Eglises d'Asie

Selon un Livre blanc du ministère de la Défense, la principale menace à laquelle doit faire face l’Indonésie est le séparatisme et non le terrorisme

Publié le 18/03/2010




Pour les responsables militaires indonésiens, la principale menace à laquelle est confrontée la République d’Indonésie n’est pas le terrorisme mais le séparatisme et, selon un Livre blanc du ministère de la Défense, rendu public au mois de décembre dernier, cette menace appelle au maintien de la “double fonction” des forces armées indonésiennes, une armée appelée non seulement à défendre la nation contre un éventuel danger venu de l’extérieur mais aussi destinée à ouvrer au maintien de l’unité nationale à l’intérieur des frontières du pays (1).

Le 7 décembre dernier, à Djakarta, devant le Conseil pour la sécurité et la coopération en Asie-Pacifique, le major général Sudrajat, directeur du Centre de planification stratégique au ministère de la Défense indonésien, a déclaré : “Concernant la perception des menaces pesant sur l’Indonésie, il y a une incompréhension chez nos proches voisins et aux Etats-Unis. Nous pensons que l’intégrité de l’Indonésie est notre premier souci tandis que d’autres pays peuvent présumer que le terrorisme est la préoccupation principale chez tous.” Dans un pays où l’armée mène une offensive de grande ampleur contre le mouvement séparatiste GAM (Mouvement pour Aceh libre) dans la province d’Aceh (2) et où des renforts de troupes ont été envoyés à l’autre extrémité du pays, en Papouasie occidentale (3), le responsable militaire a déclaré tenir pour improbable la matérialisation de menaces classiques, telles que l’invasion de l’Indonésie ou une agression menée par un autre pays contre l’Indonésie. “De telles menaces ne viendront pas de la part de nos voisins car, selon nos calculs, Singapour, la Malaisie, les Philippines ou même l’Australie ne sont pas en position d’envahir l’Indonésie. Le seul pays qui pourrait le faire, ce sont les Etats-Unis, à condition qu’il soit prouvé que nous abritions des terroristes a-t-il précisé.

Or, aujourd’hui, selon ce Livre blanc, ce ne sont pas les terroristes qui menacent la stabilité de l’Indonésie – en dépit des attentats commis à Bali ou à Djakarta et de l’implication avérée de musulmans indonésiens au sein du réseau terroriste régional de la Jemaah Islamiah (4) -, mais les séparatistes, en même temps que la criminalité trans-frontalière, la piraterie, les enlèvements, les problèmes que connaissent les travailleurs migrants et le trafic de drogues, qui constituent la vraie menace pour l’Indonésie. Dans cette perspective, “le confinement des militaires dans leurs baraquements n’est pas notre paradigme a encore ajouté le général Sudrajat car la lutte contre ces menaces requiert la coopération de la police et de l’armée et donc le maintien de “la fonction territoriale” des TNI, les forces armées indonésiennes, afin de maintenir les soldats au contact de la société.

Pour nombre de militants des droits de l’homme en Indonésie, le maintien de “la double fonction” fait au contraire peser une menace sur la stabilité de l’Indonésie. Héritée de l’Ordre nouveau de Suharto, cette théorie est rendue responsable de l’implication de l’armée dans les domaines sociaux, économiques et politiques, une implication perçue comme un frein à la démocratisation du pays. De fait, outre le phénomène de la corruption résultant de l’implication des TNI dans la sphère économique et malgré le retrait des militaires de la scène politique, il est avéré que, depuis la chute de Suharto, certains conflits locaux ont été soit suscités soit entretenus à dessein par des militaires qui, tels des pompiers-pyromanes, justifient leur utilité par les conflits qu’ils nourrissent.