Eglises d'Asie – Vietnam
Le P. Chân Tin met en garde l’Eglise catholique contre la tentative du pouvoir visant à lui faire perdre sa nature propre
Publié le 18/03/2010
Après avoir détaillé le type de répression exercé sur les religions en général par l’Etat grâce surtout un arsenal juridique particulièrement riche et complexe, le P. Chân Tin consacre plusieurs pages à l’étude des relations particulières entre l’Etat et l’Eglise catholique, des relations caractérisées surtout par l’ingérence directe du pouvoir dans les affaires internes de l’Eglise. En exigeant de l’Eglise qu’elle demande l’approbation de l’Etat pour la formation, la nomination, le déplacement de son personnel, en s’introduisant même dans les séminaires, l’Etat met l’Eglise dans une situation telle qu’elle ne peut que devenir de plus en plus docile dans les mains du pouvoir. En conclusion, le P. Chân Tin accuse l’Etat de vouloir dénaturer l’Eglise comme les autres Eglises du pays. Il met en garde l’Eglise catholique contre la complicité qu’elle pourrait manifester à l’égard de cette tentative.
On ne peut que donner son accord à l’analyse par le P. Chân Tin, de la stratégie du pouvoir en place vis à vis des divers groupes religieux au Vietnam. Il a toujours été dans les visées du Parti de transformer les diverses communautés religieuses de l’intérieur en essayant de subvertir certains de leurs éléments. Cependant, ce serait une grave injustice vis-à-vis des diverses hiérarchies religieuses, parmi lesquelles l’épiscopat catholique, que de penser qu’elles ne sont pas conscientes de la menace que fait peser le contrôle permanent exercé par l’Etat sur la religion elle-même. On sait qu’à diverses reprises, la Conférence épiscopale catholique a réagi publiquement et avec courage. Il suffit de penser aux diverses listes de revendications envoyées au gouvernement à l’issue des différentes assemblées annuelles de l’épiscopat. On se souvient des deux lettres envoyées à l’Assemblé nationale à l’issue de la réunion annuelle de la Conférence en 2002. L’une d’entre elles dénonçait sans détour les persécutions subies par les chrétiens des minorités ethniques des Hauts Plateaux, relevant même les tentatives pour forcer les chrétiens à l’apostasie. L’autre se livrait à une critique radicale de la société mis en place au Vietnam par le pouvoir actuel, dénonçant la sujétion dans laquelle était tenu le citoyen. A ces réactions collectives, on peut ajouter un certain nombre de prises de position individuelles, comme celles de l’évêque de Huê, Mgr Diên, peu après la mise en place du nouveau régime, celles plus récentes du cardinal archevêque de Hô Chi Minh-ville, reprenant les thèmes de la lettre des évêques de 1992, insistant notamment sur l’aliénation subie par la société du fait d’un régime qui ne tient pas compte de la liberté individuelle.
Il ne faudrait pas oublier non plus la lutte quotidienne livrée contre les empiétements du pouvoir au niveau paroissial comme au niveau diocésain, à Hanoi, Phan Thiêt, Nha Trang et un peu partout sur le territoire du Vietnam. Les exemples cités par le P. Chân Tin lui-même en témoignent. A Huê récemment, c’est l’archevêque lui-même qui a encouragé les efforts des fidèles de l’église de Kê Sung pour défendre l’espace propre de la communauté chrétienne (2).