Eglises d'Asie

A l’issue d’un nouveau procès, le tribunal populaire de Dak Lak inflige de sévères peines de prison à des militants montagnards

Publié le 18/03/2010




La presse officielle vietnamienne se fait de temps en temps l’écho de la répression qui s’exerce sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam depuis les troubles qui ont éclaté fin janvier-début février de l’année 2001. Plusieurs journaux vietnamiens (1) ont rapporté que, le jeudi 16 octobre dernier, le tribunal populaire de Dak Lak a condamné quatre militants montagnards à de lourdes peines de prison pour “avoir saboté l’unité nationale en créant de l’agitation dans la région”. Selon le quotidien de l’armée, les accusés appartiendraient au mouvement appelé “Dega” qui a pour objectif de créer un Etat indépendant regroupant les minorités ethniques des Hauts Plateaux montagnards.

Le terme “Dega” revêt aujourd’hui une grande variété de sens, à connotation variable selon les divers locuteurs. D’une façon générale, le terme au Vietnam renvoie à un certain type de protestantisme teinté d’aspirations politiques, mettant en cause l’absence de liberté religieuse et l’appropriation des terres montagnardes par la population majoritaire des Vietnamiens. Pour les théoriciens montagnards réfugiés aux Etats-Unis, le terme désigne l’ensemble des peuples minoritaires du Vietnam. La Sécurité vietnamienne désigne par là un mouvement de rébellion à l’Etat central utilisant la religion et les problèmes sociaux pour parvenir à ses buts. Ce mouvement “Dega” a pris la suite de l’ancien “FULRO” (Front uni de libération des races opprimées) qui a mené la résistance contre le pouvoir communiste jusqu’au début des années 1990. L’un des fondateurs de cette organisation, Kok Ksor, réfugié aux Etats-Unis, est aujourd’hui souvent cité dans les rapports de la police vietnamienne comme l’animateur principal de l’agitation sur les Hauts Plateaux.

Selon l’accusation rapportée par le Saigon Giai Phong, les anciens du Fulro, réfugiés aux Etats-Unis, “auraient pris contact, au cours des années 2000 et 2001, avec des mauvais éléments vivant à l’intérieur du pays dans le but de propager leurs idées, et d’inciter nos compatriotes appartenant à des minorités ethniques à manifester, semer le trouble et le désordre et exiger la création d’un Etat Dega indépendant”.

Le journal de l’armée populaire, le Quân Dôi Nhân Dân, relate que les trois condamnés appartiennent aux ethnies Ede et Jarai. Ils auraient incité des centaines de leurs compatriotes à quitter leur pays pour se réfugier au Cambodge. Ils auraient également forcé de nombreux Montagnards à faire allégeance au mouvement Dega. Celui qui semble être le principal accusé, appelé Y Kuo Bya ou encore Ama K’Nap, âgé de 48 ans, aurait eu chaque jour des contacts par téléphone portable avec le dirigeant du mouvement, Kok Ksor. Il a été présenté par l’accusation comme s’étant lui-même nommé “Gouverneur de l’Etat Dega”. Il a condamné à la peine la plus lourde : treize années de d’incarcération et quatre ans de résidence surveillée. Les trois autres ont été respectivement condamnés, l’un, Y He E ban, à douze ans d’incarcération suivis de quatre ans de résidence surveillée, l’autre, Y Jon E nuôi à onze ans de prison suivis de trois ans de résidence surveillée, le dernier, Y Bri E nuôi à dix ans de prison suivis de trois ans d’assignation à résidence.

Dans un document de six pages publié en annexe d’un rapport sur la répression des Montagnards des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, publié le 21 janvier 2003 (2), l’organisation Human Rights Watch avait dressé une liste partielle de soixante-dix Montagnards traduits devant des tribunaux populaires de Gia Lai, de Dak Lak, de Ayun Pah (Gia Lai) ou condamnés à des peines de prison (3). Ces jugements et ces condamnations, la plupart du temps signalés dans la presse officielle locale, se sont étalés de septembre 2001 à décembre 2002. Les peines infligées les plus graves avaient été de douze ans de prison. Généralement, les inculpés ont été condamnés à des peines allant de cinq à dix ans de prison. Un des derniers procès rapportés par la presse avant celui du 16 octobre dernier avait eu lieu au tribunal populaire de la province de Dak Lak, le jour de Noël, le 25 décembre 2002. Les huit Montagnards traduits devant les juges, avaient, à la même époque l’année précédente, été ramenés de force au Vietnam par les polices vietnamienne et cambodgienne, alors qu’avec 167 de leurs compatriotes, ils cherchaient refuge dans un camp de réfugiés au Cambodge. Un d’entre eux avait été condamné à dix ans de prison et quatre ans d’assignation à résidence, les autres à huit ans de prison et quatre ans d’assignation à résidence.