Eglises d'Asie

Bihar : les bouddhistes reprochent au gouvernement d’exploiter les cendres de Bouddha à des fins mercantiles

Publié le 18/03/2010




Les cendres de Bouddha continueront d’être conservées dans un musée de l’Etat du Bihar, malgré les objections de nombreux pèlerins bouddhistes réclamant que ces restes sacrés soient déposés dans un temple. C’est pour des raisons de sécurité que les autorités de l’Etat ont décidé de maintenir l’urne contenant les cendres du Gautama au musée de Patna, la capitale de l’Etat. De nombreuses protestations continuent pourtant de s’élever venant des religieux et de pèlerins, demandant que les restes soient transférés au temple de Mahabodhi, à Bodh Gaya (1), temple situé sur les lieux où, selon la tradition, Bouddha a connu l’illumination.

L’urne contenant les restes du fondateur du bouddhisme avait été déterrée en 1958 des ruines de l’ancienne cité de Vaishali, ville située aux pieds des montagnes du Népal et bordée au nord par le fleuve Gandak. C’est là que s’était tenu après la mort de Bouddha le deuxième concile du bouddhisme. Depuis sa découverte, l’urne est conservée dans le musée. Les visiteurs paient 100 roupies le droit d’entrée (1,7 euros) pour contempler le précieux réceptacle qui, depuis sa découverte, n’a été ouvert qu’à trois reprises, en 1998, 1999 et 2001.

Certains religieux éminents, comme le vénérable Bhante Pragayasheel, responsable du Conseil panindien des religieux bouddhistes, accusent les autorités indiennes de se servir des reliques de Bouddha pour promouvoir le tourisme dans la région. Ils voient là une “cynique atteinte à la liberté religieuse car les milliers de pèlerins se rendant chaque année au temple de Bodh Gaya ne peuvent y vénérer ce qu’il y a de plus sacré dans le bouddhisme.

En 1998, les autorités du Bihar avaient fait transporter l’urne jusqu’au temple de Mahabodhi, à Bodh Gaya, pour une cérémonie. Cependant, aux yeux des religieux bouddhistes, il ne s’agissait là que d’une opération commerciale et politique. Les moines s’attendaient à ce que le gouvernement maintienne les reliques en permanence dans le temple mais l’urne avait été ramenée furtivement au musée dans les quinze jours suivants, une action qui avait choqué beaucoup de pèlerins. Le refus de l’Etat d’accéder à la demande des fidèles provoque de nombreuses interrogations dans la communauté bouddhiste de Bodh Gaya qui se demande si l’Etat ne considère cette relique que comme un objet à valeur archéologique, exposé par lui en vue de lui fournir des revenus financiers. “Est-il conscient, demande un religieux, de détenir le bien spirituel le plus précieux du bouddhisme ?”

De nombreuses critiques émanent également des pèlerins. Certains, comme Nirma Bhatia, un fidèle bouddhiste qui est venu du Népal au Bihar pour l’unique pèlerinage de sa vie, se plaignent de ne pouvoir acquitter les frais d’entrée dans le musée. Venant de très loin, s’étant chargés le moins possible et n’ayant pris que peu d’argent avec eux comme le font les vrais pèlerins, ils se trouvent démunis en arrivant sur place. D’autres, venant du Japon, de la Corée du Sud, de Thaïlande ou encore d’Occident, n’ont pas de difficultés financières mais se trouvent affrontés à un autre dilemme. Le musée où se trouve l’urne n’est pas un lieu de culte et abrite de nombreux autres objets. Il est impossible d’y prier. Ainsi tous les bouddhistes, quelles que soient leurs finances ou leur nationalité, s’accordent pour trouver sacrilège le maintien des cendres du Bouddha dans un musée.

Les autorités répliquent aux arguments des bouddhistes en soulignant la valeur inestimable de l’objet dont elles doivent assurer la garde. Elles ont repoussé comme irréalisable une proposition d’aménager pour les cendres une zone de haute sécurité à l’intérieur du temple de Bodh Gaya. Elles ne veulent à aucun prix encourir le risque de les perdre et n’ont pas, pour le moment, trouvé de meilleur emplacement que celui du musée de Patna.

Bouddha fut incinéré sept jours après sa mort à Kusinara (Kasia aujourd’hui dans l’Uttar Pradesh, Kushinagara en sanskrit) en 483 avant J.-C.. Peu après, sept rois étaient sur le point de se faire la guerre pour entrer en possession de ses cendres mais trouvèrent une solution à leur conflit en partageant les précieux restes en parts égales. Plus tard, l’empereur Ashoka (272-232) recueillit l’ensemble des cendres et les divisa en 84 000 parts déposées chacune dans une urne, placée dans un stupa. L’une de ces urnes se trouvait à Vaishali. C’est elle qui fut trouvée en 1958. Elle contenait, en plus de quelques cendres, une pièce de cuivre, un minuscule morceau d’or et coquillage brisé. Les recherches furent menées à bien grâce aux notes d’un voyageur chinois ayant vécu au VIIe siècle dans le Bihar.