Eglises d'Asie

Kerala : les résultats d’une enquête menée par un prêtre confortent la lutte de paysans pauvres contre la présence d’une usine Coca Cola qui épuise les ressources locales en eau

Publié le 18/03/2010




Une étude sur l’environnement réalisée par un prêtre catholique est appelée à jouer un rôle de premier plan dans le conflit qui oppose aujourd’hui des paysans pauvres indiens à la firme internationale Coca Cola à propos de l’eau du village de Plachimada situé auprès de la ville de Palghat, dans l’Etat du Kerala. Depuis plusieurs mois, en effet, sous la conduite d’un militant d’une ethnie minoritaire, Velloor Swaminathan, des protestations quotidiennes sont organisées sur place contre l’usine de mise en bouteille Coca Cola, qui, selon la population locale, divers experts et la récente enquête, épuise les ressources en eau de la région. De plus en plus de militants politiques et écologistes du pays tout entier viennent se mêler à ces manifestations.

Le P. George Pulikuthiyil, Carme de Marie immaculée (CMI) (1), responsable d’une organisation de service social, appelée Jananeethi (‘Initiative du peuple pour la justice’), a été à l’origine d’une enquête portant sur la déperdition de l’eau, attribuée au fonctionnement de l’usine. Les conclusions de l’enquête ont été accablantes pour les fabricants de la boisson américaine. Elles mettent en évidence de graves violations commises contre l’environnement de la région et les droits élémentaires de la population. Dans le rapport de onze pages rédigé à la suite de l’enquête, accroché aujourd’hui au mur d’une chaumière qui sert de quartier général aux protestataires, on peut lire que, dans un rayon de deux kilomètres autour de l’usine, les nappes d’eau souterraines sont aujourd’hui asséchées, privant plus de 2 000 personnes de l’usage de l’eau, aussi bien pour les travaux des champs que pour la consommation domestique. Tout ceci était d’ailleurs bien connu de la population locale dès avant la parution du rapport. Le chef du village a déclaré, que 24 heures avant que Coca Cola n’ouvre son usine, on pouvait encore se servir de la pompe d’irrigation à volonté. Mais, ensuite, l’eau est venue à manquer dans la plupart des puits et des sources.

Le P. Pulikuthiyil avait pris contact avec le village dans l’exercice de ses activités au sein de l’organisation dont il est responsable. Il y était venu plusieurs fois et avait été frappé par la misère engendrée chez les paysans du lieu par la présence d’une usine qui, sans vergogne, absorbait toute l’eau de la région. Ce sont des militants issus des ethnies minoritaires qui lui ont demandé de mener son enquête. Il a réuni alors une équipe d’experts qui ont fait l’inspec-tion des sources d’eau privées et publiques situées autour de l’usine et ont recueilli une série d’échantillons. Outre la pénurie d’eau, les enquêteurs ont également constaté que les puits de Plachimada étaient hautement pollués. Ils y ont relevé un taux d’alcalinité et de chlorure anormal rendant l’eau impropre à la consommation ordinaire.

Il y a aujourd’hui plus de trois ans que la firme américaine a construit son usine de mise en bouteilles au milieu du village sur plus de seize hectares. La population qui compte 1 000 foyers dont deux cents familles appartenant à des ethnies minoritaires a, au début, favorablement accueilli l’implantation de l’usine qui embauchait quelque 250 ouvriers dans la population locale et, de plus, fournissait de la boue pour fertiliser les terres. Cependant, les villageois se sont rapidement aperçus que, dans beaucoup de puits du village, l’eau devenait trouble et saumâtre. Les femmes se sont alors vues obligées de marcher plus d’un kilomètre pour puiser de l’eau potable dans des endroits non pollués. La production de riz dans les champs a baissé d’une manière catastrophique. Certains champs n’ont plus fourni que 5 % du rendement des années précédentes. En outre, les résultats d’une analyse effectuée en juillet dernier par la BBC sur des échantillons de la boue fournie par l’usine en guise d’engrais pour les champs des paysans ont révélé que celle-ci contenait des substances toxiques comme le cadmium pouvant avoir des conséquences désastreuses sur les terres et sur la santé des êtres humains.

Le responsable de la branche indienne de Coca Cola a opposé un démenti aux accusations selon lesquelles, l’usine asséchait les ressources d’eau de la région. D’après ses déclarations, l’usine fonctionne selon les directives données par le gouvernement indien. Il a ajouté que sa compagnie était prête à mettre en place une usine de traitement des eaux de pluie pour résoudre la pénurie d’eau subie par la population.

La cause des villageois de Plachimada est aujourd’hui soutenue par de nombreux militants et organismes. Ceux-ci ont projeté de tenir un séminaire à l’intérieur même du village sur le problème de l’eau dans les campagnes indiennes. Il aura pour objectif de mettre en valeur la lutte menée aujourd’hui par les paysans pauvres pour l’utilisation de l’eau et pour leur survie dans l’Inde toute entière.