Eglises d'Asie – Taiwan
En manifestant dans la rue, les travailleurs étrangers ont revendiqué une reconnaissance de leurs droits et l’abolition du “commerce des esclaves”
Publié le 18/03/2010
La manifestation partie du Parc du mémorial s’est dirigée vers le centre ville pour atteindre le boulevard Ketagalan qui conduit au palais présidentiel. D’après le P. Corros, curé de la paroisse St Christophe où se trouve le Centre des ouvriers étrangers et directeur de la Pastorale de migrants de l’archidiocèse de Taipei, la manifestation avait été décidée le 18 décembre lors d’une rencontre entre les ONG représentatives des migrants et le Conseil du travail, organisme gouvernemental.
Dans un manifeste publié à l’issue de cette journée de revendication, les marcheurs ont renouvelé leurs demandes, déjà présentées au gouvernement le 18 décembre. A savoir, la protection des droits fondamentaux garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée pas les Nations Unies en 1948, la révision en profondeur du système qui régit la main d’ouvre étrangère afin que soit accordée aux travailleurs immigrés la liberté de choisir leurs employeurs, la suppression de ce nouvel esclavage que représente le système géré par les agences de recrutement privées et leurs intermédiaires et l’établissement d’un bureau responsable de la main d’ouvre étrangère habilité à appliquer cette politique d’embauche, soit directement avec les candidats, soit de nation à nation (2). Au titre de revendications immédiates, les manifestants ont demandé au gouvernement de reconnaître leurs droits à des heures de temps libre et à un salaire égal pour un travail égal à celui des Taiwanais, plutôt que d’encourager la formation d’“une main d’ouvre à bon marché”. A ce jour, les travailleurs immigrés ne sont pas protégés par le droit du travail en vigueur à Taiwan et sont donc sujets à toutes sortes d’abus.
Le P. Corros a cité le cas de travailleurs étrangers contraints à vivre sans aucune intimité dans des cagibis, des garages ou encore des cuisines et des salles de bain. Avec de telles conditions de vie, le gouvernement ne devrait pas autoriser un employeur à déduire du salaire de son ouvrier entre 57 et 92 euros mensuels pour la nourriture et le logement. Le salaire mensuel minimum pour un travailleur étranger est de 360 euros.
De plus, a souligné le P. Corros, un travailleur migrant ne touche pas la totalité de son salaire puisqu’il lui faut rembourser les intermédiaires et les agences de main d’ouvre grâce auxquels il a trouvé du travail. Les charges exigées par un intermédiaire pour un Indonésien, un Philippin ou un Thaïlandais se situent entre 2 300 et 5 000 euros. Pour un contrat de deux ou trois ans, un Vietnamien doit débourser entre 3 100 et 4 000 euros.
Les abus de pouvoir qui se traduisent entre autres par de longues heures de travail sans jour de repos font que beaucoup de travailleurs étrangers rompent leur contrat et quittent leur employeur. D’après le P. Corros encore, lorsque le nombre des défections augmente parmi les ressortissants de tel ou tel pays, les autorités rayent temporairement ce pays de la liste des nations à qui sont accordés un certain nombre de visas de travail (3), mais “le gouvernement ne s’est pas encore sérieusement penché sur le pourquoi de ces défections – et tout nouvel arrivant plonge dans le système et en fait les frais, tout comme ses prédécesseurs Ceux qui viennent de pays pauvres peuvent se montrer disposés à accepter des salaires très bas, encore amputés de diverses déductions, mais ils ne doivent pas être maltraités pour autant, a-t-il encore ajouté.