Eglises d'Asie

Dans le bouddhisme japonais, la tradition millénaire du pèlerinage est toujours vivace et s’accommode volontiers des méthodes les plus modernes

Publié le 18/03/2010




La tradition millénaire du pèlerinage est toujours aussi vivace au Japon et, si les dévots pèlerins continuent toujours d’arpenter à pied les routes du Shikoku, deux innovations dues à la technique moderne leur rendent l’entreprise plus facile : le pèlerinage par procuration et la visite virtuelle des sanctuaires par un simple clic de souris d’ordinateur.

Le pèlerinage sur les routes du Shikoku, la plus petite des quatre principales îles du Japon, a été initié au IXe siècle par le célèbre moine itinérant Kobo Daishi. Un chemin difficile et sinueux qui s’étend sur 1 450 km. et qui, en finale, selon les croyances bouddhiques, permet aux pèlerins d’échapper au cycle redouté de la réincarnation. D’après les vainqueurs de l’épreuve pédestre, il faut compter de deux à trois mois de marche et au moins 500 000 yens (4 000 euros) de frais divers.

Aujourd’hui, il est toutefois possible de s’affranchir de la peine physique accompagnant inévitable-ment un tel périple. Eiichi Tabuchi, animateur d’un site Web, propose des pèlerinages par procuration en voiture avec visite des quatre-vingt-huit temples traditionnels grâce à un délégué qui fera le pèleri-nage à la place de son client en vingt jours et pour une somme allant de 148 000 à 328 000 yens par personne. Les coûts varient suivant que le client pèlerin souhaite un simple livre ou un rouleau pour recevoir les tampons rouges apposés par le bonze de service dans chacun des temples visités, qui sont autant de preuves que le mandataire a vraiment accompli son devoir. “Nous avons eu une trentaine de demandes l’an dernier, explique Eiichi Tabuchi qui, en même temps, dirige une société de rénovation d’habitats à Tokushima, lieu de départ du pèlerinage. La plupart de nos clients ont 50 ans ou plus et ne peuvent pas eux-mêmes se rendre dans les sanctuaires, surtout pour des raisons de santé ».

D’après le bureau de liaison des sanctuaires disséminés dans tous les départements de l’île, Tokushima, Kochi, Ehime et Kagawa, ils sont près de 150 000 pèlerins chaque année à faire le pèlerinage à pied. On peut les voir sur les routes du Shikoku récitant des versets bouddhistes, revêtus du “hanten”, courte blouse traditionnelle de coton blanc, coiffé du chapeau conique, un bâton à la main muni d’une clochette. “Vous ne pouvez pas faire ce pèlerinage si vous manquez de forme physique, de temps ou d’argent explique Kazumi Kobayashi qui, pour sa part, propose un pèlerinage de substitution sur Internet. Kobayashi est un vendeur de voitures de 44 ans qui dit avoir découvert qu’on pouvait accomplir un pèlerinage à la place de quelqu’un d’autre à la mort de son père, il y a trois ans de cela : “Quand j’ai appris que mon père, qui souffrait de démence sénile, n’avait plus que quelques mois à vivre, j’ai beaucoup regretté de n’avoir rien fait de bien pour lui.” Comme dernier acte de piété filiale, il décida alors d’entreprendre le pèlerinage à cause d’une croyance populaire qui dit que si, à votre mort, vous êtes revêtu du “hanten” couvert des quatre-vingt-huit tampons rouges, vous allez tout droit au paradis. Kobayashi a mis deux semaines pour arriver à les collectionner tous pour le “hanten” de son père. “J’ai achevé le pèlerinage deux mois avant sa mort et il a été incinéré revêtu de son hanten. Nos voisins ont été impressionnés de le voir ainsi, ce qui m’a fait réaliser que bien des personnes âgées souhaiteraient pouvoir accomplir ce pèlerinage.” Il demande donc 137 000 yens pour un “hanten” blanc couvert des quatre-vingt-huit tampons rouges, 149 000 yens s’il est accompagné du livre portant les précieux tampons et 179 000 yens si, au lieu du livre, c’est un rouleau qui reçoit les tampons.

Quant à ceux qui n’ont pas assez d’argent pour s’offrir un pèlerinage même par procuration, ils peuvent toujours se rabattre sur le monde virtuel. Un logiciel, Ohenro-san Game (‘Le jeu du ), a été lancé en avril dernier par la société Pin Change, filiale du géant électronique grand public Matsushita Electric Industrial. Les vues des quatre-vingt-huit temples défilent sur un écran de télévision pendant que vous marchez sur un tapis roulant ou que vous poussez le bouton de votre console Nintendo. Depuis son lancement, il s’en est vendu près de 3 000, surtout acquis par des personnes âgées de plus de cinquante ans, précise Akihiro Tateno, porte-parole de la firme. Pour 12 800 yens, le modèle de base, sans tapis roulant, est livré complet, podomètre compris. “Beaucoup de gens d’un certain âge veulent partir en pèlerinage mais peu parviennent à réaliser leur rêve. C’est pourquoi nous avons décidé de leur offrir cette expérience virtuelle avec, en plus, un peu d’exercice physique pour leur hygiène de vie ajoute Akihiro Tateno.