Eglises d'Asie

Hô Chi Minh-Ville : des religieux franciscains accueillent les enfants non scolarisés d’un quartier pauvre à l’intérieur d'”une classe de l’affection”

Publié le 18/03/2010




A Saigon, le marché de Câu Muôi est connu de tous, non seulement pour ses étalages de primeurs et de fruits de mer mais aussi à cause de sa population où les riches commerçants en gros ne sont qu’une toute petite minorité. La plupart des habitants sont des travailleurs pauvres, des marchands à la sauvette, des commerçant ambulants circulant sur les trottoirs du quartier en portant leurs fléaux. La vie y est très rude pour eux, surtout depuis que le marché de primeurs a été déplacé hors de la ville. Ainsi, les parents n’ayant pas de quoi payer les frais de scolarité de plus en plus élevés, le quartier regorge d’enfants non scolarisés, occupés à subvenir aux besoins de leurs familles ou tout simplement à assurer leur propre subsistance lorsqu’il s’agit d’orphelins ou d’enfants abandonnés. Adossé à ce marché de Câu Muôi, se trouve la très vielle église Saint Antoine, appartenant au couvent de Câu Ong Lanh où vit une communauté de religieux franciscains. Là, dans des bâtiments minuscules se retrouvent chaque jour des centaines d’enfants de la rue qui viennent chercher affection, assistance et instruction chez les religieux qui ont consacré leur vie au service des pauvres.

Il y a plus de dix ans que deux frères de la communauté, François Triêu et Savio Chuc, se sont émus devant le spectacle de ces enfants déguenillés, vivant dans un atmosphère polluée, délaissés de tous, parfois déjà engagés dans la délinquance au sein de bandes organisées (1). A la fin de l’année 1989, le frère Triêu commença à rassembler toute cette population enfantine avec pour objectif de transformer peu à peu leur comportement et de leur apprendre à lire et à écrire. Dans les rues du quartier, la nouvelle de cette initiative se répandit très vite et les candidats à ce que l’on appelle ici une “classe de l’affection” (lop tinh thuong) accoururent nombreux. A son ouverture, elle comptait une quarantaine d’élèves appartenant à diverses classes d’âges. Grâce aux contributions financières de certaines personnes de bonne volonté et des religieux du couvent de Thu Duc, le frère Triêu put se procurer un début d’équipement scolaire. Des enseignants furent recrutés grâce aux soins d’une religieuse de la congrégation de Saint Paul de Chartres.

Au mois de mars 1999, c’est l’actuel supérieur de la communauté, le frère Clément Minh, qui prit la responsabilité de cette ouvre éducative. Il réorganisa la classe et recruta un certain nombre d’enseignants auxquels, grâce à des aides financières trouvées à l’étranger, il put verser un salaire mensuel de 700 000 dôngs (environ 60 euros). Aujourd’hui, dans des salles de classes rudimentaires et trop chaudes, l’institution des franciscains offre aux enfants de la rue tous les programmes d’enseignement du primaire, depuis la maternelle jusqu’à la quatrième (dernier cours du primaire). Au début de cette année, le nombre d’élèves, admis sans considération de religion, était de 147. Cependant, le mois de novembre venu, une vingtaine d’entre eux s’étaient retirés pour collaborer à la subsistance de leurs familles.

Actuellement, les élèves sont dispensés du versement de frais scolaires, les livres, cahiers et matériel scolaire, les vêtements leur étant distribués gratuitement. Ils sont admis en fonction de leur niveau scolaire et non de leur âge. Il arrive que certains terminent leur dernière classe primaire à 15 ou 16 ans. A la fin du primaire, les élèves qui le désirent pourront être orientés vers les écoles secondaires et même obtenir une bourse d’études de leur ancienne classe de l’affection. Cependant, la plupart d’entre eux, dès la fin du primaire, cherchent une activité rémunératrice leur permettant d’apporter une contribution à la subsistance de leur famille.

La communauté franciscaine nourrit plusieurs autres projets qui permettraient d’élargir encore l’ouvre déjà accomplie. Les salles de classe, dont les dispositions hygiéniques laissent encore à désirer, seront améliorées et l’on projette de créer une cantine pour le repas de midi. Parallèlement à la classe de l’affection, les religieux franciscains ont l’intention d’ouvrir des classes d’alphabétisation au service des plus grands qui n’ont jamais été scolarisés.