Eglises d'Asie

En Malaisie, sans oublier ce qu’ils ont subi, des survivants de l’occupation japonaise acceptent une proposition de réconciliation

Publié le 18/03/2010




Un certain nombre de Malaisiens, victimes des atrocités de l’armée japonaise durant la deuxième guerre mondiale, ont réussi à évacuer de leur cour haine et amertume grâce à un groupe de Japonais, dont une femme, venu leur demander pardon. L’église de la paroisse catholique de Taiping a été le lieu de cette rencontre entre plusieurs survivants malaisiens et un groupe de quatre Japonais accompagné de Keiko Holmes.

Keiko Holmes, 55 ans, Japonaise mariée à un Anglais, est la directrice de “Agape” (1), une association qu’elle a fondée en 1992 pour aider les anciens prisonniers de guerre des pays alliés à se réconcilier avec leurs anciens geôliers japonais. Le 21 novembre dernier, devant près de 150 personnes, elle a expliqué qu’il était important pour ces cinq Japonais de venir, au nom de leur peuple, reconnaître les crimes commis par l’armée japonaise pendant l’occupation et demander pardon. “Sinon nos fautes demeureront, avec votre haine, à jamais a-t-elle expliqué, ajoutant : “La haine répond à la haine. L’amour répond à l’amour.”

Trois survivants de l’occupation japonaise dans le sud-est asiatique ont décrit ce qu’ils avaient vécu. Après soixante années, âgés de plus de 70 et 80 ans, ils ont raconté une fois encore certains événements restés gravés dans leur mémoire. Ho Lian Sooi, un retraité du service des télécommunications, a raconté qu’il avait été orphelin à l’âge de 12 ans, ses parents ayant été tués par les soldats japonais. “La nourriture était rare. Sous-alimentés, nous avions toujours faim. Sans l’intervention d’un officier, j’étais près d’avoir la tête tranchée (par des soldats japonais).»

V. Alagasu, quant à lui, fut condamné à travailler au fameux “chemin de fer de la mort la ligne ferroviaire qui devait rallier la Birmanie à la Thaïlande : on estime à 200 000 le nombre des prisonniers alliés et des civils asiatiques qui furent sacrifiés à sa construction. Il a raconté les horreurs qu’il avait vécues. “Chaque traverse posée coûtait une vie humaine. Un de mes amis a eu la jambe coupée à la hauteur du genou par le train. Il n’a pas été soigné, laissé agonisant dans l’attente de la mort. Mais comme ils n’avaient pas de temps à perdre, ils le firent enterrer vivant.” Alagasu a souligné aussi que les civils malaisiens étaient plus mal traités encore que les prisonniers anglais ou australiens. “Quand un prisonnier allié mourait, il était inhumé dignement. Nos morts à nous étaient jetés dans une fosse commune. Quand un prisonnier civil était malade et ne pouvait plus travailler, ils le jetaient dans la rivière. Les civils ont souffert bien plus a-t-il témoigné, demandant à ce que, au moins, un monument soit érigé à leur mémoire. Fixant le groupe japonais, il a ajouté : “Je ne peux pas oublier ce que vous avez fait à mes amis avant, raidi par l’émotion, de regagner son siège.

Keiko s’est alors levé pour prendre la parole, expliquer sa démarche et la naissance d’“Agape Demander pardon et accorder son pardon cicatrise les plaies de l’âme. Elle donna plusieurs exemples tous aussi douloureux les uns que les autres. Après quoi, selon la coutume japonaise pour demander pardon, elle et ses quatre compagnons, avec humilité, se prosternèrent à genoux face à l’assemblée. Au bout d’une dizaine de minutes de silence, l’assemblée fut invitée à exprimer son pardon par l’échange de poignées de mains. Alagasu fut le premier à s’avancer, en larmes.

D’après le pasteur Ann Lau, de l’Association de l’Eglise chrétienne évangélique nationale de Kuala-Lumpur, qui a participé à l’organisation de cette rencontre, Taiping a été choisi parce que se trouve là un cimetière où ont été inhumées des victimes de la deuxième guerre mondiale et que c’est le lieu où était installé le quartier général de la Kempeitai, la police militaire tant redoutée.