Eglises d'Asie

Manipur : un ministre de l’Etat, de religion catholique, pardonne aux meurtriers de sa fille de 8 ans assassinée au cours d’un enlèvement

Publié le 18/03/2010




Francis Ngajokpa, ministre catholique de l’Etat du Manipur, a publiquement déclaré pardonner aux assassins de sa fille âgée de huit ans, Elisabeth Lungnila. Celle-ci avait été enlevée dans son école le 4 novembre dernier. Huit jours plus tard, la police retrouvait son corps enveloppé dans un sac de jute, abandonné dans un marécage près d’Imphal, la capitale de l’Etat. Les auteurs de l’enlèvement, non identifiés jusqu’ici, avaient demandé un million et demi de roupies (30 000 euros) en rançon. Le ministre, qui est responsable de l’administration générale et des impôts, avait déjà fait parvenir un million de roupies en deux versements aux ravisseurs. Mais, selon la police, l’enfant avait été déjà tuée avant même le deuxième versement. Son corps, en effet, était déjà décomposé lors qu’il fut retrouvé au lendemain du deuxième paiement.

Francis Ngajokpa, un ancien séminariste, a déclaré à la presse qu’il pardonnait à ceux qui étaient impliqués dans ce crime et qu’il demandait que l’on mette un terme à l’instruction judiciaire ouverte : “Ma fille a déjà sa place auprès de Dieu. Puisse-t-il ne plus y avoir d’horrible crime de ce genre dans notre Etat ! Puisse le Prince de la paix prévaloir dans le Manipur ! s’est exclamé le ministre qui est aussi secrétaire de l’Union catholique panindienne, une association catholique de laïcs.

Le 13 novembre, les funérailles de Lungnila conduites par l’archevêque coadjuteur d’Imphal, Mgr Dominic Lumaon, ont été suivies par une foule de dix mille personnes. Selon un prêtre du diocèse, les cérémonies furent les plus imposantes jamais vues dans la diocèse. Bien que l’administration ait imposé un couvre-feu, au moment de l’inhumation, des gens continuaient d’affluer depuis les plaines et les montagnes de la région. Dans l’Etat de Manipur, les premières sont généralement habitées par des populations de religion hindoue tandis que les secondes sont occupées par des ethnies minoritaires, chrétiennes dans leur grande majorité, principalement baptistes. Selon une religieuse, responsable de l’école d’Imphal où étudiait la jeune victime, les participants du cortège funèbre venaient de tous les secteurs de la région et appartenaient à toutes les religion, castes ou ethnies. “Le meurtre d’une petite fille innocente a uni la population de cet Etat, où les enlèvements pour rançon sont malheureusement monnaie courante a-t-elle conclu. En effet, au cours de l’enterrement, on s’est souvenu que, dans l’Etat, depuis 1990, six prêtres catholiques avaient été assassinés, de nombreux autres enlevés, des institutions catholiques forcées de payer des taxes aux divers groupes d’insurgés (1).

La mort de Lungnila a grandement ému le monde scolaire. Le 19 novembre, des cérémonies à sa mémoire ont été célébrées dans l’école dont elle avait été l’élève, avec la participation de l’archevêque d’Imphal, ainsi que dans d’autres établissements scolaires. Quelque temps auparavant, un jour après l’enlèvement de Lungnila, des milliers d’élèves avaient déserté les classes pour manifester ici et là à travers le Manipur. Ils avaient occupé la majorité des rues d’Imphal et bloqué les routes pendant plusieurs heures, affirmant qu’ils ne rejoindraient leurs écoles qu’une fois que Lungnila serait libérée. A Imphal, les étudiants ont résolu d’élever un mémorial à son souvenir sur la place la plus importante de la ville.

Les résultats de l’enquête policière sont pour le moment peu satisfaisants. La mort de la jeune victime est attribuée à l’“inexpérience” des auteurs de l’enlèvement qui lui ont sans doute donné la mort en voulant l’anesthésier. Aucune contusion n’a été relevée sur son corps par les médecins qui l’ont examinée. Des praticiens susceptibles d’avoir prescrit le produit anesthésiant ont été placés en garde à vue par la police. Au total, quelque seize personnes ont été arrêtées en relation avec cette affaire. On pense également que les auteurs de l’enlèvement et du meurtre appartiendraient à deux bandes différentes et seraient des anciens membres de groupes belligérants de la région.