Eglises d'Asie

Plus d’un an et demi après les troubles du Gujarat, l’inquiétude gagne à nouveau la communauté musulmane

Publié le 18/03/2010




L’anxiété s’est à nouveau emparée des esprits des musulmans du Gujarat après le nouvel affrontement violent qui, le 2 novembre dernier, a opposé à nouveau les deux communautés hindoue et musulmane et a laissé sur le terrain deux morts et quarante blessés (1). Le heurt a eu lieu à Viramgam, à environ soixante kilomètres au nord-ouest d’Ahmedabad, la capitale commerciale du Gujarat. L’incident à l’origine de ce nouveau heurt était sans proportion avec la violence qu’il a déclenchée. De tout jeunes joueurs de cricket musulmans ont lancé une balle sur le terrain jouxtant un temple hindou. Celle-ci aurait heurté le mur du temple. Quelques hindous se sont alors élancés contre les jeunes enfants. Lorsque les adultes sont entrés dans le cercle des combattants, ce commencement de bagarre s’est transformé en une mêlée générale et féroce mettant aux prises les deux communautés religieuses.

Mohammed Shoib Qadir, un des joueurs de cricket, âgé de 12 ans, est aujourd’hui soigné à l’hôpital pour des blessures provenant de coups de feu tirés par un ancien conseiller municipal hindou. Le jeune garçon blessé affirme que son groupe n’a rien fait pour provoquer les fidèles hindous. Lorsque les joueurs de cricket se sont présentés pour réclamer leur balle, les habitués du temple se sont regroupés autour d’eux pour les frapper. Des coups de feu ont été tirés aussitôt.

Abdul Razzak Tai, un musulman de la région, a déclaré que le récent affrontement est un stratagème monté de toutes pièces par les extrémistes hindous pour isoler les musulmans avant les élections générales de l’Etat qui auront lieu en 2004. “Je ne vois pas d’autre raison aux coups de feu tirés durant cette altercation, réaction sans proportion avec l’enjeu de cette dispute.” Un autre musulman, Allahrakha Ismail Mandli, dont l’hôtel a été, ces temps derniers, par trois fois, la cible de tentatives d’incendie volontaire, est persuadé, lui aussi, que les hindouistes s’efforcent d’une manière systématique de les chasser du pays, alors que, dit-il, ses coreligionnaires n’ont aucun lieu de refuge ailleurs. Babubhai Abubaker, un conseiller municipal, souligne que cette tentative de marginalisation de la population musulmane a commencé il y a deux ans, lorsque les hindous ont voulu leur interdire toute activité commune avec eux. “Comment cela serait-il possible, s’est-il exclamé, alors que nous sommes commerçants et que la coexistence est la clé de notre survie !” Beaucoup de musulmans se désolent de cet état de choses. Babubhai Mustafa, blessé par balles alors qu’il traversait le terrain de jeu, a confié : “La situation est de pire en pire. Et pourtant c’est de la violence que nous avons le moins besoin.” Depuis les émeutes de l’année dernière, uniquement pour cette région de Viramgam, quelque trente-huit échauffourées intercommunautaires se sont produites – aucune, cependant, d’une ampleur comparable à celle de la récente bagarre. Lors de l’avant-dernier incident, au mois d’août, un entrepreneur musulman, engagé par le gouvernement pour faire disparaître des carcasses d’animaux, a été chassé de la région sous prétexte qu’il tuait des animaux.

Cependant, du côté des militants hindouistes, on se dit encore sous le coup de la colère. Manubhai Patel, responsable régional du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), rejette la responsabi-lité des troubles du 2 novembre sur les musulmans. Il met en cause l’irrespect manifesté par eux à l’endroit du temple dans lequel ils jetteraient des ordures mais aussi à l’égard de leurs femmes qu’ils ennuieraient de leurs quolibets. Nous ne pouvions laisser faire cela sans réagir, a-t-il conclu.

Un des semeurs de troubles, dirigeant du VHP, accusé d’être à l’origine de la mort d’une des deux victimes du 2 novembre, a été arrêté par la police. D’une façon générale, les observateurs pensent que les vrais responsables de cette violence ne sont qu’une poignée de fanatiques habiles à remuer les passions. Cependant, ils ont réussi à envenimer grandement le climat intercommunautaire de la région. C’est ce que souligne l’inspecteur général adjoint de la police en affirmant que son principal travail aujourd’hui est de pacifier les rapports entre les deux communautés.