Eglises d'Asie – Inde
Bihar : catholiques et hindous protestent séparément contre les menaces d’enlèvement pesant sur les institutions éducatives catholiques
Publié le 18/03/2010
La première de ces protestations avait été organisée le 8 décembre par le principal parti d’opposition du Bihar, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), qui détient la majorité au niveau fédéral. Ce jour-là, la ville avait été entièrement paralysée, bureaux, commerces, établissements éducatifs et autres ayant tous fermé leurs portes. La manifestation des catholiques s’est déroulée deux jours plus tard. Plus de 6 000 étudiants et élèves des écoles, accompagnés de leurs parents et de leurs enseignants ont parcouru les rues de Bettiah. L’évêque du lieu, Mgr Victor Henry Thakur, s’était joint à la manifestation.
L’évêque a expliqué que l’Eglise ne s’était pas associée à la première manifestation du BJP, parce que, par principe, elle évitait de se mêler aux mouvements organisés par les partis politiques. Il a ajouté que, cependant, il avait donné son approbation à cette initiative et permis aux catholiques de s’y joindre, s’ils le voulaient. En tant que responsable du mouvement interreligieux, il a même déclaré que le geste du BJP prenant l’initiative d’une protestation contre le meurtre des catholiques était de nature à renforcer la tradition séculaire de coexistence interreligieuse en Inde.
Un enseignant à la retraite bien informé des affaires locales, Charles Cherobim, a fait remarquer que voilà deux ans que les catholiques s’inquiètent de bruits concernant de lourdes rançons demandées à la communauté chrétienne. Evoquant l’assassinat du 5 décembre qui a coûté la vie à un jeune catholique de 28 ans, George Seraphim, il a avoué que c’était pour lui un mystère. En effet, le peu de ressources de ce dernier ne le prédisposait en rien à être la cible d’un enlèvement. George Seraphim travaillait comme simple employé dans une entreprise faisant commerce d’engrais agricoles. Le frère de Seraphim ayant la charge de la gestion d’une école, on peut peut-être penser, a supposé l’ancien enseignant, que l’assassinat constituait un message envoyé aux écoles catholiques suggérant à leurs directeurs qu’il valait mieux acheter leur sécurité en payant une lourde rançon que de risquer de succomber aux balles tirées par des hommes de main.
Selon Emmanuel Sharma, un laïc, directeur de l’association locale des écoles catholiques, ce sont plus de vingt-deux écoles catholiques qui ont été menacées par les hors-la-loi au cours des dernières années. Selon lui, ce sont les écoles gérées par des laïcs qui ont accepté de payer les sommes demandées par les hors-la-loi. Les institutions entre les mains de prêtres ou de religieuses ont dû faire face à beaucoup moins de tentatives d’extorsion de fonds, car les demandeurs de rançon savent pertinemment qu’ils n’obtiendront aucune somme d’argent de telles écoles. En 1985, un prêtre jésuite, travailleur social, avait été enlevé puis relâché quelques jours après, les responsables d’Eglise ayant refusé de payer la rançon exigée. Contrairement aux religieux, les laïcs sont tenus de protéger leur famille et sont moins en mesure de résister à la menace.
Quoi qu’il en soit de la menace exercée par les preneurs d’otages et les auteurs de rapt, le soutien des hindous aux enseignants catholiques a aidé ces derniers à se débarrasser d’un complexe d’infériorité. “Nous sommes un groupe religieux minoritaire qui ne peut survivre sans le soutien et la bienveillance de la majorité hindoue a déclaré un directeur d’école catholique, Raymond Augustine, menacé d’enlèvement l’an dernier. Les dirigeants de la communauté hindoue ont certifié de leur côté que depuis 250 ans la communauté hindoue vit pacifiquement avec les chrétiens qui lui offrent les services de ses établissements éducatifs.