Eglises d'Asie

Récemment nommé cardinal, Mgr Telesphore Toppo défend l’Eglise catholique contre les accusations portées contre elle par l’extrême droite hindoue

Publié le 18/03/2010




“Le pape et les missionnaires chrétiens encouragent les conversions religieuses en vue de saper l’intégrité de la nation indienne.” De telles affirmations sont fréquentes dans la bouche des dirigeants de l’extrême droite hindouiste, qui s’affirment persuadés que les conversions font partie d’une conspiration étrangère destinée à transformer l’Inde en nation chrétienne. Cependant, ce qui distingue les dernières déclarations de K.S. Surdashan, le principal responsable du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS), ce sont les précisions qu’il a ajoutées en matière de programmation et de lieu, lors d’un rassemblement de son groupe, le 9 novembre dernier, à Ranchi, la capitale de l’Etat du Jharkhand. Ces propos ont été tenus quelque temps après la nomination par le pape d’un enfant de cet Etat à la dignité du cardinal, Mgr Telesphore Toppo, archevêque de Ranchi, lui-même issu d’une minorité ethnique de la région (1).

Bien que le dirigeant du RSS n’ait pas directement mentionné cette nomination papale, il a expliqué que les chrétiens ont tourné leur attention vers les nations en voie de développement depuis que leur Eglise doit faire face en Occident à une pénurie aiguë de prêtres. Les activités de prosélytisme se seraient accélérées en Inde après l’appel lancé par le pape à une “moisson des âmes” pour le troisième millénaire. L’expression citée par le fondamentaliste hindou était puisée dans Ecclesia in Asia, document de conclusion du Synode des évêques pour l’Asie, rendu public par le pape à New Delhi durant sa visite en Inde de 1999 (2). A l’appui de son propos, Sudarshan a affirmé que, chaque fois que les hindous étaient devenus minoritaires dans une région de l’Inde, ou bien celle-ci avait fait sécession ou bien elle était devenue un grand problème pour le pays. Comme beaucoup d’autres dirigeants de formations de l’extrême droite hindoue, le chef du RSS continue à déplorer la séparation du Pakistan à majorité musulmane de l’Inde à majorité hindoue. Il a coutume de mettre en garde contre les mouvements sécessionnistes du Nord-Est de l’Inde qui selon lui pourraient préluder à une nouvelle division du pays. Il accuse le christianisme d’encourager les troubles dans cette région où trois des cinq Etats sont à majorité chrétienne. Sudarshan a même averti qu’en l’année 2060, l’hindouisme pourrait bien devenir une religion minoritaire en Inde.

Une première réponse a été donnée au dirigeant fondamentaliste indien par le porte-parole de la Conférence épiscopale, le P. Babu Joseph. Il a souligné que l’action de l’Eglise dans la région était transparente et que les arrière-pensées qu’on lui prêtait illustraient seulement l’état d’esprit de celui qui les inventait de toutes pièces. Il a fait remarquer que ces accusations mettaient en relief l’implantation profonde de l’Eglise dans l’existence des populations du pays, son engagement pour les droits sociaux et politiques des minorités.

Une deuxième réplique a été faite par le cardinal Toppo, indirectement visé par la diatribe du dirigeant hindouiste. Les propos de ce dernier ne l’étonnent pas, a-t-il affirmé, et l’Eglise ne devrait pas s’en inquiéter outre mesure. Ensuite, il lui a demandé quelle était la nature de son intérêt pour l’amélioration du sort des minorités ethniques. A ce propos, il a affirmé que personne ne s’était préoccupé de ces populations jusqu’à ce que les missionnaires viennent dans la région, il y a environ cent cinquante ans. “Où étaient donc les groupes hindouistes, lorsque les populations minoritaires étaient en proie au dénuement, à la famine et à l’analphabétisme ? s’est-il exclamé. Le cardinal a ajouté en privé que, pendant des siècles, les hautes castes indiennes avaient dépouillé la population locale de leurs droits sociaux, culturels et économiques. Il a expliqué que, si les dirigeants hindous parlent en leur faveur aujourd’hui, c’est par intérêt politique et pour que survive leur système.

L’ouvre pastorale du cardinal Toppo dans son archidiocèse de Ranchi a été marquée par l’attention qu’il a portée aux problèmes concrets de la population chrétienne. Il a souvent pris la défense des ethnies minoritaires et défendu publiquement leurs droits (3). Ce n’est pas la première fois qu’il lui est arrivé de se heurter de front aux attaques et aux accusations des fondamentalistes hindous (4).