Eglises d'Asie

Gia Lai : selon la presse officielle, les autorités locales auraient ramené sur le droit chemin une centaine de militants du protestantisme Dega

Publié le 18/03/2010




Depuis les troubles qui ont agité les ethnies minoritaires des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam au début février 2001 et leur exode vers le Cambodge ayant débuté peu après, une campagne de redressement politique est menée avec vigueur par les cadres politiques au sein de ces populations montagnardes. Selon la presse officielle, elle semble prendre aujourd’hui une ampleur inégalée. Trois des plus importants médias gouvernementaux viennent d’en faire état le même jour (1). L’organe du Parti communiste qui consacre à la rééducation politique des anciens rebelles montagnards une page centrale affirme que plus d’une centaine de militants de haut rang du protestantisme Dega (2) dans le district de Lala (appartenant à la province de Gia Lai dont le chef-lieu de province est Pleiku) ont reconnu publiquement que leurs convictions religieuses cachaient en réalité une attitude réactionnaire. “Devant la population, affirme le journal, ils ont avoué leurs fautes, se sont engagés à abandonner le protestantisme Dega, à assurer leur subsistance d’une manière honnête et, ainsi, à mener une vie prospère et heureuse.” Sans qu’on puisse l’affirmer, la phraséologie employée dans les trois articles suggère que les militants repentis ont été soumis à ce que l’on appelait autrefois des jugements populaires. “Pleins de repentir, souligne de presse vietnamienne, ils ont appelé leurs compatriotes à ne pas prendre le chemin de l’exode vers le Cambodge.”

Le morceau de bravoure des articles est constitué par la visite des journalistes auprès de la mère et des trois frères de Ksor Kok, dans la commune de Ama Ron. Selon les rapports de la presse officielle vietnamienne, Ksor Kok, ancien membre du directoire du FULRO, s’est exilé aux Etats-Unis, où il se serait autoproclamé chef de l’Etat Dega, censé regrouper toutes les ethnies minoritaires du Vietnam. Depuis le lieu de son exil, il animerait et dirigerait le mouvement, qualifié de réactionnaire, auquel ont collaboré en tant qu’adjoints les membres de sa famille, restés au Vietnam. Mais ceux-ci, rapportent les articles de presse, grâce aux conseils de la population et des responsables des organisations de masse, ont pu se rendre compte du vrai visage de leur grand frère et du protestantisme Dega. L’un des frères, Ksor Krok, aurait avoué avoir été trompé par les promesses des réactionnaires à l’étranger, lui assurant un poste, de l’argent et la vie facile pour lui et sa famille. Il serait convaincu aujourd’hui que l’Eglise protestante Dega est une organisation réactionnaire cherchant à désorganiser l’Etat et le peuple vietnamiens. Ksor Rni, un autre frères de Ksor Kok, aurait traversé illégalement la frontière vers le Cambodge puis, à son retour, se serait repenti. Les journaux vietnamiens rapportent ainsi la manifestation de son remords : “Je sais que pour le peuple, je suis un coupable. Aujourd’hui, je déclare abandonner le protestantisme Dega et conseille à ceux qui se sont trompés de chemin d’en faire autant…” La mère de Ksor Kok, Ksor Hble, se serait également livrée à des aveux de ce type et aurait déclaré que “ses enfants s’étaient laissés convaincre par les réactionnaires au détriment du peuple” (3).

Dans ces mêmes articles, on peut trouver également le récit des visites effectuées par les journalistes, sans doute en compagnie de divers représentants du pouvoir régional, dans d’autres districts de la province, comme celui de Chu Sê. Là se trouvaient vingt-huit autres militants repentis du protestantisme Dega, répartis dans divers villages. Selon le narrateur, ils revenaient tout juste d’une période de clandestinité dans la forêt, après avoir essayé de franchir la frontière du Cambodge et étaient encore remplis de crainte. Les cadres politiques auraient analysé et révélé pour eux les sinistres desseins et les mensonges des réactionnaires utilisant la religion pour semer la division et saboter l’unité nationale.

Quoi qu’il en soit de l’authenticité de tels aveux rapportés par la presse officielle, les récits qui en sont faits illustrent l’intensité de la pression qui s’exerce aujourd’hui sur plusieurs ethnies minoritaires des Hauts Plateaux et laissent entendre que l’exode de certains habitants des Hauts Plateaux vers le Cambodge se poursuit encore.