Eglises d'Asie

Ouverture à Rome du procès de béatification de 124 martyrs coréens

Publié le 18/03/2010




Dans les premiers jours du mois de décembre, la Commission pour les béatifications et les canonisations de la Conférence des évêques catholiques de Corée a annoncé que Rome avait donné son accord pour l’ouverture du procès de béatification de 124 martyrs coréens, morts en « haine de la foi » en 1791. On se souvient qu’en 1984, le pape Jean-Paul II, en visite en Corée du Sud, avait canonisé à Séoul 103 martyrs de l’Eglise de Corée. Pour les responsables de la Commission épiscopale coréenne responsable de ce dossier, l’ouverture de ce nouveau procès consacre un important et difficile travail de documentation et marque une étape dans l’appropriation par les catholiques coréens de l’histoire de leur Eglise.

Afin d’aider le « postulateur » de la cause de ces 124 martyrs, qui instruira le procès à Rome, la Commission épiscopale coréenne a nommé un comité d’historiens qui servira de « consulteur » auprès de la Congrégation pour la cause des saints. Ce comité sera présidé par le professeur André Kim Jin-so, directeur de l’Institut de recherche sur l’histoire de l’Eglise en Corée, et rapportera le détail du martyre des 124 catholiques morts pour leur foi. Ces 124 martyrs ont été choisis sur une première liste de 222 noms proposés par les diocèses sud-coréens (1). Il s’agit de Paul Yun Ji-chung et de ses compagnons – dont un prêtre chinois, le P. Zhou Wen-mo -, considérés comme les premiers martyrs de l’Eglise de Corée.

En 1791, Paul Yun Ji-chung, membre d’une famille de la noblesse convertie au christianisme, refusa à la mort de sa mère que celle-ci fût inhumée selon les rites confucéens et les usages traditionnels. Les autorités de l’époque firent une enquête qui déboucha sur une persécution étendue à tous les chrétiens, connue depuis sous le nom de persécution de Sin-hae. Paul Yun Ji-chung fut le premier martyr coréen issu d’une famille de rang social élevé, de nombreux autres nobles convertis étant mis à mort ou devant prendre la fuite en Chine. Le gouvernement affirma que le christianisme était un « culte mauvais détruisant les relations humaines et l’ordre moral traditionnel. Cette première persécution devait être suivie de quatre autres : celle de Shinyu en 1801, celle de Gyhae en 1839, celle de Byung-o en 1846 et celle de Byung-in en 1866. L’Eglise de Corée estime que 16 000 chrétiens furent mis à mort durant ces années (dont un certain nombre de missionnaires étrangers, particulièrement des prêtres des Missions Etrangères de Paris (2)). La communauté catholique survécut dans la clandestinité jusqu’en 1890, date à laquelle elle obtint la liberté de culte (3).

Pour le P. Peter Yoo Han-young, secrétaire de la Commission pour les béatifications et les canonisations de la Conférence épiscopale, l’ouverture du procès des 124 martyrs marque une étape importante dans le processus en cours par lequel l’Eglise de Corée cherche à écrire son histoire. Fondée en 1777 lorsque quelques lettrés confucéens se sont mis à suivre la religion chrétienne après avoir lu des livres catholiques rapportés de Pékin, l’Eglise de Corée est une Eglise jeune dont les premiers temps ont été très rapidement marqués par la persécution. Depuis quelques années, ses responsables mènent un travail de recherche visant à rassembler les documents concernant son histoire, dispersés de par le monde et conservés dans des bibliothèques nationales ou dans les archives d’instituts missionnaires (4). Pour le P. Peter Yoo, le fait que les enquêtes sur les 124 martyrs ont été conduites par l’Eglise de Corée elle-même « montre qu’elle est enfin capable d’étudier sa propre histoire ».