Eglises d'Asie

Contraint à la démission, un ministre fédéral accuse les chrétiens d’avoir conspiré contre lui

Publié le 18/03/2010




Un membre du gouvernement fédéral, Dilip Singh Judeo, a dû démissionner, le 17 novembre dernier, de son poste de ministre de l’Environnement et des Forêts. Il a été forcé à ce geste après qu’un film vidéo l’eut montré apparemment en train d’accepter un pot de vin d’une compagnie multinationale, en récompense d’un droit d’exploitation de mine accordé à celle-ci pour les Etats de Chhattisgarh et d’Orissa. Dans son édition du 16 novembre, le journal The Sunday Indian Express s’était dit en possession du film en question. Un peu plus tard, celui-ci était projeté par une chaîne de télévision diffusée par satellite.

Cependant, le jour même, le ministre accusé tenait à Raipur, capitale du Chhattisgarh, une conférence de presse au cours de laquelle il rejetait l’accusation de concussion. Il a même déclaré : “Il s’agit là d’un complot monté par les missionnaires contre qui je mène campagne depuis des décennies.” Effectivement, il a souvent lancé de violentes diatribes contre les conversions au christianisme. Il a en particulier mis en ouvre un programme intitulé : “Ghar Vapisi” (‘Retour à la maison’), visant à “reconvertir” les chrétiens issus des minorités ethniques à l’hindouisme. Il s’est vanté d’avoir détourné ainsi des centaines de milliers de chrétiens hors du christianisme vers l’hindouisme. Avant de démissionner, il a mis en cause son rival direct du Parti du Congrès, Ajit Jogi, actuel ministre-président du Chhattisgar, qui se présentera à nouveau à ce poste lors des prochaines élections qui auront lieu en décembre 2003. Celui-ci aurait, selon les accusations de son rival, entièrement fabriqué le film vidéo au moyen de techniques modernes. Or, lors de ces élections, l’ancien ministre de l’Environnement sera le candidat officiel du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Sa démission, dit-on, lui aurait même été demandée par son parti pour mieux être élu en décembre.

Mgr Joseph Augustine, évêque de Raipur, s’est immédiatement élevé contre les accusations de l’ancien ministre, coutumier de ce genre de diatribes : “Il porte dans son sang la haine du christianisme et des missionnaires, a-t-il déclaré. Il est naturel pour lui de s’exprimer ainsi à l’égard de la communauté chrétienne.” Toute cette histoire, selon l’évêque, n’est qu’une manouvre politique qui ne s’achèvera que lorsque les objectifs visés seront atteints. A New Delhi, le porte-parole de la Conférence épiscopale, le P. Babu Joseph, s’est déclaré scandalisé de voir les missionnaires impliqués dans de telles allégations. Mais, selon lui, celles-ci ne visent qu’un but, détourner l’attention de l’opinion publique de la vérité, une affirmation qui a ensuite été confirmée par Ambika Sony, secrétaire générale du Parti du Congrès, lorsqu’elle a qualifié cette affaire de diversion tactique. Le P. Joseph a ajouté que l’accusation de corruption qui a été portée contre le politicien nationaliste hindou est grave et qu’elle devrait faire l’objet d’une enquête sérieuse, d’autant plus que la corruption dans la vie publique est un des maux les plus sérieux sévissant dans la société civile indienne.

Les réactions protestantes ont été aussi vigoureuses. “Vous ne pouvez rien reprocher aux chrétiens ! a répliqué au politicien le pasteur Enos Da Pradhan, secrétaire général de l’Eglise de l’Inde du nord, tout en soulignant que la vie politique en Inde avait besoin de beaucoup plus de transparence et d’honnêteté. L’évêque d’Indore dans le Madhya Pradesh, Mgr Laxman Medha, de cette même Eglise, reconnaît dans les accusations portées par Judeo la frustration d’un politicien en perte de vitesse, essayant de faire quelque chose pour redorer son image. “Il est malheureux, a-t-il conclu, qu’il se soit cru obligé de prendre les chrétiens pour cible.”