Eglises d'Asie

Au Japon, les universités catholiques abordent chacune de façon différente la question de leur identité

Publié le 18/03/2010




Avec l’augmentation de leur nombre passé de treize, il y a dix ans, à dix-huit aujourd’hui (1), se pose aux universités catholiques du Japon la question de savoir comment maintenir leur identité catholique. L’université Nanzan de Nagoya, animée par la Congrégation des Pères du Verbe divin, a transformé sa section de théologie en un “Département d’études chrétiennes avec l’idée de répondre à l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits dans cette section sans pour autant avoir le désir de devenir prêtres ou religieuses. Nanzan possède par ailleurs une faculté de théologie, approuvée par le Saint-Siège comme institut de préparation au sacerdoce (2).

Pour le P. Hans-Jurgen Marx, président de l’université, la crise des sociétés modernes est liée à la perte de sens moral. Par conséquent, “une des missions importantes des universités catholiques est d’initier leurs étudiants aux vertus de sincérité, de justice et de responsabilité et de les aider à développer en eux chaleur et compassion à l’égard des gens dans la peine”. La dignité de l’homme a toujours été au cour de nos programmes universitaires, explique-t-il. Nous demandons à tous nos étudiants de suivre des cours de religion ou en lien avec la dignité de l’homme. Dans la nouvelle faculté de droit qui s’ouvrira en avril prochain, tous les étudiants devront s’inscrire à ces cours.

L’université Eichi (‘Sagesse’) d’Osaka est le seul établissement de premier cycle universitaire (deux ans) du Japon géré par l’Eglise (en l’occurrence par le diocèse d’Osaka). Elle a la particularité d’accueillir les diplômés des lycées coréens qui n’ont pas les qualifications légales requises par l’Education nationale pour entrer dans les établissements d’Etat (3). Elle a prévu de transformer sa section de théologie, à l’exemple de Nanzan, en “Département des humanités chrétiennes” qui, espère-t-on, sera plus facile d’accès aux étudiants non catholiques. Un des maîtres assistants, le P. Takehiko Oda, explique que “cette réorganisation facilitera les conditions d’une meilleure entente entre les étudiants non catholiques et les catholiques”. Eichi a modifié sa déclaration d’intention initiale en y ajoutant une clause déclarant : “Se fondant sur l’engagement de l’Eglise catholique d’être du côté des plus faibles, nous tendons vers un monde de paix bâti sur la liberté, l’égalité et le respect des droits de l’homme, cherchant notre joie dans tout ce qui fait la valeur de la vie humaine.”

D’autres établissements de cycle universitaire court, comme l’université Junshin de Nagasaki, dirigée par l’Institut des Sours du Cour de Marie, restent attachés à leur positionnement initial. Les étudiants doivent étudier une introduction à la religion catholique et, dans le détail, connaître l’esprit qui a présidé à la fondation de l’école. Junshin a débuté comme un institut universitaire de premier cycle pour évoluer rapidement vers un institut de formation des éducatrices d’enfants en bas âge. En 1994, elle a ouvert un cycle de formation de travailleurs sociaux. D’après Sour Chizuko Kataoka, “nous voulons développer notre identité sur la base des valeurs universelles de l’Eglise catholique, sans nous laisser influencer par les tendances en vogue du moment.” Comme “point de contact” entre la société japonaise et l’Eglise, assure-t-elle, l’université “joue le rôle de levain dans la pâte en vue de l’évangélisation”.

La question de l’identité catholique paraît plus ambiguë chez les jésuites de l’université Sophia de Tôkyô. Depuis 2001, l’établissement mène une réforme à long terme appelée “Le grand plan”. Une partie de ce nouveau plan comporte la construction d’un nouvel édifice qui devrait être achevé en 2006. Pendant ce temps, un dortoir a été démoli et sera remplacé par des chambres individuelles. Le foyer de étudiants, “Jochi Kaikan lui aussi sera rasé. Il comportait une chapelle pour les étudiants, la chapelle St Aloysius, et une bibliothèque de livres catholiques, la Bibliothèque Saint Paul Miki. Rien n’a encore été prévu pour les remplacer. Pour ses grands rassemblements, l’université utilise l’église voisine de Kojimachi. Pourtant, le doyen de la faculté de théologie, le P. Sanji Yamaoka, considère la chapelle comme “une nécessité quotidienne”. Mis à part les grands événements, “il est important que les étudiants aient une chapelle où ils puissent entrer librement et prier en paix”. Masakuni Hoshino, président de l’Association des étudiants catholiques de Sophia, lui aussi émet quelques réserves : “‘Le grand plan’ peut convenir à la situation présente, mais je doute que ce plan réponde vraiment au rêve de St François Xavier de voir la Bonne Nouvelle largement répandue.”

En 1992, le nombre des étudiants inscrits dans les universités catholiques japonaises était de 30 092. Dix ans plus tard, le chiffre est de 38 116 (sur un total, en 2000, de 599 655 étudiants). Il n’existe pas de statistiques indiquant le nombre de catholiques parmi eux. Selon un responsable de la Conférence des évêques catholiques japonais, l’augmentation tant du nombre des universités catholiques que de celui de leurs étudiants est en partie dû au fait que les établissements de premier cycle universitaire (deux années d’études) ont reçu le titre officiel d’université. Davantage de jeunes, également, entrent à l’université et de nombreux adultes, plus âgés, reviennent à l’université reprendre des études. Les récentes études démographiques montrent cependant que le nombre des étudiants va en diminuant. Au Japon, en 2000, les jeunes âgés de 18 ans étaient de 1,59 million alors que les enfants âgés de 8 ans n’étaient que 1,21 million, illustration de la “très nette tendance à la baisse” des naissances.