Eglises d'Asie

LES IMPASSES DE L’EDUCATION NATIONALE

Publié le 18/03/2010




C’est le changement de système économique qui a entraîné le bouleversement complet de l’éducation nationale au Vietnam. Ce bouleversement a eu pour premières causes, la politique de “renouveau” (entamée à l’issue du VIe Congrès, en décembre 1986), puis l’effondrement soudain du bloc communiste de l’Europe de l’Est (1989-1990) et de l’URSS (1991). Ces deux facteurs ont obligé les responsables politiques à lancer d’urgence des réformes pour sortir le Vietnam de la crise économique qui l’avait paralysé durant plusieurs décennies. C’est ainsi que l’économie de marché s’est substituée à l’économie socialiste. A ce net changement d’orientation économique, sont venus s’ajouter l’ouverture de l’économie vietnamienne aux pays non communistes, l’entrée du pays à l’ASEAN (juillet 1995), la “normalisation des relations commerciales” avec les Etats-Unis (décembre 2001). Ces changements, auxquels il faut associer la future adhésion du Vietnam à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) prévue pour 2005, ont mis les dirigeants vietnamiens dans l’obligation de réviser d’urgence leur politique d’éducation et de formation professionnelle, pour s’adapter à la nouvelle donne politico-économique mondiale.

I.) La situation présente de l’éducation et de la formation professionnelle au Vietnam

Pendant longtemps, le caractère principal de l’enseignement vietnamien (longtemps considéré comme acquis et jamais remis en question) a été la gratuité des études (primaires, secondaires, universitaires et formation professionnelle). Mais depuis la rentrée scolaire 1988-1989, une révision déchirante dans le domaine éducatif s’est effectuée, entraînée par la détérioration socio-économique. C’est à cette date en effet que l’enseignement public est devenu payant. Ce revirement a été lourd de conséquences.

1.) La chute spectaculaire des effectifs des élèves (primaires et secondaires)

En trois ans (1987-1990), la progression des élèves a été pratiquement enrayée ou du moins considérablement ralentie. En effet, le nombre d’élèves du primaire n’a augmenté que de 200 000 (chiffre officiel), alors que le taux annuel de croissance démographique a été de 2,2 ou 2,3 %, ce qui représente une tranche de 1,3 à 1,4 % de jeunes élèves supplémentaires devant fréquenter l’école chaque année.

C’est surtout dans l’enseignement secondaire que les effets de changement de politique éducative se sont révélés catastrophiques. Selon le quotidien Tuôi Tre (‘Jeunesse’), du 31 août et du 3 septembre 1993, parmi 1 326 000 élèves ayant abandonné leurs études en 1997-1990, près d’un million (à savoir 72 % du total) appartenaient au secondaire (dont 60 % des élèves du 1er cycle soit 600 000, et 40 % du 2e cycle soit 400 000). C’est dans les campagnes que la désertion des écoles s’est avérée inquiétante, ce qui a amené les autorités locales à prendre des mesures appropriées comme les visites fréquentes à domicile effectuées par les “can bô” (cadres) et les agents de sécurité rurale par exemple, pour rappeler et encourager les parents d’élèves d’âge scolaire (6 à 11 ans) à les envoyer à l’école.

2.) Dans le primaire et le secondaire, des frais d’études exorbitants, devenus inaccessibles aux masses populaires

Cette chute des effectifs était due sans nul doute à la suppression de la gratuité de l’enseignement. Certes, l’enseignement primaire, aujourd’hui encore, est gratuit et obligatoire. Ce principe a été réaffirmé par le vote de l’Assemblée nationale (en août 1991), au lendemain du VIIe Congrès du Parti communiste vietnamien (PCV). Cependant, les parents d’élèves doivent payer une somme de 15 000 à 20 000 dôngs par an (1FF = 2 000 dôngs en 1991, 1 euro = 18 000 dôngs au 4e trimestre 2003). Cette dépense est variable, selon les régions, moins élevée dans les “zones 1” (campagnes) et les “zones 2” (les “moyennes et hautes régions et autres régions reculées) que dans les “zones 3” (villes). En outre, d’autres contributions financières importantes pour l’entretien, le maintien et la réfection de certains bâtiments, etc., sont également exigées des élèves.

Pour tout l’enseignement secondaire, la gratuité est désormais officiellement supprimée. Seuls les élèves appartenant à certaines catégories (dont le père ou la mère sont morts pour la patrie ou sont de grands blessés de guerre, etc.) bénéficient d’une dispense de frais scolaires. L’enseignement scolaire se subdivise en deux “filières” :

– Les élèves relativement doués sont d’abord recrutés sur dossiers par les écoles de la “filière A” et bénéficient des frais d’études les moins chers. Cependant, ceux-ci varient selon les zones. Dans les grandes villes (comme Hô Chi Minh-Ville, par exemple), les parents d’élèves des écoles publiques implantées dans les quartiers populaires du 4e arrondissement ont dû débourser une somme de 200 000 dôngs par an (année scolaire 1993-1994). Ces frais scolaires se sont quelquefois élevés jusqu’à 1 000 000 de dôngs (voire davantage dans le cas où les établissements scolaires étaient situés dans des quartiers plus aisés (du 1er ou du 2e arrondissement par exemple).

– Les autres élèves, estimés peu capables et refusés par les écoles publiques, se voient obligés de suivre la “filière B” et de payer des tarifs deux fois plus élevés. On trouve surtout cette filière dans les écoles “fondées par le peuple” (c’est-à-dire par les associations ou autres organisations “privées”, agréées par l’Etat). Le directeur de ces écoles est choisi parmi les membres du PCV. Ce sont en quelque sorte des écoles “libres” (placées sous le contrôle attentif du PCV). Elles sont cependant en nombre limité. Quant aux écoles privées (au sens propre du mot), elles sont créées par une personne privée. “Ce type d’écoles n’a pratiquement pas existé jusqu’à présent, et n’a pas encore reçu de statuts a affirmé récemment un haut responsable de l’Université de Hô Chi Minh-Ville en mission à Paris.

Pour l’année scolaire 1997-1998, les frais d’études secondaires de la “filière B” dans les “zones 3” (villes) avaient été fixés à 585 000 dôngs/an pour le 1er cycle, et à 810 000 dôngs pour le 2e cycle, frais deux fois plus élevés que ceux des écoles publiques (1). Si l’on prenait en compte les autres dépenses exigées par les écoles (citées ci-dessus), les parents d’élèves devraient alors débourser de 1 200 000 à 1 600 000 dôngs/an, pour le 2e cycle. Certaines écoles “fondées par le peuple bien cotées et implantées dans les arrondissements assez aisés de Hô Chi Minh-Ville comme “Kêt Doàn” (rue Bùi Chu, 3e arrondissement par exemple) ou encore Hoà Binh (rue de la Commune de Paris, 1er arrondissement), exigent de fortes sommes pouvant s’élever à 1 000 000 de dôngs/an auxquelles les familles sont invitées à ajouter une “contribution volontaire” aux charges de l’école, ce qui leur permet d’inscrire leur nom sur un “livre d’or”. En fin de compte, les frais scolaires et autres dépenses confondus peuvent alors atteindre des montants considérables (1 500 000 dôngs à 1 800 000 dôngs/an ou plus).

Malgré les plaintes et les contestations des parents d’élèves, ainsi que de nombreux articles parus dans certains journaux tels que Tuôi Tre (‘Jeunesse’), Lao Dông (‘Travail’) ou Công Giao cà Dân Tôc (‘Catholicisme et nation’), les frais scolaires des écoles publiques n’ont cessé d’augmenter. En quatre ans (1994-1998), ils avaient octuplé. A tel point qu’ils étaient devenus une charge insupportable non seulement pour les enfants de familles pauvres mais également pour ceux originaires de familles de revenu moyen. Cet état de choses a obligé le gouvernement à adopter, au cours de l’année scolaire (1997-1998), une nouvelle politique concernant les frais scolaires (2). Des tarifs cadres ont été fixés à chaque rentrée scolaire pour éviter les abus. Malgré cela, la progression des frais scolaires n’a pas ralenti ; au contraire, elle s’est encore intensifiée. Ainsi d’après le Nhân Dân (‘Le Peuple’) du 24 juin 2003, le coût moyen des frais d’études secondaires des écoles “fondées par le peuple” (année scolaire 2003-2004) a atteint 400 000 dôngs par mois (1 dollar = 15 500 dôngs) ou 3 600 000 dôngs par an (contre 585 000 par an en 1997-1998). Il a donc plus que sextuplé en cinq ans (1998-2003).

3.) Les dépenses scolaires imposées aujourd’hui sont sans rapport avec le niveau de vie de la population

Les dépenses scolaires ainsi imposées à la population sont totalement disproportionnées par rapport au niveau de vie moyen de la population. Le Vietnam reste encore parmi les dix pays les plus pauvres du monde, avec un revenu per capita évalué à 340 dollars américains par habitant en l’an 2000 (chiffre officiel). Par ailleurs, les inégalités de revenus tendent à s’accentuer entre villes et campagnes. La population de Hô Chi Minh-Ville par exemple bénéficie d’un meilleur niveau de vie (avec un revenu moyen annuel de 700 dollars par habitant, soit plus du double de la moyenne nationale). Par contre, en 1996, dans les régions reculées, les paysans disposaient d’un revenu mensuel inférieur à dix dollars (d’après du 25 juin 1996) et plus de 55 % des paysans du delta du Mékong (dotés pourtant d’un niveau de vie bien supérieur à celui de leurs collègues du delta du Fleuve rouge) vivaient encore sous le seuil de pauvreté. Ce taux a été ramené à 20 % (grâce au programme d’aide humanitaire de l’ONU au Vietnam contre la pauvreté).

Cette insuffisance du niveau de vie est encore accentuée par un taux de croissance démographique encore élevé. Quoiqu’en baisse régulière depuis le lancement de la politique de planning familial dans les années 1980, le taux de fécondité du Vietnam demeure encore élevé (4 enfants par femme en 1990 et 3,1 en 1996, chiffres officiels). Cependant, une moyenne de 4 à 5 enfants par famille rurale ou de 3 à 4 enfants par famille urbaine est chose courante.

4.) Inégalité accrue des chances scolaires

L’inégalité des chances scolaires est en rapport étroit avec l’inégalité des ressources au sein de la population vietnamienne, une inégalité qu’illustre l’enquête, effectuée par l’Université nationale de l’économie à Hanoi en 2000 et publiée (3) en novembre 2002. Elle révèle que le revenu moyen des cadres de base est estimé à 722 000 dôngs/mois, primes comprises (soit 46 dollars, équivalents aux salaires des ouvriers le mieux payés dans une entreprise “joint-venture ; celui des cadres moyens, à 1 325 000 dôngs (soit 85 dollars) et des cadres supérieurs, à 2 098 000 d (soit 135 dollars).

Si les familles de cadres sur lesquelles porte cette enquête ne sont pas rebutées par le coût excessivement élevé des frais d’études du primaire et du secondaire (secteur public ou privé), les parents pauvres, par contre, n’ont pas les possibilités financières d’envoyer tous leurs enfants d’âge scolaire à l’école. Ainsi, bon nombre d’élèves des familles rurales sont obligés d’interrompre leurs études, avant la fin du primaire et du secondaire pour les aider dans les travaux des champs. Les enfants des masses populaires urbaines font de même et entrent très tôt dans la vie active, avant l’âge actif légal (15 ans). D’après une enquête menée par le journal Tuôi Tre (4), 66 % des enfants des familles pauvres (de 10 à 14 ans) font encore des études (contre 96 % des enfants des familles aisés appartenant à la même tranche d’âge), 48 % des enfants des familles pauvres ont terminé leurs études primaires (contre 97 % des enfants des familles aisées) et 3 % seulement des jeunes des familles pauvres sont diplômés du baccalauréat, alors que 58 % des enfants des familles aisées le sont. Autrement dit, les jeunes issus des familles riches et aisées ont plus de chance de réussir dans leurs études que ceux des familles pauvres.

D’après un rapport assez accablant de l’UNICEF publié en 1999, sur 91 % des élèves inscrits au primaire, 63 % seulement ont terminé leur cycle d’études et, sur 1,3 million d’enfants d’âge scolaire (de 6 à 11 ans) n’ayant jamais fréquenté l’école, 50 % étaient issus des minorités ethniques ou résidaient dans des régions reculées. Selon les estimations de l’Etat (5), en 1998, des 91 % d’enfants d’âge scolaire qui étaient entrés au primaire, il n’en restait plus que 22,8 % pour s’inscrire au 2e cycle du secondaire. Autrement dit, beaucoup d’entre eux ont abandonné leurs études, au fur et à mesure qu’ils ont accédé aux classes supérieures.

De toute évidence, la raison financière est la cause principale de l’abandon des élèves de l’enseignement général. La désertion scolaire massive touche non seulement les provinces pauvres ou reculées (comme celles des “moyennes et hautes régions des hauts plateaux, et des plaines côtières du Centre-Vietnam, de la partie orientale du Sud-Vietnam par exemple), mais aussi les provinces riches (comme celles du delta du Mékong par exemple). En bref, ce phénomène est généralisé, depuis que l’Etat vietnamien applique la politique dite de “socialisation de l’éducation” (traduite littéralement ‘xa-hôi-hoa giao ) c’est-à-dire la participation financière de la société ou plus précisément des parents aux charges éducatives. Dans de nombreuses provinces (comme Minh Hai et Kiên Giang de la péninsule de Cà Mau par exemple), les taux des élèves qui ont abandonné leurs études (année scolaire 1998-1999) sont alarmants (30 % pendant le primaire, 39 % dans le 1er cycle et 38 % dans le 2e cycle du secondaire). Dans ces mêmes provinces, les taux d’analphabétisme sont tout aussi inquiétants, tournant autour de 15 à 40 % de la population selon les districts. Toujours d’après les statistiques officielles, dans l’ensemble du delta du Mékong, 39,17 % des enfants d’âge scolaire (6 à 11 ans) n’ont jamais pu aller à l’école. Ce même phénomène s’est aussi répandu dans les villes du Sud. A Hô Chi Minh-Ville par exemple (un des deux plus grands centres économiques, universitaires et culturels du Vietnam), près de 400 000 enfants n’ont pu terminer leurs études primaires obligatoires et 200 000 autres sont analphabètes. Au Nord-Vietnam, on relève des taux équivalents (variant de 30 à 40 %) dans de nombreuses provinces frontalières sino-vietnamiennes ou du delta du Fleuve rouge.

Pour encourager et aider les enfants pauvres dans certains quartiers populaires des villes (comme Hô Chi Minh-Ville et sa banlieue nord-est, à Binh Triêu et Thu Duc par exemple) à poursuivre leurs études primaires, certaines organisations religieuses (catholiques, protestantes, bouddhistes, etc.) leur offrent (avec le consentement de leurs parents), outre les études gratuites, un repas de midi, pour qu’ils reprennent le chemin de l’école, au lieu de se lancer trop tôt dans la vie active pour gagner quelques milliers de dôngs par jour (moins d’un euro).

5.) Un corps enseignant réduit au minimum et en crise permanente

Sans parler du manque de personnel administratif et de gestion, l’éducation nationale vietnamienne souffre particulièrement de la pénurie aiguë d’enseignants (primaires, secondaires, universitaires et de chercheurs de haut niveau dans toutes les disciplines). Cette situation dramatique au plan national n’a cessé d’empirer au cours de ces dernières années. Elle se chiffre ainsi : 93 000 enseignants (dont 50 000 instituteurs, 28 000 professeurs du 1er cycle du secondaire, et 15 000 professeurs du 2e cycle du secondaire, pour l’année scolaire 1996-1997) (6), et 116 000 (dont 60 000 instituteurs, 50 000 professeurs du 1er cycle du secondaire et 6 000 professeurs du 2e cycle du secondaire, pour l’année scolaire 1997-1998) (7).

Face à l’aggravation progressive de la pénurie d’enseignants de l’enseignement général, le ministère de l’Education et de la Formation a été obligé de recourir à diverses méthodes. Recrutés par voie de concours, les étudiants doivent suivre un cursus universitaire de deux ans (bac + 2) à l’école normale secondaire, pour la formation des instituteurs, de trois ans (bac + 3) ou de quatre ans (bac + 4) à l’école normale supérieure, pour la formation des professeurs du 1er ou du 2e cycle du secondaire. Comme leur cycle de formation est assez long et que les frais d’études sont élevés (3,2 millions de dôngs au moins par an, dont les deux tiers sont constitués par les frais scolaires et le logement dans une cité universitaire), les jeunes répugnent à entamer une telle formation trop coûteuse pour se retrouver à leur sortie de l’université avec un traitement dérisoire et des conditions de travail laissant beaucoup à désirer. Les jeunes fraîchement diplômés sont en général affectés dans les régions “situées au bout du monde” (sic), éloignés des centres urbains, des axes de transports et de communications. Les classes sont surchargées, les écoles sont délabrées (ni portes, ni fenêtres, ni équipements scolaires, etc.). Las de travailler dans de telles conditions, ils finissent par se décourager et donner leur démission pour regagner les villes et les grosses agglomérations, où les débouchés d’emplois divers et variés, fruits de la nouvelle économie de marché, leur offrent l’opportunité de trouver un bon emploi.

Les professeurs du secondaire en font de même. Affectés dans des régions où les populations villageoises et des bourgades sont en majorité pauvres, ils sont dans l’impossibilité d’y donner des cours particuliers ou d’y pratiquer un second métier (marchand ambulant, petit commerçant détaillant, menuisiers, maçon, électriciens, etc.) pour améliorer leur ordinaire. Ce sont surtout les cours particuliers et un second métier qui constituent leur véritable gagne pain, leur rapportant de 50 à 75 % de leur revenu, ce qui explique les démissions et les abandons fréquents des enseignants, en particulier des instituteurs et des professeurs du 1er cycle du secondaire. Loin de leur interdire de donner des cours particuliers ou d’exercer un second métier, les autorités locales les ont encouragés dans cette voie.

Parallèlement, l’Etat s’est hâté de recruter les jeunes fraîchement diplômés du Brevet d’études du Premier cycle (BEPC), et après leur formation accélérée (six mois), ils ont été aussitôt affectés dans des postes vacants. “Cette solution ne semble pas la bonne, ont reconnu de hauts responsables de l’éducation. Cependant, faute de mieux, on ne peut faire autrement” (sic). D’autres mesures ont été prises en leur faveur. Ils touchent une prime supérieure de 30 à 50 % par rapport aux autres régions, lorsqu’ils sont affectés dans les campagnes ou d’autres zones reculées. Depuis quelques années, les étudiants des écoles normales secondaires et supérieures bénéficient des bourses d’un montant de 120 000 dôngs par mois (soit une augmentation de 20 %), ainsi que de la gratuité des frais d’études de formation, durant tout le cursus universitaire.

6.) Le gouvernement affiche un bilan positif

Pourtant, malgré cette situation dramatique, les responsables vietnamiens continuent d’afficher leur optimisme et de faire état de “progrès remarquables” accomplis dans le domaine de l’Education nationale. Ils affirment avoir fait “progresser sans cesse” le taux de scolarisation. De 86 % (année scolaire 1990-1991), il serait passé à 94,8 % (année 1998-1999), dépassant celui de plusieurs Etats membres de l’ASEAN !

La proportion des élèves ayant terminé l’enseignement primaire serait en augmentation régulière. De 54,47 % en 1993, elle s’est élevée à 75,50 % en 1998. Ainsi, selon le professeur Trân Kiêu, directeur de l’Institut des sciences de l’éducation du Vietnam, les objectifs fixés pour l’an 2000, à savoir une proportion de 70-80 %, ont été atteints deux ans avant la date prévue (8).

L’éradication de l’analphabétisme chez les 15 à 35 ans et la généralisation de l’enseignement primaire, selon le mot d’ordre du PCV, ont dû être axées sur les “moyennes et hautes régions” et autres zones reculées. Cette politique aurait été achevée en 2000, d’après le professeur Trân Kiêu.

Les taux des élèves, ayant réussi aux examens du primaire, du BEPC et du baccalauréat par rapport au nombre de candidats inscrits (année scolaire 1997-1998) ont été “très impressionnants” (9), respectivement : 97,29 %, 87,71 % et 92,89 % (nettement mieux que la France, avec un taux moyen de réussite à l’examen du baccalauréat par exemple, oscillant, bon an mal an, autour de 75 à 85 %). Rare était le taux de réussite supérieur à 90 %.

Des statistiques ont été officiellement publiées, concernant les effectifs globaux des élèves et des étudiants inscrits à chaque rentrée scolaire. Ce sont les suivantes :

12 664 000 élèves et étudiants (année scolaire 1990-1991)

20 438 000 élèves et étudiants (année 1998-1999)

21 906 000 élèves et étudiants (année 2003-2004),

pour une population estimée à 84 millions d’habitants.

Les élèves se répartissent comme suit :

– Les maternelles ……….. : 2,8 millions

– Le primaire ………… : 8,5 millions

– Le 1er cycle du secondaire ……. : 6,6 millions

– Le 2e cycle du secondaire …….. : 2,6 millions

– Les écoles spécialisées ……… : 390 000 étudiants )

– Les écoles supérieures ………. : 178 000 étudiants ) soit un total de 1 406 000 étudiants

– Les Universités (d’Etat et “libres … : 838 000 étudiants )

Total général : 21 906 000 élèves et étudiants inscrits (10).

Quelques observations s’imposent sur ces données statistiques officielles :

– Les chiffres manquent de précision. Ils sont parfois fantaisistes et loin d’exprimer la réalité de la situation de l’éducation nationale au Vietnam. Malgré la crise provoquée par l’augmentation excessive des frais d’études et d’autres charges abusives, qui s’est traduite surtout par l’abandon massif des élèves de l’enseignement général, les effectifs globaux (élèves et étudiants) auraient connu cependant une croissance “fulgurante” qui les ont fait passer de 12 664 000 en 1990 à 20 438 000 en 1998, soit une augmentation de 7 774 000 nouveaux inscrits en huit ans soit une moyenne de 971 000 par an.

– Ils auraient continué de progresser de plus de 20 millions en 1998 à près de 22 millions en 2003, soit une augmentation de 1 468 000 nouveaux inscrits en cinq ans ou en moyenne un peu moins de 300 000 par an, ce qui équivaut à un tiers du nombre d’élèves et d’étudiants en augmentation annuelle pendant la période précédente 1990-1998. Par conséquent, la progression de leur effectif global a eu tendance à fléchir au cours de ces dernières années, résultant de la désertion de l’école par les élèves de l’enseignement général. Malgré ses efforts déployés, Hanoi n’a donc pas réussi à camoufler les graves difficultés, qu’il a rencontrées dans les réformes éducatives.

II.) “Explosion” de l’enseignement supérieur et “inflation” des diplômes

1.) Des statistiques étonnantes

Jusque vers 1996, le nombre d’étudiants inscrits chaque année dans l’enseignement supérieur (y compris les écoles professionnelles et les collèges techniques destinés à la formation des ouvriers spécialisés) est resté quasi-stationnaire, oscillant entre 130 000 et 150 000. Mais depuis cette date, on assiste à une “explosion” extraordinaire des effectifs. Ceux-ci sont passés de 137 000 inscrits (11) lors de la rentrée universitaire de 1993 à 1 406 000 en 2003 (y compris les étudiants des écoles spécialisées et supérieures). Il a été donc multiplié par dix en dix ans, chiffre très étonnant (12), alors que, paradoxalement, la croissance du nombre d’élèves de l’enseignement primaire et secondaire a eu tendance à se ralentir d’année en année.

Or, comme l’enseignement général, les frais d’études universitaires, ainsi que ceux des écoles supérieures, professionnelles et des collèges techniques, sont devenus de plus en plus chers. Ils représentent pour la plupart des familles de revenu moyen ou même aisé un poids insupportable. Ainsi, lors d’une visite du Secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV) à l’Université de Cân Tho (en septembre 1996), le recteur a, dans son discours, tiré la sonnette d’alarme, soulignant que “cette université est plutôt destinée à servir la classe aisée ; 60 % de ses étudiants en sont originaires Toujours selon lui, “les élèves pauvres, en majorité résidant à la campagne, ont beaucoup de difficultés à y accéder, compte tenu des frais d’études excessifs : trois millions de dôngs par an, bien supérieurs au revenu de la quasi-totalité des familles paysannes”. Une enquête par sondage, effectuée par Tuôi Tre (13) donne une image analogue des exigences financières de la vie estudiantine à Hô Chi Minh-Ville, où chaque étudiant de l’université d’Etat doit dépenser en moyenne entre 3 et 3,2 millions de dôngs au moins par an (dont les deux tiers sont constitués par les frais scolaires et le logement dans une cité universitaire).

A la veille de la rentrée universitaire 2003-2004, le vice-ministre de l’Education et de la Formation a déclaré (14) qu’une “augmentation des frais d’études sera impérative pour améliorer la qualité de la formation”. Selon lui, “cette politique aura des répercussions sur la société tout entière, et par voie de conséquence, le gouvernement va prendre des décisions officielles sur les tarifs cadres”. D’après Tuôi Tre du 21 septembre 2003, de 1 620 000 dôngs par an en 1999, les frais d’études des universités d’Etat sont passés à 2 225 000 dôngs en 2003, les charges dues à l’établissement et autres dépenses non comprises (livres, déplacement, logement, nourritures, etc. pour les étudiants originaires des provinces). Aucun tarif des frais d’études des universités et des écoles supérieures “fondées par le peuple” n’a encore rendu public.

Quant aux écoles professionnelles et aux collèges techniques (secteur public), le ministère de l’Education et de la Formation a fait savoir que “leurs frais d’études devraient aussi être augmentés mais de manière insignifiante pour encourager et attirer les étudiants”. Par contre, ils sont déjà excessivement élevés dans le secteur “privé” : 4 millions de dôngs par an pour les écoles professionnelles, 4,5 millions pour les collèges techniques et 6 millions pour les universités et les écoles supérieures en 1999. Il ressort que les frais d’études universitaires, des écoles professionnelles et des collèges techniques (secteur public ou “libre représentent l’équivalent de trois à six mois de salaire d’un cadre de base, de deux à trois mois de salaire d’un cadre moyen ou supérieur. Les formations post-universitaires (maîtrise, doctorat, etc.), destinées à former les experts et les cadres supérieurs, sont monopolisées par les universités d’Etat. Elles ont battu tous les “records” en matière de frais d’études (variant de 2,3 millions à 9 millions de dôngs par an). Cependant, depuis la rentrée universitaire 2003-2004, l’Etat vietnamien a décidé de les ramener à 4,5 millions par an.

Malgré les frais énormes que les études universitaires représentent pour chaque étudiant, 1 406 000 étudiants sont inscrits à l’enseignement supérieur (année scolaire 2003-2004). Ils se répartissent ainsi :

390 000 élèves dans les écoles spécialisées (B.E.P.C + 2)

C’est un chiffre qui apparaît exagérément grossi, ne reflétant pas la situation catastrophique de ces écoles professionnelles. En effet, la plupart des élèves, issus des familles pauvres, doivent mettre fin à leur cursus scolaire très tôt. Mais, ils ne peuvent pas non plus accéder à ces écoles professionnelles, compte tenu de leurs frais d’études excessifs, hors des possibilités financières de leurs parents. D’ailleurs, elles ne les intéressent pas beaucoup et ne les attirent pas. Une fois diplômés, les ouvriers spécialisés gagnent un salaire de misère. Bien plus, ils ont beaucoup de difficultés à trouver un emploi pour une raison bien simple : les programmes et les méthodes d’enseignement en usage ne sont plus adaptés à la société et à l’économie vietnamiennes, aujourd’hui en pleine évolution. Les équipements sont démodés, les infrastructures pauvres, les appareillages vétustes datant de quarante à cinquante ans, voire davantage. Les professeurs font défaut et leurs compétences laissent à désirer, etc. Le ministre de l’Education et de la Formation a dû reconnaître que “les ouvriers spécialisés ainsi formés ont en général un bas niveau de connaissances techniques ne répondant pas aux exigences des entreprises”. Toujours selon lui, “seulement 2 % des ouvriers fraîchement diplômés possèdent le niveau requis .” sur les quelque 2 000 sortis chaque année des collèges techniques de Hô Chi Minh-Ville, pourtant réputés pour le bon niveau de leur enseignement (15). Faute d’élèves, d’enseignants compétents et de moyens financiers, l’Etat vietnamien a été obligé de réduire constamment les activités des écoles professionnelles. Celles-ci ont été ramenées de 366 au début de la décennie 1990 à 129 en 1999 (15). Le nombre d’ouvriers sortant de ces écoles n’excède pas actuellement 50 000 par an. Dans de telles conditions, on se demande comment le ministère de l’Education et de la Formation peut accomplir avec succès sa mission de former un effectif “record” de 390 000 élèves (dépassant la capacité d’accueil et de formation de 129 écoles professionnelles restantes, limitée à 50 000 ouvriers diplômés au maximum par an) ?

178 000 étudiants inscrits aux écoles supérieures et 838 000 aux universités (d’Etat ou “libres 

Les mêmes remarques sont à faire concernant les écoles supérieures (bac + 2 ou bac + 3) et les universités publiques (bac + 4) ou “libres”. Malgré les frais d’études en forte augmentation, le nombre d’étudiants inscrits à l’enseignement supérieur a plus qu’octuplé en dix ans. De 157 000 étudiants inscrits en 1993, il est passé à 1 406 000 en 2003. Dans ce dernier chiffre global, on a pris en compte les étudiants “non réguliers” à savoir les cadres du Parti et autres candidats privilégiés (des militaires “bardés de décorations des “héros” du travail, des membres des familles “liêt si dont le père ou la mère ont sacrifié leur vie pour la cause de la Révolution, etc.), officiellement présentés par le PCV ou par les organismes d’Etat (ministères, entreprises publiques, etc.). Ils suivent des cours de formation complémentaire accélérée, leur permettant de s’adapter aux progrès industriels, scientifiques ou aux nouvelles méthodes de gestion des entreprises, et éventuellement d’être promus à un haut poste ou à une fonction plus importante (directeur, PDG, etc.). Beaucoup d’entre eux ne possèdent pas des diplômes requis par les universités et les écoles supérieures (le baccalauréat par exemple). D’autres n’ont même pas terminé leurs études dans l’enseignement primaire ou du 1er cycle du secondaire. Ces étudiants “non réguliers” sont assez nombreux. D’après l’Office général de la statistique du Vietnam (16), on compte 123 000 étudiants “réguliers” (‘chinh en vietnamien) soit 78 %, et 34 000 “non réguliers” soit 22 %, inscrits à l’enseignement supérieur (année universitaire 1993-1994). Ces derniers n’ont cessé de progresser rapidement pour atteindre 46 % (année universitaire 1997-1998) contre 54 % des étudiants “réguliers”. La forte augmentation des étudiants “non réguliers” a été probablement la cause de “l’explosion” soudaine du nombre d’étudiants actuel (1 406 000), chiffre, en outre, gonflé par l’Etat vietnamien en vue de propagande (17).

2.) La situation des universités

a.) Infrastructures et corps enseignant insuffisants

Comme le primaire et le secondaire, l’enseignement supérieur souffre de la faiblesse des infrastructures (insuffisance d’amphithéâtres, laboratoires mal équipés, appareillages et instruments démodés, rareté de revues et de publications scientifiques nécessaires aux études et à la recherche pour les étudiants, etc.). A cela s’ajoute la pénurie d’enseignants dans presque toutes les disciplines (surtout dans la technologie, les industries de pointe, l’économie, le droit, la gestion des entreprises, etc.). La quasi-totalité des professeurs titulaires était formée par les universités soviétiques et autres anciens pays socialistes du bloc communiste de l’Europe de l’Est. Leurs connaissances scientifiques et techniques sont aujourd’hui périmées. Ils ne peuvent donc pas s’adapter aux nouvelles disciplines et aux nouvelles méthodes d’enseignement liées à l’économie de marché. La pénurie d’enseignants s’est d’ailleurs aggravée durant la décennie 1990, surtout depuis que Hanoi a autorisé la création des universités “fondées par le peuple” en 1994. Sur environ 3 000 enseignants du secteur “privé 70 % proviennent des universités d’Etat.

b.) Multiplication des universités due aux changements économiques

On comptait huit universités “libres” en 1996. Elles étaient quinze en 1999 (six universités et une école supérieure se sont installées à Hô Chi Minh-Ville). Le nombre d’universités (publiques et “privées a atteint le chiffre “record” évalué à 126, d’après la déclaration du ministre du Travail, des Blessés de guerre et des Affaires sociales (Tuôi Tre du 1er avril 1999). Le développement rapide de l’enseignement supérieur au cours de ces dernières années a été lié à plusieurs facteurs concomitants :

La libéralisation économique a coïncidé avec la “ruée” des investisseurs asiatiques (Taiwan, Hongkong, Singapour, Corée du Sud, Japon) et occidentaux (France, Allemagne, Royaume-Uni, etc.) au Vietnam. La politique de “renouveau” a commencé à porter ses fruits au début de la décennie 1990, avec l’implantation des “joint-ventures” et des entreprises à capitaux 100 % étrangers dans les zones industrielles et les zones économiques spéciales (en quelque sorte des “zones franches”, calquées sur le modèle chinois de Shenzhen en Chine méridionale), situées à proximité de grosses agglomérations.

En raison de la présence des industries de sous-traitance (textile, confection, chaussures, etc.), des chaînes de montage (automobiles, motos, vélos moteurs, électronique, téléviseurs, etc.) employant beaucoup de main d’ouvre, les activités de service sont alors venues s’y greffer (banques, finances, assurances, import-export, cabinets d’avocats, bureaux de représentation des firmes étrangères, de conseils juridiques, transports et communications, tourisme, hôtellerie, restauration, etc.). Ces activités diverses et variées ont soudainement élargi les débouchés d’emploi, qui ont caractérisé la période 1990-1996.

Pour répondre aux besoins pressants et grandissants d’ouvriers spécialisés, de cadres, d’experts, de techniciens sur le marché du travail, les autorités vietnamiennes se sont alors hâtées d’introduire certains départements scientifiques dans les universités d’Etat liées à l’économie de marché. Parmi les vingt-et-une disciplines nouvellement enseignées, l’informatique, les langues étrangères (surtout l’anglais primant toutes les autres langues, y compris le russe délaissé, faute d’étudiants), la gestion des entreprises, le droit, l’économie, la technologie (ces disciplines ayant été longtemps négligées par le régime) sont devenues les plus cotées et les plus appréciées par les étudiants. Cependant, ces nouvelles réformes universitaires se sont jusqu’à présent limitées à certaines Facultés d’Etat.

L’afflux vers les nouvelles disciplines s’est traduit par la saturation rapide des universités publiques, amenant le ministère de l’Education et de la Formation à favoriser et encourager la création des universités “fondées par le peuple”. Ne pouvant pas être admis aux grandes écoles et aux universités d’Etat, les étudiants n’ont pas d’autres choix que de passer les concours d’entrée aux écoles supérieures (bac + 2 ou bac + 3) et aux Facultés (bac + 4) du secteur “privé”. Les jeunes, diplômés des Facultés “libres” de sciences économiques et de droit, ont été très sollicités sur le marché du travail dans les années 1990-1996. Les cadres, les experts et les techniciens, spécialisés dans certains domaines comme la gestion des entreprises, le commerce extérieur, le marketing, les banques, etc.), avaient plus de chance de trouver un emploi approprié et de percevoir un salaire élevé chez les “joint-ventures” et les entreprises à capitaux totalement étrangers. Devenues à la mode, ces Facultés ont attiré beaucoup d’étudiants, alors que d’autres disciplines classiques (médecine, pharmacie, agriculture, enseignement, etc.) ont été délaissées, en raison de leur cursus universitaire trop long et trop coûteux, des salaires dérisoires ou encore des conditions requises (15) trop contraignantes et discriminatoires entre les candidats privilégiés “de souche révolutionnaire” et ceux issus des familles “nguy” (‘traîtres’). Ainsi, sur près de 60 000 candidats inscrits chaque année aux concours d’entrée aux Facultés de sciences économiques (publiques et “privées à Hô Chi Minh-Ville par exemple, 5 000 étudiants ont été recrutés en 1999 (contre 6 500 l’année précédente), et les autres Facultés comme celles de droit, 1 500 étudiants recrutés pendant les deux années universitaires consécutives 1998 et 1999 (sur plus de 32 000 candidats) et celles de technologie, 2 000 recrutés en 1999 (sur plus de 30 000 candidats) contre 2 500 l’année précédente.

Plus tard, la crise financière et économique en Asie (juillet 1997), suivie par la chute brutale de capitaux étrangers investis au Vietnam, a provoqué la fermeture de bon nombre d’entreprises d’Etat et privées, se traduisant par le licenciement massif des travailleurs. Le marché du travail s’est rétréci, obligeant dès lors les hauts responsables universitaires à réduire progressivement le nombre d’étudiants recrutés dans les disciplines citées ci-dessus. Cependant, malgré la persistance de récession économique pendant ces cinq dernières années, les universités ont eu tendance à se multiplier et se développer non seulement dans les grandes villes universitaires traditionnelles (comme Hanoi, Huê, Hô Chi Minh-Ville, Cân Tho, etc.), mais aussi dans les autres villes provinciales dotées de zones industrielles ou de zones économiques spéciales (comme la ville portuaire de Haiphong au Nord par exemple). De petits centres universitaires existant du temps de l’ex-République du Vietnam (comme la ville portuaire de Dà Nang dans les plaines côtières du Centre ou le chef-lieu de province d’An Giang dans le delta du Mékong par exemple) ont été remis en activité.

Ces deux centres universitaires avaient à peine commencé à fonctionner à la veille de l’effondrement du régime de Saigon en avril 1975. Restés longtemps peu actifs, ils ont pris récemment un grand essor, malgré la conjoncture économique peu favorable. Sur l’initiative des dirigeants locaux, “le développement de l’université devrait selon leurs directives, « être étroitement lié à la société, et son rôle de formation (des cadres , des techniciens, des ouvriers etc.) devrait répondre impérativement aux besoins concrets de l’économie régionale” (sic). C’est dans cette perspective que les hauts responsables de l’université de Dà Nang ont eu la grande ambition de créer un troisième grand centre universitaire et de recherches (après Hô Chi Minh-Ville et Hanoi) regroupant quatre Facultés (technologie, sciences économiques, gestion des entreprises, pédagogie), une école supérieure, autres écoles professionnelles et collèges techniques dans un court laps de temps. Ils visent à fournir, entre autres, experts, cadres, techniciens, ouvriers qualifiés, etc. dans tous les secteurs de production et de service en pleine évolution dans les villes des plaines côtières du Centre-Vietnam. Chaque année, l’université recrute, par voie de concours, 4 500 étudiants “réguliers” et 2 500 “non réguliers”. Ces derniers sont en majorité des cadres du parti et des fonctionnaires actifs. Présentés officiellement par le PCV, ces candidats “privilégiés” sont automatiquement acceptés par les Facultés et suivent les cours par correspondances.

L’université d’An Giang, ainsi que les autres centres universitaires régionaux nouvellement créés dans la zone économique spéciale de Bà ria-Vung Tàu (19) au Sud-Vietnam, dans la ville portuaire de Hai Phong ou dans la ville d’industries sidérurgiques de Thai Nguyên, etc. au Nord-Vietnam, ont fait de même. Le programme de création et de développement des centres universitaires régionaux est plus qu’ambitieux. En raison du peu de moyens disponibles, cette nouvelle politique de développement de l’enseignement supérieur est mise en service au niveau de la région.

c.) Le corps enseignant universitaire

La situation des enseignants du supérieur est la même que dans le secondaire et le primaire. Toutes les universités souffrent du manque d’enseignants, en particulier d’enseignants qualifiés. “60 à 70 % des membres du corps enseignant ne jouissent pas du niveau académique requis a récemment déclaré le ministre de l’Education nationale et de la Formation. 12 % d’entre eux ont obtenu le titre de docteur ou de “vice-docteur” (‘Phô tiên ) délivré par l’ex-URSS ou les autres anciens pays socialistes frères de l’Europe de l’Est. Dans un de ses discours, le secrétaire général du Parti communiste vietnamien formulait le vou que ce pourcentage soit porté à 30 %.

La création des universités libres et la multiplication des centres universitaires régionaux aggravent davantage la pénurie des professeurs. Cependant, elle donne aux enseignants l’opportunité d’augmenter leur niveau de vie. Les cours supplémentaires leur apportent des ressources financières appréciables, leur permettant d’arrondir leurs fins de mois. Les professeurs réputés en certaines disciplines comme l’économie, le droit, la gestion des entreprises, les finances sont très demandés. En raison de la surcharge de travail, ils n’ont plus le temps d’actualiser, de renouveler leur cours ou de faire des recherches.

Pour réparer la carence de professeurs titulaires, le Conseil des ministres a décidé (20) de décerner ce titre à 801 enseignants au cours des deux décennies 1980 et 1990. Certains ne sont pas docteurs, d’autres quoique titulaires du grade de docteur ou de “vice-docteur” ont un niveau académique insuffisant. En 1999, tous les vice-docteurs ont été reconnus par l’Etat comme des docteurs. Avec ce grade universitaire, ils peuvent désormais participer aux jurys d’examen en tant que membre à part entière. Ils peuvent être promus au titre de professeurs adjoints (Pho giao su) ou de professeurs titulaires. Ainsi le fameux principe des débuts de la révolution “plutôt rouges qu’experts” persiste toujours. Dotés de tels titres, ils assument des fonctions et des postes clés dans l’enseignement supérieur (chefs de départements scientifiques, chefs de file du corps des scientifiques, doyens, secrétaires du PCV chargés de l’organisation du personnel au sein de l’université ou de la faculté. Ils forment des clans puissants et parfois font barrage aux jeunes scientifiques compétents, diplômés des universités étrangères (Russie, pays de l’Europe de l’Est, pays dits capitalistes de l’Europe occidentale ou de l’Amérique du Nord).

En effet, depuis 1990, des milliers d’étudiants vietnamiens ont bénéficié de bourses offertes par certains pays comme la France, les Etats-Unis, la République tchèque. D’autres jeunes ont été subventionnés financièrement par leurs parents (en majorité, des capitalistes rouges) pour poursuivre des études post-universitaires à l’étranger. Une fois diplômés, bon nombre d’entre eux ont préféré rester et vivre dans des pays d’accueil. D’autres ont décidé de rentrer dans leur pays natal pour se mettre à son service, ayant bon espoir d’obtenir une fonction d’enseignant ou un poste d’enseignant à l’université. Une cruelle déception les attendait. Ce fut le cas par exemple d’un jeune docteur en physique nucléaire bien connu de ses compatriotes expatriés en République tchèque (au nombre de six à huit mille à Prague) qui revint au Vietnam, il y a environ trois ans. Sa demande d’embauche à l’université de Hanoi fut purement et simplement rejetée sous le motif que cette discipline n’avait pas encore été créée et que le pays n’en avait pas encore besoin. Déçu, il est revenu en République tchèque, où il exerce actuellement le métier de petit commerçant dans un marché à ciel ouvert de Prague.

d.) L’octroi des diplômes supérieurs

En ce qui concerne le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur (universités, écoles supérieures, grandes écoles, etc.), les officielles manquent de précision. On sait que sur 136 800 étudiants réguliers” et “non réguliers” inscrits dans toutes les disciplines confondues, pour l’année universitaire 1992-1993), 24 800 ont été diplômés. Cinq ans après (21), ceux-ci ont triplé, avec 74 100 (sur un total de 662 800 inscrits pour l’année universitaire 1996-1997), et leur nombre n’a cessé dès lors de croître. Ils ont été deux à trois fois plus nombreux que les élèves diplômés des écoles professionnelles et spécialisées. Ainsi, on comptait 91 200 cadres et techniciens formés en 1997-1998 contre 40 400 élèves seulement inscrits aux écoles professionnelles et aux centres régionaux de formation des ouvriers (22).

La forte augmentation des effectifs des diplômés de l’enseignement général (primaire, BEPC et baccalauréat), des cadres (ingénieurs, docteurs en médecine, experts, licenciés en droit, ès sciences économiques, etc.) et des techniciens (en informatique, gestion, comptabilité, marketing, commerce extérieur, etc.) s’explique par la politique volontariste du gouvernement vietnamien. En effet, pour répondre aux besoins urgents des “joint-ventures des entreprises à capitaux 100 % étrangers ou locales en cadres, en techniciens et en ouvriers qualifiés, il s’est empressé de faciliter la tâche des autorités régionales. De hauts responsables de l’enseignement supérieur (secteur public et “privé ont été envoyés d’urgence dans les pays dits “capitalistes” asiatiques (Singapour, Japon, Taiwan, Corée du Sud, etc.) et occidentaux (France, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, Australie, etc.), ayant pour mission de demander des aides financières et techniques (enseignants, conseillers et experts de haut niveau, appareillages et instruments de laboratoire, revues et livres scientifiques, etc.). Dans le même temps, des organismes internationaux (FMI, Banque mondiale, Banque asiatique pour le développement, etc.) ont aussi apporté leur soutien et leur contribution financière, ce qui a permis à Hanoi de créer et de développer, au cours de la première moitié de la décennie 1990, de nouvelles disciplines dans les universités d’Etat, puis dans les universités “privées”. Celles-ci avaient été purement et simplement nationalisées sans indemnisation, après la chute du régime de Saigon en 1975. Les universités publiques et “privées” font dorénavant de la concurrence et courent après les “performances” et les “records” de formation des diplômés. Cette nouvelle politique éducative a provoqué des répercussions fâcheuses à l’heure actuelle :

e.) Un reliquat idéologique inutile : les cours de marxisme-léninisme

Ils sont obligatoires pour toutes les formations. “L’éducation doit être axée sur le marxisme-léninisme et sur la pensée de Hô Chi Minh affirmait encore la résolution du VIIe congrès du PCV, en janvier 1993. Les étudiants s’intéressent de moins en moins à cette matière. “Depuis l’effondrement du bloc communiste de l’Europe de l’Est et de l’URSS, ils ne croient plus aux théories marxistes-léninistes invincibles” (sic), ont affirmé nos collègues vietnamiens en mission à Paris. Pour les forcer à suivre les cours, l’épreuve de cette matière à la fin de l’année reste à nouveau aujourd’hui déterminante, avec la note éliminatoire fixée à quatre points sur dix, comme auparavant.

f.) Baisse du niveau académique et disparité des valeurs des diplômes

Une certaine dévaluation des diplômes du primaire et du secondaire a entraîné celle des diplômes du supérieur. Sous l’impulsion de leurs supérieurs hiérarchiques, les instituteurs et les professeurs du secondaire (1er et 2e cycles) se sont montrés indulgents, voire laxistes, en donnant de larges notes à leurs élèves par exemple, ou en les laissant presque tous accéder aux classes supérieures, même pour ceux qui n’avaient qu’un très faible niveau académique. Les examinateurs ont fait de même. Outre la notation généreuse, ils ont repêché au maximum les candidats aux examens du primaire, du BEPC et du baccalauréat, même si le total de leurs notes obtenues a été encore bien au-dessous de la note normale requise. Sous la pression de leurs supérieurs hiérarchiques (qui ont voulu courir après les “performances” et les “records les enseignants (23) ont dû alors donner des sujets faciles (pour les compositions et les contrôles en classe ou pour les examens par exemple), et la quasi-totalité des élèves ont ainsi obtenu de bonnes notes ou réussi aux examens. Les fraudes d’examens sous différentes formes (apports de documents, échanges de copies, achats de bonnes notes, fuite de sujets, etc.) sont chose courante. Les examinateurs, les surveillants ont fermé les yeux (24). Il faudrait aussi souligner que depuis l’année scolaire 1998-1999, les concours d’entrée en classe de 6e et de 10e (équivalente à la classe de seconde française) ont été supprimés. Cependant, l’examen du primaire, du BEPC et du baccalauréat demeure toujours obligatoire et la note des candidats sera examinée pour le recrutement dans le secondaire (1er et 2e cycles). Le principe des “critères de classe” reste toujours en vigueur. L’admission des candidats “privilégiés” (25) dans le secondaire (1er et 2e cycles) est fixée de un à trois points inférieurs à la note normale. La pénurie aiguë d’enseignants, leur absentéisme fréquent (en particulier des écoles de campagnes et d’autres zones reculées où les contrôles effectués par les inspecteurs sont rarissimes), leurs incompétences, leur “laisser-aller” (pour atteindre les objectifs et les “bons résultats” préconisés par leurs supérieurs), la référence aux “critères de classe etc. ont contribué, pour une part importante, à la baisse généralisée du niveau académique des élèves, ainsi qu’à celle des valeurs des diplômes de fin d’études du primaire, du BEPC et du baccalauréat.

Dans l’enseignement supérieur, ces mêmes phénomènes négatifs sont encore plus répandus et ont tendance à s’aggraver actuellement à tel point que les autorités n’arrivent plus à les cacher et les “mass médias”, ainsi que le corps enseignant universitaire, les associations des parents d’élèves, etc. les dénoncent vivement en public, les condamnent avec fermeté et critiquent sévèrement les hauts responsables de l’éducation, chose rarissime dans les pays communistes. Le ministre de l’Education et de la Formation lui-même (26) a reconnu sans détour “cette situation malencontreuse qu’il a qualifiée “d’anormale, devenue normale et qui “se répand dans bon nombre de régions”. D’autres facteurs contribuent également à la baisse générale du niveau académique des étudiants :

Comme dans l’enseignement général, la référence aux “critères de classe” pour le recrutement dans les écoles professionnelles et supérieures ainsi que dans les universités persiste. La note, exigée pour l’admission des candidats “privilégiés” (27), est fixée généralement à 3 points inférieurs à la note normale (au lieu de 8 points auparavant). Ils garderont “leurs privilèges” tout au long de leur cursus scolaire, à chaque examen, à chaque concours ou à chaque contrôle. Beaucoup d’entre eux en ont bénéficié pleinement pour entrer à l’université, en dépit de leur bas niveau académique. Tel a été le cas des concours d’entrée à certaines grandes écoles (année universitaire 2003-2004) comme l’école polytechnique de Hanoi par exemple, ou à certaines Facultés “fondées par le peuple” comme les Facultés de langues étrangères, de l’informatique de Hô Chi Minh-Ville ou la Faculté de commerce extérieur de Hanoi par exemple. Le niveau académique des candidats a été si faible que les hauts responsables universitaires ont dû alors baisser la note d’admission à 10 points (pour les trois matières écrites), pour pouvoir recruter les candidats en grand nombre. Cet esprit mercantile des universités “publiques ou libres” a soulevé le mécontentement de l’opinion publique (28). En effet, avec une note de 10 points pour les trois matières, soit en moyenne un peu plus de 3 points par matière (29), il suffit aux candidats “privilégiés” d’obtenir une note moyenne écrite de 2 points seulement par matière pour que la plupart d’entre eux soient admis au concours, grâce à leur bonus de 3 points supplémentaires. Dans de telles conditions, la formation manque de qualité et les diplômes sont alors délivrés “au rabais”. Face à l’opinion publique défavorable, le vice-ministre de l’Education et de la Formation a dû changer d’avis, en déclarant que “avec la note de 10 points, on ne pourrait pas réussir au concours d’entrée à l’université”. Toujours selon lui, “le barème minimum devrait être fixé à 12 points” (sic), soit une note moyenne de 4 points sur 10.

Outre la baisse inquiétante du niveau académique des étudiants, la disparité des valeurs des diplômes, délivrés par les universités (publiques ou “privées est choquante. Les universités les plus anciennes et les plus réputées au Vietnam sont en général installées dans les grandes villes (comme la capitale Hanoi ou Hô Chi Minh-Ville, ex-Saigon par exemple). Elles sont dotées des infrastructures (y compris les laboratoires, les bibliothèques, etc.) relativement meilleures, et bon nombre de leurs enseignants ont été formés à l’étranger (notamment en ex-URSS pour les universités de Hanoi, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, etc. pour les universités de Hô Chi Minh-Ville) et internationalement reconnus compétents, grâce à leurs publications scientifiques. Dans le Sud-Vietnam, ils étaient en majorité chefs de départements scientifiques, et en même temps, présidents de jurys de concours ou d’examens de fin d’année, en bref, ils étaient chargés de veiller sur la discipline et de maintenir le niveau académique.

Mais, depuis l’effondrement du régime de Saigon, ces vieilles traditions universitaires ont été éliminées (30). Les anciens maîtres ont été d’emblée remplacés par les “can bô” (cadres) venus du Nord-Vietnam. La plupart d’entre eux ne possèdent ni titres universitaires (comme professeurs titulaires par exemple), ni grades universitaires (comme doctorats ou Ph.D. par exemple). Déçus de ce bouleversement de traditions, écartés brutalement des fonctions et des postes scientifiques de direction, et soumis aux ordres des cadres plutôt politiques que scientifiques, incompétents, beaucoup de professeurs ont préféré quitter le pays et s’exiler à l’étranger (soit par voie officielle pour raison de regroupement familial, soit par voie maritime clandestine comme boat people, dans les années 1975-1985). Les postes vacants ont été immédiatement remplacés par les cadres du Nord, selon le principe “plutôt rouge qu’expert se traduisant par la perte de prestige moral du corps enseignant. Les “nouveaux maîtres encore jeunes et en majorité peu compétents, ont alors imposé leurs programmes de réformes, calqués sur le modèle du Nord-Vietnam. Mais ils ont été dépassés et inadaptés à la société du Sud, surtout depuis que le Vietnam s’est ouvert aux pays non socialistes et s’est reconverti à l’économie de marché. L’ordre et la discipline se sont rapidement dégradés, avec la création récente des universités et des centres universitaires régionaux. Ces deux types universitaires souffrent d’une pénurie aiguë de locaux, d’équipements, etc. Les professeurs, possédant des titres ou des grades universitaires requis, font défaut. Pour y remédier, on invite alors les professeurs titulaires des autres universités d’Etat à venir dispenser quelques cours magistraux, et le reste des programmes de formation est assuré par les “vice-docteurs” (reconnus comme l’équivalent des “docteurs” depuis 1999) et les “thac si” (31) fraîchement diplômés. A l’instar du modèle d’éducation et de formation des universités anglophones, ces universités (publiques ou “privées sont considérées comme des entreprises commerciales et leur rentabilité est de mise. Ainsi, pour attirer les étudiants, elles n’hésitent pas à pratiquer la concurrence sous diverses formes (parfois démagogiques, blâmables et condamnées avec fermeté par les associations des parents d’élèves) à savoir :

– la notation généreuse pour laisser passer au maximum les étudiants aux classes supérieures ;

– la forte baisse de la note moyenne de concours pour recruter le plus grand nombre de candidats ;

– le bonus excessif en faveur des candidats “privilégiés” et autant d’autres “critères” favorables aux étudiants “non réguliers pour les attirer à s’inscrire nombreux à l’université, etc. ;

– l’achat de notes d’examens, de mentions des diplômes et de faux diplômes, le laxisme, le laisser-aller vis à vis des élèves et des étudiants, qui trichent aux examens et aux concours.

Ces phénomènes négatifs (32) sont devenus généralisés dans l’enseignement général et supérieur, tant dénoncés en vain par les médias (33). Des candidats (34) ont passé les examens et les concours à la place des autres “à l’insu” des surveillants et des examinateurs. D’autres candidats aux examens post-universitaires (comme le diplôme “thac si” (maîtrise) ou le doctorat par exemple) ont corrompu leur “maître patron de leur mémoire ou de leur thèse, ainsi que les membres du jury, en venant chez eux “leur offrir une enveloppe” (sic) c’est-à-dire le pot-de-vin. “Leur réussite et la mention de leur diplôme dépendent de l’importance de la somme d’argent mise dans l’enveloppe.” Cette “tradition ont affirmé nos collègues (38), “devient une affaire de routine”. Selon la police de Quang Nam-Da Nang, les acheteurs se servent de faux diplômes ou de diplômes “achetés” dans le dossier de demande d’emploi ou de promotion.

Devant l’ampleur de la crise, qui a sévi et fait des ravages à tous les niveaux dans l’éducation, le ministre lui-même a dû monter au créneau pour rassurer les populations et leur redonner la confiance, en déclarant devant la presse vietnamienne, lors de la rentrée scolaire 2003-2004, “qu’il est déterminé à” (35) :

– “rétablir l’ordre et la discipline” dans les salles d’examens et de concours” ;

– réprimer avec fermeté tous les phénomènes négatifs, “inacceptables et contraires à la morale du corps enseignant, entraînant de lourdes conséquences sur des générations futures” ;

– “en finir coûte que coûte cette année avec le problème de “cours particuliers en plein essor dans les grandes villes, que les professeurs indélicats ont forcé leurs élèves à prendre”. “Leurs directeurs et leurs proviseurs des écoles concernées seront également soumis aux mesures disciplinaires etc.

Cependant, le ministre a dû avouer que “la grande faiblesse de l’éducation du Vietnam touche non seulement à l’enseignement du 2e cycle du secondaire, mais à tous les niveaux”. Toujours selon lui, “le plus grand défi actuel réside dans la qualité éducative, qui n’a pas répondu jusqu’à présent aux exigences de la société” (sic). Le système d’éducation et de formation professionnelle “demeure encore faible par rapport à celui des autres pays de la région”. La meilleure université du Vietnam a été classée avant dernière en 2003, parmi un peu plus de soixante meilleures universités des pays de l’ASEAN (36).

Conclusion

La gravité de la crise actuelle de l’éducation nationale tient d’abord à la lenteur des réformes. Certaines initiatives et certaines mesures, prises pour améliorer l’enseignement secondaire et supérieur, vont dans le bon sens telles que la division du secondaire en trois sections (A pour les sciences naturelles, B pour les sciences naturelles et techniques et C pour les sciences humaines) ou encore la création des écoles supérieures et des universités “privées”.

1.) La réforme du secondaire

En réalité, ces réformes existaient déjà dans le Sud-Vietnam, avant 1975. La première des deux réformes, réalisée à titre expérimental en 1999-2000, a été ensuite généralisée dans tout le pays. Elles devaient être appliquées en classe de 1ère et de 6e (équivalentes à la CE1 du primaire, et à la 6e du secondaire français) pour l’année scolaire 2002-2003. Elles devaient ensuite concerner la 2e (la CE2) et la classe de 7e (la 5e) pour cette année scolaire 2003-2004. Sur la longue route de réformes où les obstacles n’ont pas manqué, L’Education nationale vietnamienne aura mis cinq ans (de 1999 à 2004) pour réformer quatre classes sur un total de douze prévues dans sa stratégie de “renouveau” (dôi moi) éducatif de l’enseignement général. La réforme s’est déjà heurtée à beaucoup de difficultés : 50 % des écoles ont reçu des équipements scolaires (au lieu de 100 %), et sur ce pourcentage, la moitié seulement répondait aux normes et aux exigences en quantité et en qualité. La livraison des équipements scolaires s’est souvent faite avec un certain temps de retard, et la même erreur s’est répétée cette année, de telle sorte que nombre de provinces des plaines côtières du Centre-Vietnam (comme Nghê Tinh par exemple), ainsi que plusieurs provinces frontalières (comme Son La par exemple), et autres zones reculées, “n’ont pu entamer ou ont raté les premières réformes de l’enseignement général” (37), faute d’instruments, de livres scolaires, de salles de classe pour les travaux pratiques et d’enseignants compétents (pour l’usage et la maintenance d’appareillages).

2.) La réforme du supérieur

Dans l’enseignement supérieur, rien n’a été fait de sérieux. La prolifération excessive des écoles supérieures, des universités (publiques et “libres et la tendance récente de création et de développement rapide des centres universitaires régionaux se sont traduites par la croissance extraordinaire de l’effectif des étudiants (surtout des “non réguliers et par voie de conséquence, par la baisse du niveau académique et la disparité des valeurs des diplômes. Les jeunes, issus des familles pauvres et résidentes en majorité de la campagne (près de 80 %), ont dû mettre un terme à leurs cursus scolaire très tôt, mais ils n’ont pu accéder aux écoles professionnelles et n’ont eu en main aucun diplôme de formation professionnelle, avant de faire leur entrée dans la vie active, compte tenu des frais d’études excessifs hors de leur possibilité financière, ce qui explique le faible nombre d’ouvriers qualifiés, formés chaque année, ainsi que la pénurie d’ouvriers spécialisés (en particulier des ajusteurs, des ouvriers spécialisés dans les laminoirs d’acier automatiques par exemple, très recherchés sur le marché du travail). D’après les statistiques officielles, 87,6 % de la population d’âge actif (de 15 à 60 ans) n’ont eu aucune formation professionnelle ; de 8 à 12 % seulement des ouvriers des entreprises d’Etat ont suivi une formation et tous les autres ont appris sur le tas, selon le principe “des connaissances empiriques, transmises de père en fils d’après une enquête effectuée par le ministère du Travail, des Combattants invalides et des Affaires sociales. Paradoxalement, les entreprises souffrent d’une pénurie aiguë d’ouvriers spécialisés et qualifiés. Mais, ceux-ci, sortis des écoles professionnelles, ont du mal à trouver un emploi, faute d’expérience et surtout de connaissances techniques requises par la tâche. Il en est de même pour les techniciens et les cadres, pour une raison bien simple : leur formation est inadaptée aux besoins des entreprises. Ils ont dû se perfectionner à l’étranger (au Japon, en Corée du Sud, à Taiwan ou Singapour), avant d’exercer leur métier dans les entreprises étrangères, qui les ont embauchés au Vietnam !

En bref, les réformes éducatives, engagées par Hanoi depuis la décennie 1990 jusqu’à présent, ont essuyés échec sur échec. Les frais d’études excessifs, la corruption liée aux bas salaires du corps enseignant, la multiplication rapide des écoles supérieures, des universités publiques et “privées etc. en dépit du peu de moyens disponibles (insuffisance du personnel administratif et de gestion et manque d’enseignants à tous les niveaux), ainsi que la pauvreté du budget consacrée à l’éducation nationale, ne suffisent pas à expliquer la crise et l’impasse des réformes éducatives au Vietnam actuel : excédent de techniciens, de cadres et pénurie d’ouvriers spécialisés. Presque tous sont déphasés après leur formation, et réduits au chômage. Pour survivre, ils doivent exercer toutes sortes de métiers. Les ingénieurs font de “petits boulots” (maçons, menuisiers, ouvriers électriciens, petits commerçants, etc.). Les jeunes docteurs en médecine, n’ayant eu pas cinq ans de stage et d’expérience exigés par la loi (faute de places disponibles dans les hôpitaux publics ou en raison du “mauvais curriculum vitae” de leur famille “nguy” (‘traître’), n’ont pu exercer leur profession (création d’un cabinet privé de consultation par exemple). Pour leur survie, ils se sont transformés en vendeurs de produits chimiques, et d’autres diplômés universitaires (bac + 4) ont été recrutés comme secrétaires dactylographes, serveurs de restaurants, chauffeurs de taxi, portiers d’hôtels de tourisme etc.

3.) Les raisons d’un échec

Pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ? Il faut incriminer en premier les plus hautes instances du PCV et de l’Etat, coupables d’avoir commis des erreurs graves dans les réformes éducatives à savoir :

Obscurantisme et dogmatis