Eglises d'Asie

Comment Noël est devenu la fête particulière de tout un village à grande majorité hindoue de l’Etat de Bihar

Publié le 18/03/2010




Un village de l’Etat du Bihar, appelé Puril, se différencie des autres agglomérations de l’Etat par une coutume récente datant seulement de quelques années. Le jour de Noël a été adopté par tous les habitants comme la fête du village : chacun ce jour-là participe à un récital de cantiques et à un banquet. Or la population ne comporte que quatre familles chrétiennes, les 180 autres familles sont hindoues. Cette année, comme l’année précédente, le chour chargé du récital de cantiques était presque exclusivement composé de villageois appartenant à la religion majoritaire et le repas entièrement préparé par ces derniers.

Ce n’est que progressivement que cette tradition s’est instaurée. Jusqu’en 1988, les rares catholiques du village allaient célébrer la Noël dans la ville voisine de Saharsa, à quelque 20 km. de leur lieu de résidence, et leurs voisins hindous ignoraient absolument tout de la fête de la Nativité du Christ et de sa signification. Cette année-là, les catholiques décidèrent de célébrer Noël chez eux et d’inviter tous les habitants du village à un récital de cantiques chantés en langue locale, le maithili, ainsi qu’à un repas commun. Les villageois hindous se souviennent encore qu’après avoir écouté les cantiques, ils hésitèrent beaucoup à se joindre aux chrétiens pour le repas. Ils redoutaient en particulier que les chrétiens aient mêlé de la viande de bouf aux plats proposés pour les transformer eux aussi en chrétiens sans qu’ils s’en rendent compte. Telle était, en effet, leur croyance : le seul fait de manger de la vache pouvait les faire devenir des adeptes du christianisme.

Se rendant compte des réticences de leurs amis hindous, les catholiques, en 1999, firent en sorte que le repas soit préparé par un groupe d’hindous, ce qui enleva à la population toute raison de refuser leur invitation. Cette année-là, un prêtre catholique s’était joint aux participants du banquet et les hindous lui posèrent un grand nombre de questions auxquelles il sut répondre à la satisfaction de tous. Ainsi, la suspicion céda la place à la bonne volonté réciproque et à la solidarité. L’année suivante, les catholiques participèrent aux diverses manifestations des festivités du Holi, la fête hindoue des couleurs qui se célèbre le jour de la pleine lune du mois de falgun (mars ou avril), chantant, dansant et festoyant avec leurs amis hindous. Selon la tradition, les mères confectionnèrent de nouveaux vêtements pour leurs filles mariées et surtout tout un chacun se mêla aux séances d’arrosage d’eau et de saupoudrage de poudres de couleurs, qui sont des éléments constitutifs de cette fête.

Cette évolution des catholiques fut l’occasion d’une transformation radicale de l’attitude des hindous. Un catholique du village, ayant été à l’initiative de l’invitation faite aux villageois hindous au récital des cantiques et au repas communautaire de Noël, raconte que ceux-ci, hésitant au début à répondre à l’initiative chrétienne, considèrent désormais Noël comme une fête du même genre que le Holi. Plus encore, le récital de cantiques est aujourd’hui devenu le monopole des hindous du village. Près de deux cents hindous, dirigés par leurs propres experts en musique, chantent aujourd’hui des cantiques. Quelques-uns d’entre eux en ont même composé de nouveaux en l’honneur de la Vierge Marie et de Jésus nouveau né.

Selon le chef du village hindou, Rabindra Manjhi, c’est en 2000 que l’adoption de Noël comme fête commune du village par tous les villageois devint une réalité. Cette année-là les hindous décidèrent de ne pas utiliser l’aide financière des chrétiens, généralement beaucoup plus pauvres qu’eux. Rabindra Manjhi explique que ses coreligionnaires voulurent montrer leur respect pour la foi de leurs amis chrétiens, en refusant de leur laisser porter la charge financière du repas. Celui-ci fut organisé par eux grâce aux dons et aux contributions de tous les hindous. Le menu comportait un plat de poisson au curry et un dessert que l’on sert généralement lors des anniversaires. C’était, avaient pensé les préparateurs du repas, pour célébrer l’anniversaire de la naissance de “Yeshu Bhagwan” (‘Seigneur Jésus’).