Eglises d'Asie

Selon un évêque catholique, ce sont les citoyens ordinaires et non le personnel politique du pays qui sont l’espoir des Philippines

Publié le 18/03/2010




Lors d’une messe célébrée le 20 janvier dernier à l’occasion du troisième anniversaire de l’arrivée à la présidence du pays de Gloria Macapagal-Arroyo, Mgr Socrates Villegas, évêque auxiliaire de Manille, a estimé que l’avenir et l’espoir du pays ne reposaient pas sur son personnel politique mais sur “les gens ordinaires”. Dans son homélie, prononcée au sanctuaire de Marie Reine de la paix, situé sur EDSA (Epifano de los Santos Avenue) et haut lieu des manifestations populaires qui, en 1986, ont vu la chute du dictateur Ferdinand Marcos puis celle, le 20 janvier 2001, du président Joseph Estrada, Mgr Villegas a déclaré que “l’espoir ne peut venir des élections” pas plus que du personnel politique.

Dans un prêche qui ne pouvait pas ne pas revêtir une tonalité politique, les élections du 10 mai prochain étant dans tous les esprits (1), l’évêque auxiliaire de Manille a poursuivi en disant que, dans un pays où les riches “ont peur d’être enlevés” (2) et où les pauvres “ont peur d’avoir faim l’espoir de la nation réside dans les gens ordinaires qui “travaillent avec diligence, dans le silence et sans fanfare au bien-être des autres”. Selon lui, l’anniversaire de la chute de Joseph Estrada commémore l’action de “gens simples, ordinaires, de petites gens, qui se sont montrés résolus à afficher leur unité, trouvant leur force non dans la politique du compromis ou de la facilité mais dans la politique ordonnée à des valeurs”. Mgr Villegas a cité en exemple l’ancienne présidente Corazon Aquino qui a refusé d’apporter son soutien à quelconque des candidats à l’élection présidentielle du 10 mai 2004.

En dehors du sanctuaire, un petit groupe de manifestants contenu par la police s’était rassemblé à l’initiative d’un groupe ocuménique, “Promotion de la réponse populaire de l’Eglise”. Ils dénonçaient ce qu’ils appelaient la faillite de l’actuelle équipe dirigeante à mettre en place un gouvernement propre, animé par les valeurs réclamées dans la rue trois ans auparavant.

Sur les mêmes lieux, au sanctuaire de Marie Reine de la paix, le matin même, à 6h30, la présidente Arroyo était venue assister à une messe, également célébrée par Mgr Villegas. Les médias philippins ont noté l’absence à cette occasion du cardinal Sin et d’autres responsables de l’Eglise catholique qui étaient présents aux côtés de Gloria Arroyo trois ans auparavant. Mgr Gaudencio Rosales, qui a succédé au cardinal Sin en novembre dernier à la tête de l’archidiocèse de Manille, s’était lui aussi fait excuser, arguant de la fatigue d’un voyage de dix heures effectué la nuit précédente. Dans l’homélie qu’il a prononcée devant la présidente, Mgr Villegas a parlé de l’exécution prévue ce 30 janvier de deux condamnés à mort (3). Même “s’il est vrai que la peine de mort est juste parce qu’elle est inscrite dans le Code pénal de ce pays il y a quelque chose de plus importante que la justice ; ce quelque chose plus important que la justice, c’est l’amour a-t-il dit. Un peu plus tard, s’adressant à des journalistes, la présidente a déclaré que sa décision de permettre l’exécution des trafiquants de drogue et des kidnappeurs était “un acte d’amour” pour les citoyens ordinaires des Philippines car cela permettra d’améliorer le climat des affaires et des investissements. Huit jours après, le 28 janvier, la Cour suprême a créé la surprise en annonçant, à l’issue d’un vote de sept voix pour et six voix contre, le report de ces deux exécutions capitales. A compter du 27 janvier, les deux condamnés à mort bénéficient d’un sursis de trente jours à l’application de la peine capitale, le temps pour la justice d’examiner de nouveaux éléments dans leurs dossiers respectifs. Le jésuite Silvino Borres, coordinateur de la Coalition contre la peine de mort, s’est déclaré “heureux” de la décision de la Cour suprême, soulignant qu’il ne s’agissait toutefois que d’un “réconfort passager”.