Eglises d'Asie

Selon un récent sondage, l’électorat musulman est majoritairement favorable à des formations politiques modérées

Publié le 18/03/2010




Selon un récent sondage dont les résultats ont été publiés dans le Jakarta Post du 19 novembre dernier, l’électorat musulman se déclare majoritairement en faveur des formations politiques modérées. Conduite du 1er au 20 août dernier par l’Institut indonésien de sondages, cette étude montre que les partis démocratiques, pluralistes et modérés remportent beaucoup plus largement l’adhésion des électeurs musulmans que les formations politiques qui fondent leur plate-forme électorale sur l’instauration d’un Etat islamique en Indonésie (1).

Sur les 2 240 personnes interrogées, 1 996, ou 89,1 %, étaient de religion musulmane. Parmi elles, 49,8 % se sont déclarées comme des musulmans “pieux” (‘), les 50,2 % restant se classant parmi les musulmans “laïques” (‘). La distinction proposée aux personnes sondées entre musulmans “pieux” et musulmans “laïques” était fondée sur la fréquence avec laquelle elles priaient, jeûnaient, lisaient le Coran et participaient à des discussions religieuses et des assemblées de prière.

Parmi les musulmans “pieux une courte majorité (un peu plus de 51 %) se dit décidée à voter pour les partis nationalistes, non religieux, tels le Golkar (34,6 %), le parti de l’ancien président Suharto, et le PDI-P (14 %), le parti de l’actuelle présidente Megawati Sukarnoputri. Ils ne sont que 21,4 % à accorder leurs suffrages aux partis appelant à l’application de la charia, soit le PPP (Parti pour le développement uni), le PBB (Parti du croissant et de l’étoile) et le PKS (Parti pour la justice et la prospérité).

Parmi les musulmans “laïques 38,9 % des sondés sont favorables au Golkar et la proportion des partisans du PDI-P grimpe à 30,5 %. Le PPP recueille 11,2 % des intentions de vote et le PKB (Parti du réveil national), parti lié à la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, attire 7,8 % des suffrages.

Rapportés à la totalité de l’échantillon sondé, les partis qui se sont positionnés clairement comme des partisans de la charia, le PPP, le PBB et le PKS, ne recueillent que 14 % des intentions de vote et, selon l’institut de sondage, n’ont donc pas les moyens de remporter à eux seuls la majorité des voix lors des élections de 2004. L’attitude de l’électorat musulman présente donc un fort contraste avec celle de 1955 (les dernières élections démocratiques avant celles de 1999) où les partis islamiques – au sens large – avaient remporté un peu moins de 44 % des suffrages, mais n’a pas vraiment évolué par rapport au scrutin de 1999 où les partis islamiques n’avaient pas opéré de percée marquante. Selon l’institut de sondage, des leaders identifiés comme des militants de la cause musulmane tels que Yusril Ihza Mahendra, président du PBB, ou même Amien Rais, président du PAN (Parti du mandat national), sont moins populaires auprès de l’électorat musulman que des personnalités nationalistes telles le ministre des Affaires politiques et de la Sécurité, Susilo Bambang Yudhoyono.

Au palmarès de la popularité auprès des musulmans “pieux Susilo Bambang Yudhoyono, avec 13 % de partisans, dépasse d’une courte tête Megawati (11,6 %), l’ancien président Abdurrahman Wahid, du PKB (11,1 %), le président du PPP Hamzah Haz – actuel vice-président de la République d’Indonésie – (9,2 %) ainsi que Yusril Ihza Mahendra et Amien Rais (respectivement, 7,9 % et 7,7 %).

Selon l’institut de sondage, la non-percée des partis islamiques peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Trente années de pouvoir autoritaire, sous le régime Suharto, ont contribué à affaiblir la demande d’instauration de la charia dans le pays. L’influence de la Nahdlatul Ulama et de la Muhammadiyah ont été grandes : considérées comme modérées car acquises à l’idée que l’islam est compatible avec la démocratie et ne réclame pas forcément l’instauration d’un Etat islamique, ces institutions ont permis l’essor d’une pensée pluraliste en leur sein. Enfin, l’existence de penseurs modérés, tels Nurcholish Madjid ou Abdurrahman Wahid, et de cercles comme le Réseau libéral musulman, a également joué un rôle dans ce phénomène. Selon l’institut, les groupes extrémistes, “anti-démocratiques et anti-nationalistes ne représentent pas plus de 2 % des 214 millions d’Indonésiens et ne sont pas propres à l’univers musulman.