Eglises d'Asie

Le nouveau cardinal japonais, Mgr Stephen Fumio Hamao, parle de la santé du pape, de l’Eglise et du futur conclave

Publié le 18/03/2010




Le cardinal Stephen Fumio Hamao, président du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des itinérants, a rencontré les journalistes de l’agence Ucanews le soir de la célébration des vingt-cinq ans de pontificat du pape Jean-Paul II, le 16 octobre dernier. Quelques jours plus tard, il recevait les insignes de sa nouvelle dignité de cardinal, la barrette rouge et l’anneau (1). Devant les journalistes, le cardinal a dit son admiration pour la forte personnalité, le courage du pape et tout ce qu’il a fait pour l’Eglise malgré une condition physique préoccupante. “C’est pitié de le voir dans cet état. Il pourrait très bien se retirer, mais je ne crois pas qu’il le veuille.”

S’exprimant au sujet de la présence asiatique au sein de la Curie romaine, le cardinal Hamao a remarqué que seuls quatre Asiatiques y travaillent, lui-même étant le seul à la tête d’un dicastère. Il a exprimé le désir d’y voir davantage d’Asiatiques en position de responsabilité, comme cela avait été demandé lors du Synode des évêques pour l’Asie de 1998, expliquant : “L’Extrême-Orient est loin d’ici et nous avons peu de contacts. A Rome, ils ne connaissent pas grand chose de cette partie du monde.”

En 1998, lorsque le pape l’a appelé à la Curie, Mgr Hamao était évêque de Yokohama depuis dix-neuf ans et président de la Conférence des évêques japonais. Il pense que son élévation au cardinalat n’a rien à voir avec ses mérites personnels mais indique seulement la volonté du pape de souligner l’urgence des questions posées partout dans le monde par les migrants toujours de plus en plus nombreux.

Selon l’usage, Gunkasu Kano, ambassadeur du Japon près du Saint-Siège a demandé audience au cardinal pour lui présenter ses félicitations, lequel a avoué aux journalistes n’avoir rien encore reçu de la part de l’empereur du Japon qu’il connaît bien personnellement, puisqu’il lui avait enseigné le latin à l’époque où l’empereur n’était encore que prince héritier. Chaque année, le jour de son anniversaire, le 23 décembre, l’empereur reçoit ses anciens professeurs au palais impérial et le cardinal espère bien pouvoir le rencontrer à cette occasion.

Pour la prochaine élection du pape, l’Eglise du Japon aura deux électeurs, le cardinal Shirayanagi, archevêque émérite de Tôkyô, et le cardinal Hamao, lequel s’inquiète de ne pas assez bien connaître les 134 autres cardinaux électeurs, à part les Asiatiques, les Australiens, quelques Africains et les cardinaux de Curie. Mgr Hamao pense que le prochain pape “devrait ressembler à Jean-Paul II un homme qui comprenne bien les autres cultures, les autres religions et les coutumes des différentes nations. “L’évangélisation est vraiment importante a-t-il ajouté. C’est pourquoi il voudrait voir le nouveau pape ouvert à d’autres idées parce que “dialoguer avec d’autres religions est essentiel”.

A propos de l’insistance de certains, dont la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, à vouloir proclamer à temps et à contretemps que Jésus est l’unique Sauveur, le cardinal maintient qu’il s’agit-là d’un obstacle au dialogue entre les religions. “Ils ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas comprendre dit-il. Les catholiques croient que Jésus-Christ “est le seul Sauveur” et ils savent que la religion chrétienne “est une religion révélée, ce qui est vrai”, mais “il leur faut procéder graduellement”, parce que “la proclamation ne peut se faire que par paliers ».

A propos d’un nouveau pape, le cardinal voudrait qu’il soit “un homme ouvert, intelligent, accueillant à tous.quelqu’un qui nous écoute” et “qui veille à ce que la Curie romaine sache conforter les Eglises locales”. “La Curie romaine est là pour servir les Eglises locales, affirme-t-il, non pour leur donner des ordres ou les critiquer. Il nous faut encourager les Eglises locales, les écouter, entendre leurs problèmes et les aider dans leurs difficultés. Ce devrait être l’attitude de la Curie romaine et celle du Saint Père.” Mgr Hamao pense également qu’il serait “très important” que le futur pape ait une expérience pastorale d’évêque diocésain comme celle qu’avait Jean-Paul II. “L’expérience pastorale est un facteur très important dans le choix d’un nouveau pape dit-il.

Il serait bon, affirme-t-il encore, que le nouveau pape convoque un troisième Concile du Vatican. Les synodes des évêques “ne résolvent rien. Ils ne font juste que dire les mêmes choses – rien que des répétitions. Dans les synodes, les évêques font des propositions et le Saint Père publie une exhortation apostolique et puis, en fin de compte, rien n’est décidé”. De cette absence de résultats concrets à l’issue des synodes, le cardinal dit encore : “Je ne pense pas que cela soit dû au Saint Père. Mais le fait est que rien ne change dans les structures de l’Eglise. Ce qui ne renforce pas la foi.”

Mgr Hamao déclare qu’il partage les vues du cardinal Carlo Maria Martini, archevêque émérite de Milan, qui pense que “beaucoup de questions” sont apparues depuis la fin du Second Concile du Vatican, en 1965. Questions qui demandent d’être sérieusement débattues par l’ensemble des évêques de la planète réunis en concile, pour que des décisions appropriées soient prises. Le cardinal pense qu’un concile pourrait aborder le problème de la sensibilisation aux autres cultures, spécialement les cultures non chrétiennes d’Asie et d’Afrique. Le programme devrait inclure la question du dialogue avec les autres religions. “Bioéthique, clonage, respect de la vie, environnement et écologie” sont également des question à aborder.

Quand il lui faudra voter au prochain conclave, le cardinal Hamao affirme vouloir d’abord tenir compte de l’état d’esprit et des visions d’avenir du candidat possible plus que de sa nationalité. Il souhaite aussi que le nouveau pape soit polyglotte afin d’être plus facilement compris de tous.