Eglises d'Asie

Hô Chi Minh-Ville : un pasteur protestant a été traduit en justice pour avoir résisté à des agents de police cherchant à disperser une réunion organisée chez lui

Publié le 18/03/2010




Par des sources proches des Eglises domestiques de Saigon, rapportées par France-Presse, on a appris que le procès qui devait être intenté le 13 janvier 2004 au pasteur Bui Van Ba (1), principal responsable de l’Eglise du Plein Evangile au Vietnam, avait été remis à une date ultérieure. La veille du procès, le pasteur avait été informé que, le procureur étant malade, l’action judiciaire était provisoirement annulée.

C’est le 29 décembre 2003 que le pasteur Bui Van Ba avait reçu du juge Vo Thanh Buu Tinh, du Tribunal populaire du 11e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville, une assignation à comparaître devant le tribunal. Le procès annoncé devait avoir lieu le 13 janvier 2004 et les charges retenues contre l’inculpé étaient ainsi rédigées dans l’acte d’accusation produit par le Parquet du même arrondissement (2) : “S’être opposé à des fonctionnaires en service et avoir blessé deux agents de la Sûreté du 3e quartier du 11e arrondissement.” Il était, en outre, précisé que les faits reprochés s’étaient passés le 18 août 2003.

Dès que la citation à comparaître fut connue, la commission juridique de la Communion évangélique du Vietnam avait diffusé un communiqué rapportant les faits tels qu’ils s’étaient passés le 18 août dernier. La version était apparemment fort différente de celle qui avait été retenue dans l’acte d’accusation. Ce communiqué a été rédigé deux jours après les événements, le 20 août dernier. Il affirme que, le 18 août, vingt-cinq pasteurs et fidèles de l’Eglise évangélique s’étaient réunis pour prier dans la résidence du pasteur Bui Van Ba, rue Lac Lông Quân, dans le 11e arrondissement. Aux environs de 9h30, les agents de police du quartier associés aux forces de la Sûreté se présentèrent à la maison pour une perquisition. Le pasteur Ba étant absent, son épouse s’est opposée à leur entrée. Sans tenir compte de ses protestations et utilisant leurs armes pour lui infliger des coups, les forces de l’ordre se frayèrent un passage jusqu’à l’étage où se déroulait la réunion, laissant la femme du pasteur en proie à une crise cardiaque. A son retour à la maison, le pasteur Ba, aidé d’un de ses confrères, chercha à secourir son épouse et se décida à la transporter à l’hôpital. Les policiers s’y étant opposés, s’en suivit un pugilat au cours duquel le pasteur Ba, d’un coup de poing, frappa un policier au visage.

Les deux pasteurs furent ensuite emmenés à la police où ils furent passés à tabac, interrogés puis transportés et incarcérés dans le quartier disciplinaire d’un centre d’internement. Là, ils furent dépouillés de leurs vêtements et gardés jusqu’au lendemain soir en cellule sans lit, sans couvertures, sans nourriture et sans moustiquaire. Leur peine fut alors transformée en assignation en résidence et ils furent ramenés chez eux. En outre, sept de leurs confrères furent gardés au poste de police jusqu’au 18 août au soir.

Le communiqué de la Communion évangélique du Vietnam, rédigé par le pasteur Nguyên Hông Quang et le missionnaire Truong Tri Hiên (3), a aussi dénoncé la police pour violation du domicile d’un citoyen (Article 124 du Code pénal), violation du droit de rassemblement, du droit de création d’association, du droit de liberté religieuse (Article 129), pour arrestation illégale de citoyen (Article 123) et non-assistance à personne en danger (Article 102).

Le 9 janvier 2004, le Centre pour la liberté religieuse, un service de l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Freedom House, ajoutait de nouvelles pièces au dossier. Il faisait, en particulier, état d’une lettre de protestation de quatre pages, datée du 5 janvier 2004 et signée des dirigeants de vingt-et-une organisations d’Eglises domestiques de l’Alliance évangélique vietnamienne. Adressée aux ambassades, aux médias vietnamiens et étrangers ainsi qu’aux organisations humanitaires, elle appelle les autorités à retirer toutes leurs accusations contre le pasteur Ba, à dénoncer les brutalités commises par la police contre lui et ses compagnons en août dernier, à se conformer aux lois du pays et aux accords internationaux signés par le Vietnam.

Selon les observateurs, le report du procès du pasteur devrait être considéré comme une esquive des autorités pour échapper au blâme international qu’avait provoqué l’annonce du procès. Par ailleurs, le porte-parole des Affaires étrangères du Vietnam a démenti, le 12 janvier, que le pasteur Ba ait été maltraité par la police ou persécuté. Il a également affirmé qu’aucun procès n’avait été prévu contre lui.