Eglises d'Asie

Selon certains prêtres de l’Eglise catholique, la candidature de l’acteur de cinéma Fernando Poe Jr. aux présidentielles ne doit pas être dénigrée mais comprise pour ce qu’elle représente

Publié le 18/03/2010




Depuis que le très populaire acteur de cinéma Fernando Poe Jr. a annoncé le 26 novembre dernier sa candidature aux élections présidentielles de l’an prochain, les commentaires vont bon train aux Philippines sur les qualifications – ou plus exactement l’absence de qualifications – de cette personnalité pour diriger la nation. Nombreux sont ceux, parmi les élites traditionnelles, qui ont immédiatement souligné que cet acteur, qualifié par un journal local de “version locale du très hollywoodien John Wayne n’avait pas la carrure d’un futur président, n’ayant même pas terminé ses études secondaires et n’ayant jamais occupé de responsabilité élective ou de poste dans l’administration (1). Face à ces propos, certains membres de l’Eglise catholique ont mis en garde contre le danger qu’il y a à écarter cette candidature et à la dénigrer d’emblée.

Selon le P. Jose Dizon, responsable de Kairos Philippines, un mouvement du renouveau charismatique, les rivaux si bien “formés” et membres de “l’élite” font une erreur en essayant de discréditer la candidature de F. Poe en insistant sur son échec scolaire et une carrière uniquement consacrée au cinéma. Il explique que les gens de la rue qui portent F. Poe au pinacle se sentent “blessés” par une telle attitude. De nombreux Philippins qui ont en commun avec F. Poe un manque de formation et une absence d’expérience professionnelle dans les métiers “nobles” s’identifient à la star de cinéma qu’ils connaissent par ses films. Le P. Dizon rapporte ainsi avoir vu un conducteur de cyclopousse s’être senti personnellement “insulté” lorsque des hommes politiques ont dénigré sur un plateau de télévision les faibles qualifications académiques de F. Poe. Selon le prêtre catholique, F. Poe est d’autant plus populaire que les pauvres peuvent s’identifier aisément à son personnage. Selon le Bureau national des statistiques, 30,8 des 76 millions de Philippins vivent dans la pauvreté.

Pour le P. Dizon, les Philippins en général et l’Eglise en particulier doivent tirer des “leçons” de l’élection, en 1998, de Joseph Estrada à la présidence de la République. Comme Poe, Estrada était devenu un acteur de cinéma très populaire. Comme lui, il avait échoué sur un plan académique, en n’achevant pas ses études supérieures. Et bien que nombre de Philippins connaissaient ses faiblesses envers les femmes ou l’argent, bien des électeurs lui ont fait confiance car ils pouvaient “s’identifier” à lui.

Selon le P. Allan Jose Arcebuche, porte-parole d’un groupe ocuménique de promotion populaire, la candidature de Fernando Poe doit être jugée non sur la personnalité du candidat mais sur le contenu de son programme. Lui comme le P. Dizon disent que Fernando Poe comme les autres candidats doivent donner leurs points de vue sur la “mondialisation la “guerre contre le terrorisme” et la réforme foncière. La question des négociations avec les rebelles musulmans à Mindanao et avec la guérilla communiste doit être abordée. Pour le P. Dizon, Fernando Poe doit être “clair” dans ses prises de position s’il veut être pris au sérieux. “Ce n’est pas suffisant de faire des déclarations telles que : ‘Je me présente pour servir les gens’ ou encore ‘pour lutter contre la corruption'”. Le P. Arcebuche ajoute que Fernando Poe doit faire connaître son opinion au sujet de la corruption étant donné sa “grande proximité” avec Joseph Estrada, le président déposé car accusé de s’être enrichi par la corruption.

Peu après l’annonce par Fernando Poe de sa candidature, des médias ont interviewé Mgr Capalla, président de la Conférence des évêques catholiques, à ce sujet. Répondant en s’adressant à tous les candidats à l’élection présidentielle, le responsable catholique a déclaré : “Je leur ai dit que, quel que soit le vainqueur, le futur président devra s’attaquer de front au problème de la pauvreté dans le pays, car c’est là la racine de tous les autres problèmes.” Les diocèses à travers tout le pays ont commencé à distribuer des livrets réalisés par le Conseil pastoral des paroisses pour un vote responsable. Les électeurs y sont encouragés à choisir des candidats “honnêtes” et “artisans de paix “des travailleurs silencieux pour un vrai résultat” et “tournés vers le service”. Une fois que la Commission électorale aura publié la liste définitive des candidats, des plaquettes se concentrant sur les “programmes” et non sur les “personnes” seront publiées afin d’aider les électeurs à se déterminer.