Eglises d'Asie – Indonésie
Un projet de loi sur l’harmonie interreligieuse soulève l’opposition des milieux religieux
Publié le 18/03/2010
Réunis les 22 et 23 octobre derniers dans une institution jésuite de la capitale, 84 intellectuels catholiques, législateurs et membres du clergé ont estimé que le projet, tel qu’il est actuellement rédigé, “ne sert pas les intérêts de toutes les religions en Indonésie”. “Discriminatoire, il représente un danger pour les relations interreligieuses ont-ils déclaré, estimant qu’un certain nombre des vingt-et-un articles du texte étaient très contestables. L’article 9 du projet de loi, par exemple, stipule que les aides financières venant d’institutions religieuses ou privées étrangères et destinées aux institutions religieuses indonésiennes doivent être approuvées par le gouvernement avant de pouvoir être acceptées ; de même, le recours à du personnel religieux étranger doit être approuvé par les autorités. L’article 15 du projet de loi pose comme principe général que les mariages doivent se faire entre personnes appartenant à une même religion ; dans le cas de mariages “mixtes”, l’acte doit être enregistré auprès d’une des deux religions impliquées, le choix incombant au couple. L’article 16 dit qu’un enfant ne peut être adopté que par une personne dont la religion est la même que celle d’au moins un des parents biologiques ; dans le cas où la religion des parents biologiques est inconnue, l’enfant adopté doit être élevé dans la religion qui est celle de la majorité de la population de la région où il est élevé.
Pour le P. Ignatius Ismartono, secrétaire exécutif de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, les évêques se déclarent opposés à ce projet de loi car ils estiment que “l’harmonie sans la liberté n’est certainement pas l’harmonie à laquelle l’homme aspire”. Il a ajouté que les évêques sont d’avis que “la religion, qui appartient à l’intime de chacun, ne doit pas être réglementée par le gouvernement la religion étant distincte de l’Etat, voire ne relevant pas de la sphère étatique. Les évêques souhaitent, a-t-il encore précisé, que les éventuels problèmes ayant trait aux questions interreligieuses soient traités selon les lois déjà en vigueur, sans qu’il soit nécessaire de légiférer à nouveau et spécifiquement. Les évêques voudraient que les différentes instances représentant chacune des religions produisent des règlements qui leur soient propres et qu’elles partagent des activités communes afin de développer la qualité de la vie sociale et religieuse dans le pays (1). En conclusion, le P. Ismartono a demandé aux responsables catholiques de faire pression sur les députés et sur le ministère des Affaires religieuses pour que soit abandonné ou au moins amendé ce projet de loi.
Le 26 octobre, Gregorius Seto Hariyanto, député du Parti démocratique pour l’amour de la nation, a estimé que le projet de loi, dans sa forme actuelle, était le produit du ministère des Affaires religieuses, la Constitution donnant aux ministères un droit d’initiative législative. Selon lui, toutefois, le texte ne parviendra pas jusqu’à la Chambre car il sera arrêté avant par la présidente, Megawati Sukarnoputri. La procédure normale prévoit en effet qu’avant l’examen par la Chambre des représentants, étape qui marque officiellement le début de la procédure législative, un projet de loi doit être paraphé par le président de la République qui dispose, en refusant son paraphe, d’un droit de veto sur l’initiative législative issue du gouvernement.
Avant même de connaître la position de la présidente sur ce projet de loi, des responsables religieux autres que catholiques ont dit leur opposition au texte. Le 23 octobre, le pasteur Isaak Lambe, secrétaire général de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, a déclaré que le projet, s’il était adopté, “ne créerait que des complications interreligieuses, sans améliorer la tolérance”. En outre, a-t-il ajouté, certaines de ses dispositions constituent des restrictions à la liberté religieuse. La Communion des Eglises d’Indonésie a dit vouloir renforcer la coopération avec les grandes organisations musulmanes pour rejeter le projet de loi. Quelques jours auparavant, le 15 octobre, le Suara Pembaruan (‘La voix du renouveau’), quotidien protestant édité à Djakarta, avait publié un entretien avec Syafi’i Ma’arif, président de la Muhammadiyah, où ce dernier disait que le pays n’avait pas besoin d’une telle loi mais devait s’attaquer à des problèmes plus urgents, tel celui de la corruption. Le 24 octobre, plusieurs jeunes kiai (professeurs d’islam) de la Nahdlatul Ulama se sont dits convaincus que le gouvernement voulait, en souhaitant une telle loi, restreindre la liberté de religion dont jouissent actuellement les Indonésiens.