Eglises d'Asie

La présidente des Philippines a annoncé qu’elle mettait fin au moratoire sur les exécutions capitales

Publié le 18/03/2010




Dans un contexte marqué à la fois par la préparation des prochaines élections présidentielles et par une recrudescence des enlèvements pour rançon frappant en priorité les membres aisés de la communauté sino-philippine (1), la présidente Gloria Macapagal-Arroyo a annoncé le 5 décembre dernier qu’elle ne s’opposerait désormais “plus aux exécutions capitales programmées par les tribunaux pour le mois de janvier 2004” car elle ne souhaitait pas ignorer “l’appel à une application juste de la loi”. Intervenant à peine une semaine après que divers groupes eurent demandé que le moratoire institué en mars 2000 par le président Joseph Estrada (2) et confirmé ensuite en octobre 2002 par la présidente Arroyo (3) soit levé, cette décision a amené les responsables de l’Eglise catholique à redire “encore plus vigoureusement” qu’auparavant leur ferme opposition à la peine de mort.

Par un communiqué daté du 7 décembre, la présidente a précisé que les kidnappeurs et les gros trafiquants de drogue devront “définitivement” faire face à la peine capitale. Selon un porte-parole de la présidence, deux kidnappeurs dont l’exécution est prévue pour le 30 janvier 2004 seront les premiers à subir la conséquence de la fin du moratoire. Selon les chiffres de l’administration pénitentiaire, 981 condamnés à la peine capitale vivent aujourd’hui dans les couloirs de la mort des prisons philippines.

L’annonce de la nouvelle a provoqué des réactions aux Philippines. Selon le P. Roberto Olaguer, curé de la paroisse Ina ng Awa (‘Mère de miséricorde’), sise au cour d’un important complexe pénitencier à Muntinlupa, le moral des condamnés a chuté brutalement. Tandis que se préparait Noël dans la prison, “l’effervescence qui caractérise cette période de l’année n’est plus a rapporté le 7 décembre le P. Olaguer. Le lendemain, 8 décembre, Mgr Fernando Capalla, président de la Conférence épiscopale, a réaffirmé que l’Eglise était contre la peine de mort. Il a précisé que les évêques respectaient “le droit et les prérogatives de la présidente de protéger l’ordre public ainsi que son droit à changer d’avis allusion aux changements d’opinion de Gloria Arroyo qui s’était, par le passé, proclamée résolument opposée à la peine de mort avant de changer d’avis (4) et allusion sans doute également au fait que la présidente, qui est candidate à sa propre succession, avait déclaré en décembre 2002 qu’elle ne se représenterait pas devant les électeurs – avant, dix mois plus tard, de changer encore d’avis (5).

Du côté de certains responsables de la communauté sino-philippine, le ton était différent. Joaquin Sy, un des principaux militants de la coalition “Action des citoyens contre le crime un groupe d’intérêts favorable à la peine de mort, s’est félicité de la décision présidentielle. Selon lui, cette mesure ne doit pas être perçue comme une concession faite aux Sino-Philippins et ne fait qu’appliquer une disposition législative de 1994. L’appel à l’application de la peine de mort, a-t-il expliqué, vient du fait que les kidnappeurs se permettent désormais toutes les audaces et que, depuis août dernier, il n’y a pas un seul jour sans qu’un nouveau cas ne défraye la chronique. “Un diction chinois dit : ‘A temps extraordinaire, mesures extraordinaires’ a-t-il ajouté.

Du côté de la Coalition contre la peine de mort, animée par le P. Silvino Borres, les interrogations étaient nombreuses. Comment la présidente allait-elle pouvoir justifier sa position au sujet des exécutions “sélectives” car sensées ne s’appliquer qu’aux kidnappeurs et aux gros trafiquants de drogue ? Les victimes des enlèvements étant principalement les familles “riches s’est interrogé le P. Borres, “qu’en sera-t-il des pauvres, victimes de crimes tout aussi atroces ?” Selon un responsable de cette Coalition, les raisons qui ont motivé la décision de la présidente peuvent légitimement être questionnées, les sondages les plus récents indiquant que sa candidature ne se situe qu’à la troisième place, derrière un autre candidat et surtout derrière Fernando Poe Jr., le très populaire acteur de cinéma qui a déclaré sa candidature à la magistrature suprême le 26 novembre dernier (5).