oulémas et des évêques, se tiendrait comme prévue à la fin du mois de novembre prochain (1).

L’attentat de Midsayap contre une mosquée n’est pas une première à Mindanao. En avril dernier, dans la grande ville portuaire de Davao, trois mosquées avaient été endommagées par des bombes artisanales, des lancers de grenade et des tirs à l’arme automatique (2). L’enquête, qui est toujours en cours, indique, selon certaines sources, que l’armée est impliquée dans ces actes. En juillet dernier, les jeunes officiers qui ont dirigé une mutinerie à Makati City, centre financier de Manille, dénonçaient les ordres reçus à cette occasion, estimant que les manouvres de la hiérarchie militaire philippine visaient, en dressant les communautés les unes contre les autres à Mindanao, à accroître le sentiment général d’insécurité en vue d’obtenir une aide militaire accrue de la part des Etats-Unis (3).